📣 La phrase : « Le constat est clair : pour maintenir une trajectoire sous 1,5 °C, il faut réduire de 80 % les émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2035. Or, le nucléaire, coûteux et lent à déployer, n’est pas en mesure de répondre à l’urgence de la situation »
🗞️ La source : un post de Greenpeace France sur X (ex-Twitter) du 2 décembre 2023.
ℹ️ Le contexte : le débat sur la décarbonation de nos économies est vif, car il implique des décisions de long terme, et des investissements très importants. Chaque partie prenante défend sa solution, et pointe les défauts des autres solutions.
⚖️ Le verdict : C’est en partie vrai, mais l’affirmation est à nuancer sur certains aspects.
Les objectifs climatiques en ligne de mire
Commençons par le début du message : « maintenir une trajectoire de 1,5 °C », c’est-à-dire contenir le réchauffement climatique à une température de +1,5 °C maximum. C’est bien l’objectif fixé par l’Accord de Paris du 4 novembre 2016.
Ensuite, « il faut réduire de 80 % les émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2035 ». Au niveau de l’Union européenne, le plan « Fit for 55 » prévoit de réduire d’au moins 55 % les émissions de gaz à effet de serre (GES) d’ici 2030. L’objectif étant d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. Dans une récente recommandation du 6 février 2024, la Commission européenne envisage l’étape intermédiaire de 2040. À cette date, il faudra avoir réduit les émissions de 90 %.
Reste à évoquer la suite du message qui porte sur les moyens pour parvenir à atteindre ces objectifs climatiques et notamment la place que peut prendre le nucléaire.
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Pour Greenpeace, les enjeux climatiques se jouent à court terme, ce qui n’est pas compatible avec le déploiement du nucléaire, beaucoup trop long, sans parler de son coût élevé.
Évoquons d’abord le temps nécessaire au déploiement du nucléaire. La construction d’une paire de réacteurs prend beaucoup de temps, c’est vrai. Dans son plan de relance du nucléaire, l’État prévoit la construction de 6 réacteurs de type EPR2 d’ici 2050. Une durée de 25 ans est planifiée pour la mise en route de ces réacteurs, avec une marge de deux ans pour d’éventuels retards dans le chantier (Source : vie-publique).
Parce qu’il peut y avoir des retards. Quand on évoque la durée des chantiers en matière de nucléaire, on pense forcément aux déboires de l’EPR de Flamanville. Sa construction a débuté en 2007 et devrait se terminer (enfin) mi-2024 après de très nombreux reports.
Compte tenu de ces éléments, on peut dire effectivement que le temps de déploiement du nucléaire est long, même si les pouvoirs publics tentent d’améliorer la situation en allégeant les contraintes administratives, avec la loi sur l’accélération du nucléaire du 22 juin 2023.
Le déploiement des énergies renouvelables est plus rapide : vrai
Si le nucléaire est long à mettre en place, qu’en est-il des énergies renouvelables ? Pour l’éolien terrestre, il faut compter entre 7 et 10 ans depuis l’étape de prospection et d’analyse de préfaisabilité jusqu’au raccordement. Ce délai est nécessaire pour passer par de nombreuses phases : celle de concertation, celle des expertises environnementales, l’enquête publique, la demande d’autorisation environnementale, la décision du prêt et le déroulement du chantier (Source : Info-eolien). Cette durée est valable uniquement si le projet ne fait pas l’objet de recours juridique. Si tel est le cas, il faut ajouter le temps (long) de la procédure.
Pour l’éolien en mer, il faut compter entre 8 et 10 ans pour développer un projet, même si la loi d’accélération de la production d’énergies renouvelables du 10 mars 2023 vise à accélérer les procédures (Source : Engie.com). En pratique, pour le parc éolien en mer de Saint-Nazaire par exemple, le début de la concertation date de janvier 2007 et la mise en service a eu lieu en janvier 2022. Il aura donc fallu 15 ans (Source : Site officiel du parc de Saint-Nazaire).
Cela reste plus rapide que le nucléaire. Mais rappelons que la puissance installée n’est pas la même. Alors qu’une paire d’EPR2 est dotée d’une puissance de 3340 MW, le parc éolien de Saint-Nazaire est doté d’une puissance totale de 480 MW, pour un facteur de charge en faveur du nucléaire. La durée d’exploitation est également différente. Elle est prévue pour durer environ 25 ans pour le parc éolien en mer de Saint-Nazaire alors qu’une paire d’EPR2 doit pouvoir fonctionner pendant 60 ans.
