Arrivé en tête des élections législatives, le parti d’extrême droite voudrait freiner sur certains sujets liés à la transition énergétique. Voitures électriques, éoliennes et Zones à faibles émissions (ZFE) sont notamment dans son viseur, risquant de mettre à mal une dynamique de changement qui peine déjà à s’installer. Mais qu’en est-il dans le détail ?

À quelques jours du second tour des élections législatives, la bataille fait rage entre les trois partis toujours en lice. Mais les questions environnementales et énergétiques ne sont plus au coeur des débats, malgré des propositions qui pourraient modifier en profondeur l’industrie et le mix énergétique français dans les prochaines années. Du côté du Rassemblement National, on évoque un programme qui ferait la guerre à l’écologie dite « punitive », faisant du nucléaire une force majeure, au détriment, sans doute, des énergies renouvelables.

Un discours un peu plus nuancé qu’en 2022

Sur la question environnementale, le Rassemblement National semble avoir mis de l’eau dans son vin en l’espace de deux ans. Dans son programme présidentiel de 2022, Marine Le Pen annonçait, en effet, vouloir un moratoire sur les sujets de l’éolien et du solaire. La candidate du Rassemblement National affichait explicitement son hostilité à l’égard des éoliennes, évoquant même « le démantèlement progressif des sites (éoliens, NDLR) en commençant par ceux qui arrivent en fin de vie », en plus de la suspension des subventions ainsi que l’achat de l’électricité à un prix de marché.

Mais, depuis, le discours a quelque peu changé. L’idée d’un moratoire est toujours présente, mais seulement pour toute nouvelle construction de chantier éolien. Quant à la filière photovoltaïque, elle paraît hors de danger puisque Jordan Bardella a indiqué vouloir reconstruire une filière photovoltaïque sur le sol français « en la protégeant avec des droits de douane au niveau européen ». Le président du Rassemblement National a également indiqué vouloir convertir les centrales à charbon à la biomasse, ou encore réduire l’empreinte carbone de la France en soutenant les relocalisations et en favorisant les circuits courts. Sans toutefois communiquer davantage de détails techniques et financiers.

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Confusion entre mix électrique et mix énergétique et opposition au véhicule électrique

Malgré ce positionnement à peine plus ouvert aux énergies renouvelables, le discours du parti d’extrême droite propose tout de même de faire marche arrière sur plusieurs sujets. En tête, l’interdiction de la vente de voitures à moteur thermique à l’horizon 2035 ou la suppression des Zones à faibles émissions (ZFE). Pour justifier ces choix, le RN avance le fait que la France a un impact carbone déjà faible par rapport à d’autres pays voisins, en particulier grâce au parc nucléaire. Cependant, s’il est vrai que le mix électrique de la France est l’un des plus faiblement carboné de la planète, ce n’est pas le cas de notre mix énergétique. En 2023, 58 % de notre consommation finale d’énergie provenait du pétrole, gaz et charbon, selon les données du ministère de la Transition énergétique. La même année, la France a dépensé 105,3 milliards d’euros en pétrole, biocarburants et gaz, presque entièrement importés.

Profitant d’un regain d’intérêt populaire pour l’énergie nucléaire, le parti promet de « refaire du nucléaire un élément majeur, fondamental, structurant du mix énergétique ». Davantage de nucléaire, mais pour quoi faire ? Car, paradoxalement, le parti s’est toujours montré hostile à la transition vers les véhicules électriques, dont l’essor justifie le développement de nouvelles centrales. Jordan Bardella estimait le 15 mai que « le tout électrique va non seulement entraîner une hausse des factures, pas seulement sur le coût d’acquisition, mais aussi sur les coûts de réparation, va accroître notre dépendance à l’égard des métaux rares de la Chine notamment et cela va totalement désorganiser les industriels ».

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Un mélange d’affirmations peu nuancées et en partie erronées. Car, si les voitures électriques sont généralement plus chères à l’achat, la facture à l’usage est nettement moins élevée que celle d’une thermique. Concernant le coût des réparations, les études ne sont pas unanimes. La hausse des coûts suite à un accident pourrait être liée aux accessoires (capteurs, caméras, ordinateur de bord, équipements superflus) plutôt qu’à la motorisation et à la batterie. Quant aux « métaux rares », qui désignent probablement les terres rares, de nombreux moteurs électriques n’en contiennent pas. Ils ne sont donc pas toujours indispensables et n’impliquent pas nécessairement une dépendance à la Chine, comparé à d’autres appareils du quotidien. Enfin, l’argument de la désorganisation des industriels a été balayé par les constructeurs automobiles eux-mêmes. Carlos Tavares, le président du groupe automobile Stellantis alertait que « ceux qui défendent le statu quo sont ceux qui n’ont pas de vision. On ne peut pas s’offrir le luxe de l’inaction ».

Par ailleurs, le président du RN clamait que « celui qui pollue n’est pas l’automobiliste français, mais le supertanker venu du bout du monde » devant l’assemblée européenne en mars 2023. Une nouvelle contradiction dans laquelle l’édile semble oublier que les supertankers transportent le pétrole dont les voitures thermiques dépendent.

Des stratégies énergétiques qui manquent de sérieux

Si l’approche du RN concernant la transition énergétique s’est assouplie afin de ratisser un large électorat, elle comporte toujours de nombreuses zones d’ombre, de contradictions et pâtit d’un manque de rigueur. Il apparaît évident que la décarbonation du pays doit passer l’électrification, et donc un développement de toutes les énergies décarbonées disponibles, du nucléaire au photovoltaïque jusqu’à l’éolien. Cette transition a besoin d’une absolue stabilité pour aboutir. Nous le constatons avec la filière nucléaire, qui souffre actuellement des coups d’arrêts subis par le passé. La fébrilité du RN sur les questions énergétiques ne paraissent donc pas rassurantes.

Toutefois, l’enjeu n’est pas sérieusement considéré par la plupart des grandes formations politiques. Le programme énergétique n’est pas plus élaboré de l’autre côté de l’échiquier. Le Nouveau front populaire se contente d’évoquer le renforcement des filières françaises et européennes de production d’énergies renouvelables, mais ne dit mot, ou presque, sur le nucléaire, évoquant simplement vouloir revenir sur la fusion de l’ASN et l’IRSN. L’atome étant un sujet extrêmement clivant à gauche, notamment entre La France insoumise, Europe Écologie Les Verts, historiquement opposés, et le Parti communiste qui y est favorable. Le Parti socialiste, quant à lui, semble progressivement changer de regard sur la filière.