Entre explosion de l’intelligence artificielle et décarbonation massive de l’industrie, RTE fait face à une explosion des demandes de raccordement de grandes capacités. La situation est telle que le gestionnaire français fait évoluer ses méthodes de travail pour prioriser et anticiper les besoins, sous peine de finir enseveli sous des tonnes de projets.
Le gestionnaire du réseau de transport d’électricité français va-t-il survivre à l’explosion de l’intelligence artificielle ? C’est, en résumé, la question que certains se posent alors que l’entreprise française fait face à une explosion des demandes de raccordement d’installations, principalement en lien avec les centres de données.
En effet, sur les deux dernières années, RTE a enregistré pas moins de 9 GW de demande de raccordement. Cela équivaut à 20 fois la capacité actuelle des centres de données français ! Symbole de ce développement des centres de données en France, un datacenter d’une puissance de 85 MW vient d’être mis en service à La Courneuve. Le bâtiment de 40 000 mètres carrés, et dont la forme rappelle le Stade de France, a coûté plus d’un milliard d’euros et devrait consommer autant que 60 000 habitants. À Dugney, en Seine-Saint-Denis, un autre data center devrait entrer en service en 2030 et afficher une puissance de 200 MW.
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Cette course à la grandeur pose néanmoins question. Si de telles installations sont indispensables pour permettre à la France de jouer un rôle important dans le développement de l’IA, ces bâtiments ont des conséquences importantes sur l’environnement, la surface foncière disponible… Et le réseau électrique. Certaines actualités récentes ont d’ailleurs montré la méfiance de certaines villes qui commencent à faire de la résistance. Rennes a ainsi débouté un projet de Microsoft aux abords de la capitale bretonne, tandis qu’à Marseille, on réfléchit à mieux encadrer le déploiement de telles installations pour privilégier les projets respectueux de l’environnement.
Du côté de RTE, le problème va plus loin. En effet, il semblerait que de nombreuses demandes de raccordement ne soient, en réalité, pas motivées par un projet concret. Le raccordement électrique et la surface foncière nécessaire à la construction de ces équipements étant de plus en plus rares, certains investisseurs n’hésitent pas à spéculer sur le lancement de futurs projets, et utilisent les possibles capacités de raccordement chiffrées par RTE comme argument de vente. À titre d’exemple, l’entreprise Data4, spécialisée dans les data center en Europe, met en avant ses 133 hectares de réserve foncière, et ses 375 MW de puissance électrique disponible. Dans d’autres cas, certaines entreprises n’hésiteraient pas à faire plusieurs demandes de raccordement pour un même site.
Cette situation pose problème, puisque ces projets non aboutis viennent encombrer la file d’attente du côté de chez RTE, et ralentir le traitement de projets plus avancés, qu’il s’agisse de centres de données ou de sites industriels. En effet, RTE ne fonctionne pas par ordre de priorité, mais par ordre d’arrivée.
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Face à cette situation, et pour tenter de maintenir le cap, RTE a décidé de faire évoluer ses méthodes de travail. En attendant de pouvoir potentiellement prioriser les dossiers les plus avancés, RTE a obtenu du régulateur de l’énergie de pouvoir facturer les devis de raccordement, à un montant de 42 000 euros. Si une telle somme ne freinera pas les acteurs majeurs du secteur, elle devrait tout de même permettre à RTE de trouver un équilibre financier.
D’autre part, le gestionnaire réseau envisage d’anticiper les futurs besoins de certains secteurs. C’est notamment ce qui a été fait avec la région industrielle de Dunkerque, qui concentre à elle seule plus de 21 % des émissions de CO2 du secteur industriel français. Sur ce site, dès 2019, RTE a anticipé de futurs besoins électriques en investissant plus d’un milliard d’euros pour la fabrication de trois postes de transformation de 400 000 V à 225 000 V. Ces trois créations ont été associées à de nouvelles lignes haute tension qui ont été enterrées pour limiter leur emprise sur les parcelles foncières.
Ce mode opératoire basé sur l’anticipation a été difficile à mettre en oeuvre, car elle nécessite des investissements colossaux. Néanmoins, elle constitue un avantage considérable pour l’installation de nouveaux industriels qui gagnent de nombreuses années sur la durée de raccordement. Désormais, RTE espère pouvoir employer ce même mode de fonctionnement sur des secteurs comme le Havre ou Fos-sur-Mer.
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Avant il roulera sous la charge électrique des voiture.
Faux, RTE a expliqué à plusieurs reprises que le parc auto en VE ne lui créerait aucun problème à gérer.