Pour les centrales solaires, la durée de construction est plus courte, entre 1 an et 2 ans et demi pour une exploitation prévue entre 20 et 30 ans (Source : Eco-delta).
Ainsi, oui le nucléaire est long à déployer, et plus long que l’éolien et le photovoltaïque. Mais sa durée d’exploitation et sa puissance sont plus importantes. C’est également à prendre en compte dans l’analyse, pour être totalement objectif.
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Passons ensuite au coût d’installation du nucléaire. L’affirmation selon laquelle l’atome est cher est vraie.
Pour les nouveaux chantiers d’EPR2, le coût est estimé à 51,7 milliards d’euros pour trois paires de réacteurs. Mais il n’est pas déraisonnable d’envisager des retards qui engendreraient un surcoût de l’ordre de 4,6 milliards. Ces montants intègrent les coûts du démantèlement de la gestion des déchets (Source : Vie-publique).
Le nucléaire est donc très coûteux, mais il faut mettre en perspective ce prix avec la puissance des parcs ainsi que leur durée d’exploitation que l’on a citées précédemment.
Pour l’éolien et le solaire, les prix sont beaucoup plus faibles. Par exemple, le parc éolien de Saint-Nazaire a nécessité un investissement de 2 milliards d’euros, selon les informations du site officiel.
Pour une meilleure comparaison, Greenpeace a publié une étude sur les coûts des énergies renouvelables et du nucléaire en novembre 2021. Il était apparu que le photovoltaïque au sol et l’éolien terrestre étaient les moins coûteux avec un coût de production inférieur à 60 euros/MWh. À l’opposé, l’EPR de Flamanville apparaît comme exceptionnellement coûteux du fait du retard du chantier et de l’explosion des sommes engagées (164 euros/MWh). Le photovoltaïque résidentiel apparaissait onéreux également (161 euros/MWh).
Enfin, le parc nucléaire existant, avec 72 euros/MWh, se situe à un niveau comparable avec celui des centrales solaires sur grandes toitures ou en ombrières (68 euros/MWh). Toutefois, si les coûts du nucléaire sont amenés à augmenter, c’est l’inverse pour le photovoltaïque dont le prix ne fait que baisser.
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Le nucléaire est donc bien lent à déployer et coûteux, mais il faut tout de même apporter une nuance à ce propos.
En effet, il n’est pas question en France d’entamer un investissement dans le nucléaire qui serait effectivement trop long pour en tirer les bénéfices à court terme. Le pays est déjà doté de 56 réacteurs nucléaires qui permettent déjà d’assurer la majorité de la production électrique nationale de façon décarbonée.
Aujourd’hui, le pays ne peut donc pas se permettre de se passer du nucléaire pour effectuer sa transition énergétique. Les réacteurs nucléaires sont déjà là, il est d’ailleurs question de prolonger leur durée de vie et d’en ajouter de nouveaux pour accompagner la décarbonation de nos usages.
Pour autant, cela ne veut pas dire qu’il faut tout miser sur le nucléaire. Ce n’est d’ailleurs pas la politique actuelle en France. Dans son discours de Belfort de février 2022, Emmanuel Macron a indiqué vouloir unir tous les moyens de produire une électricité décarbonée, à la fois, en redynamisant la filière du nucléaire et en développant massivement les énergies renouvelables.
Ainsi, pour atteindre nos objectifs climatiques dès 2035, comme indiqué dans la publication de Greenpeace, on ne pourra pas compter sur les nouveaux réacteurs qui seront inachevés à cette date. Mais on pourra compter sur l’ensemble du parc nucléaire existant ainsi que sur les différentes structures de production d’énergies renouvelables qui existent déjà et sur celles qui seront mises en place d’ici là.
Les infox de l'énergie, c'est quoi ?
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Commentaires
Premièrement on parle de six Epr supplémentaires, mais jamais des besoins supplémentaire d'eau ? Hors si on part de la consommation d'eau des réacteurs existants "Les centrales nucléaires ou au charbon peuvent prélever 76 à 227 litres (20 à 60 gallons) d'eau pour chaque kilowattheure d'électricité qu'elles produisent" ,auxquels il faudra ajouter la consommation d'eau des six supplémentaires, ou prendrons-nous cette eau ? Sachant qu'il y a de moins en moins de neige dans les montagnes, vu qu'il y fait de plus en plus chaud, pour alimenter l'été les sources et les barrages qui régulent les cours d'eau dont les centrales se servent pour produire la vapeur ? Que deviendra la température de l'eau des rivières si on multiplie le nombre des centrales atomiques sur tous les fleuves de France ? Et que restera t'il de la faune et la flore ?Quels seront les effets dans les estuaires, etc,etc..
