La Chine n’en finit plus de se développer. Et pour ce faire, elle a besoin d’une quantité colossale d’énergie. Alors, son gouvernement vient d’approuver le projet de construction d’un immense barrage, qui sera à sa mise en service le plus puissant de la planète, et de loin. Un ouvrage de 60 gigawatts (GW).

Sur le fleuve Yangtsé, le barrage des Trois Gorges est actuellement le plus grand barrage du monde. Un réservoir de plus de 45 km³ qui, lorsqu’il est rempli, va jusqu’à ralentir la vitesse de rotation de notre Terre en allongeant de 0,06 microseconde la durée d’une journée. Le tout pour une puissance installée colossale de 22,5 gigawatts (GW). L’équivalent de 13 réacteurs nucléaires de type EPR, comme celui récemment mis en service à Flamanville. Grâce à ce monstre démarré en 2012, la Chine a produit en 2023 un peu plus de 80 térawattheures (TWh) d’électricité.

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Un nouveau barrage hors norme pour étancher la soif d’électricité de la Chine

Mais le pays est de plus en plus gourmand en électricité. Entre 2000 et 2020, la consommation par habitant a augmenté de plus de 500 %. Le barrage des Trois Gorges ne suffit déjà plus à la Chine. Et le gouvernement a finalement approuvé un projet évoqué depuis plusieurs années déjà. Celui de construire un nouvel immense barrage.

Le barrage de Motuo devrait voir le jour sur le plateau tibétain. Là où le fleuve Yarlung Tsangpo — c’est ainsi que les locaux appellent le Brahmapoutre — chute de près de 2 000 mètres sur une distance de 50 km. Un barrage d’une puissance de l’ordre de 60 GW qui devrait être capable de produire environ 300 TWh chaque année, soit 23 fois plus d’électricité que ce qui est prévu pour l’EPR de Flamanville !

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Une énergie pas si verte ?

Le projet est présenté par la Chine comme une belle manière de réduire un peu plus sa consommation de charbon. Il faut dire que la ressource fossile compte toujours pour plus de 60 % de son mix électrique. Mais le barrage de Motuo soulève aussi des questions. L’Inde et le Bangladesh, situés en aval du fleuve, s’inquiètent pour leurs écosystèmes. Un peu plus encore même, légitimement, pour leurs ressources en eau. Et partout dans le monde, des voix se lèvent pour attirer l’attention sur les probables déplacements de personnes que le projet pourrait impliquer. L’occasion, aussi, que cela pourrait donner au gouvernement chinois — pas nécessairement des plus vertueux — d’assoir un peu plus son contrôle que les populations du Tibet.

Rappelons que la construction du barrage des Trois Gorges avait nécessité l’engloutissement de 15 villes et de plus de 100 villages. Le déplacement de près de 2 millions de personnes. Pas toujours dans le respect des droits dont chacun pourrait s’attendre à jouir. Sans parler de l’impact sur la biodiversité. Et même sur le climat. Parce que construire un barrage aussi gigantesque, c’est mettre en place un chantier titanesque. Des engins qui circulent. De la terre qu’on déplace. Du ciment. De l’acier. Des matériaux qui coûtent cher en émissions de CO2. Un exemple, finalement, selon Magali Reghezza, géographe, de « mal-atténuation qui montre que la Chine investit fortement dans la transition énergétique, moins pour le climat que parce que c’est le socle de sa stratégie industrielle ».

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