Secundo « il faut réduire de 80 % les émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2035 »
Tiens ! tiens ! la vapeur d’eau n’est elle plus un gaz à effet de serre ?
Certains vont jusqu'à prétendre que parce que la vapeur d'eau fini toujours par retomber , elle n'à pas d'impact sur le réchauffement ?
Dans ce cas on pourrait dire aussi que le co2 étant absorbé par la végétation, il n'a pas lui aussi d'impact sur le réchauffement ?
Alors quelle est la cause ? Tout simplement l'ensemble de la chaleur produite par nos modes de vie ! Et en premier lieu la production d'énergie qui utilise la vapeur quelle quelle soit !
Cet article essaye d'être relativement objectif: vrai
Cet article est écrit par une journaliste ayant un parti pris pour le nucléaire: vrai
Un article écrit par une personne sur un sujet sur laquelle elle a un parti pris tout en essayant de donner l'impression d'être neutre et objectif n'est pas conforme avec les principes de fact checking de l'international Fact-Checking Network: vrai
Corrections sur le prix du kWh résidentiel:
- Installation "RGE" de 3 kWc 7000€
Production région sud France 1330 kWh/kWc, 25 ans 100 000 kWh , soit un coût de 7 cts / kWh.
- Auto installation d'un kit solaire de 1,6 kWc.
Prix livré 900€, je ne citerai pas les sources, mais vous invite a faire une recherche basique sur internet....
Production voir ci dessus 53000 kWh
Soit un coût de 1,7 cts / kWh.
C'est aussi environ ce coût qui est donné pour les grandes centrales solaires dans les déserts.
On est bien lien des 16 cts données dans l'article!!!. Sans compter, qu' après 25 ans l'installation sera opérationnelle à 90% env de sa puissance initiale
Il faudra simplement probablement changer le Micro-onduleur 400€....
CQFD.
A l'inverse, j'emettrai un doute le chiffre de 17 cts pour le kWh EPR!
Qui est capable aujourd'hui de donner des chiffres fiables pour les EPR des couts de construction, de maintenance , de démantèlement, de trituration et gestion des déchets de production, des atteintes environnementales liées a l'exploitation des mines d'uranium, sans parler des expositions radiologiques des populations proches des mines?!?.
Quid des ressources en uranium et donc son coût ??
Quid de la sécurité de ces installations face au terrorisme?
Quid des conséquences d'un accident majeur, faut il préciser que les centrales nucléaires ne sont pas assurables, en laissant le soin aux contribuables de régler la note (cf Fukushima...)
Quid de la pérennité de ces installations face au risque hydrique?.
Quid du calcul du CO2 émis lorsqu'on lit notamment que les 60g annoncés par l'Ademe sont liés a une erreur de typographie, les 60g sont devenus 6g. ...
J'ai pris le soin de donner des chiffres précis et vérifiables pour le solaire, j'invite à en faire de même pour le nucléaire !!!.
Malheureusement, ça n'est pas possible, les décisions sont prises à l'arrache sans même attendre les résultats d'une consultation publique ...
L'article est basé sur l' assertion de l'utilisation primordiale de l'électricité.Pourtant celle-ci est un vecteur énergétique, qui peut être remplacé très souvent par celui que constitue l'hydrogène ( évidemment pas le vert mais le bleu et bientôt sans doute le blanc) : voir l'exposé du 20 décembre dernier sur le site de la SEPRA81.
Auriez vous des exemples pour lesquels il est intéressant de remplacer le vecteur énergétique électricité par le vecteur hydrogène? (Je ne parle pas de remplacer le charbon par l'hydrogène pour la fabrication d'acier, ça c'est clairement interressant)
" voir l’exposé du 20 décembre dernier sur le site de la SEPRA81."Les utilisations butent sur la disponibilité de l'hydrogène. Comme indiqué le vert n'est pas actuellement valable.
Il se trouve que je l'ai écouté, et c'est globalement la même chose que plusieurs autres similaires.
L'hydrogène va révolutionner les transports et sera injecté dans des chaudières (2 domaines dans lesquels l'utilisation de l'électricité est plus efficace) quelques mots sur l'utilisation en tant que réactif mais sans mentionner la fabrication d'acier (alors que c'est l'utilisation la plus logique).
Et pour la fabrication, on utilisera un peu les enr, mais surtout du H2 bleu avec une solution magique de captage de CO2, et du H2 blanc alors qu'aujourd'hui on ne sait pas vraiment si ça existe...
Et bien sûr aucune donnée chiffrée.
Il y a encore beaucoup de recherche à faire sur le sujet, mais pour le moment, à part quelques utilisations, rien ne laisse penser que l'hydrogène servira à décarbonner quelque chose. Et si ça arrive se sera du bonus bon à prendre.
Dixit : "Il se trouve que je l’ai écouté" : pas attentivement ! comme chacun peut le constater à la lecture de votre réponse, en particulier avec votre qualification "du H2 bleu avec une solution magique de captage de CO2",et "Et bien sûr aucune donnée chiffrée".
- Chaque euro investi dans les renouvelables, dont les prix baissent forcément plus vite, est plus bénéfique à la planète que le nucléaire. Cà a été démontré dans maintes études scientifiques et économiques et n'est plus un sujet
- le bilan du nucléaire se dégrade avec l'exploitation accrue de l'uranium. On peut dépasser les 200 gCO2e/kWh comme le signalait déjà une étude du CEA du 1er trimestre 2021 faisant suite à une étude de 2014 soulignant cet aspect jamais rappelé, et pour cause il ne faut pas nuire au lobby nucléaire qui finance la presse et alimente en France plus de 200.000 électeurs
- le nucléaire pourra être plus utile dans la conquête spatiale (la médecine etc) que gaspillé sous forme d'énergie dans des systèmes énergétiques peu efficient comme souvent mis en place avec le nucléaire tel en France avec pour résultats plus de 8 millions de personnes en précarité énergétique "électrique"
- le nucléaire (comme les grands barrages) sont indéfendables en cas de guerre (missiles hypersoniques etc) et cibles souvent privilégiées (Ukraine, Moyen Orient etc). Si la centrale de Nogent était détruite Paris ne serait plus habitable durablement comme ne l'est pas Tchernobyl pour encore plus de 40.000 ans
- la géothermie durera bien plus longtemps que le nucléaire, ses prix ont baissé de 22% l'an dernier et ont encore un plus fort potentiel de baisse que le nucléaire et elle est disponible quasiment partout (géothermie EGS) et régle à elle seule tous les problèmes d'intermittence qui peuvent être réglés aussi par le stockage LDES (long duration energy storage) entre autres
Je suis scientifique avec plusieurs spécialités dans l'énergie et énergéticien et il est affligeant de voir que ces sujets sur le nucléaire et les renouvelables sont les mêmes depuis une vingtaine d'année et qu'il a été démontré par plus de 400 études scientifiques et modélisations poussées que le 100% renouvelable est tout à fait possible dans la majorité des pays, c'est juste un choix entre un système sûr et un système pouvant être catastrophique en cas notamment de conflits et dont les prix seront toujours plus cher et la durée dans le temps plus courte même avec les RNRs et après tout l'épuisement de la ressource uranium et même thorium qui auraient pu servir à d'autres usages pour les générations à venir. Donc le choix de la Gen 3 et 3+ est scientifiquement stupide si l'on prend le temps d'approfondir le sujet en tenant compte de tous les aspects
Je souscris tout à fait à vos propos ! Notamment au fait qu'on pourrait faire du stockage (long duration energy storage) dont on peut améliorer le rendement, à condition de trouver les financements nécessaires au développement de cette technologie. Ce qui n'est pas gagné dans un pays qui a tout misé sur le nucléaire, qui n'est pas moins intermittent que les Enr, mais qui du fait que ça ne se voit pas, profite de ses stocks pour affirmer le contraire ? Exemple le rechargement de combustible tous les 12 à 18 mois dure environ 35 jours .Les visites partielles durent de 60 à 90 jours .Les visites décennales 180 jours. Tout ça ,sans compter les incidents et accidents !
On pourrait aussi évoquer les besoins d'eau qui seront décuplé si on multiplie les centrales. Hors cette eau manque déjà pour l'agriculture qui de ce fait se trouve rationnée !
En plus il n'est pas interdit de penser que si les fournisseurs d'uranium s'organisaient comme le font les producteurs de pétrole, la France du fait de ses choix pourrait se retrouver du jour au lendemain comme avec le gaz, en grande précarité énergétique.
Alors même que si on stockait les renouvelables nous pourrions réindustrialiser le pays sans crainte du réchauffement ! Surtout qu'en développant de nouveaux outils de stockage, nous pourrions faire des alliances pour les vendre dans le monde entier.