Le changement climatique met les réseaux électriques sous tension


Le changement climatique met les réseaux électriques sous tension

Pour faire face au changement climatique, il va falloir moderniser les réseaux électriques pour leur permettre d’accueillir davantage d’unités de production renouvelables. Mais des adaptations seront également nécessaires pour améliorer leur résilience aux phénomènes climatiques extrêmes.

En Californie, en Australie, au Brésil comme au Portugal, de nombreuses coupures d’électricité ont été récemment provoquées par des phénomènes climatiques exceptionnels, qu’il s’agisse de canicules, d’incendies ou de tempêtes détruisant les lignes. Il n’est pas rare que des dizaines de pylônes soient abattus lors d’une tempête, ce qui engendre non seulement des coupures de courant touchant des centaines de milliers de personnes, mais également des coûts exceptionnels pour les gestionnaires de réseaux.
Récemment, quelque 100.000 foyers français ont été privés d’électricité parce que des écarts de température trop importants entre la nuit et l’après-midi avaient généré des avaries sur les appareils de mesure.

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Pire encore : pour prévenir les feux de forêt en Californie, en octobre 2019, l’énergéticien PG&E a privé 750.000 foyers de courant électrique suite aux conclusions d’une enquête qui a déterminé que  les lignes de PG&E étaient bien à l’origine, cinq mois plus tôt, d’un incendie de forêt meurtrier qui avait coûté la vie à 86 citoyens.
En effet, les rafales de vent combinées à une grande chaleur peuvent entraîner des dégâts sur les câbles et provoquer des étincelles qui génèrent des départs de feux.
Le réseau de distribution français doit, lui aussi, être sécurisé. Mais la tâche est immense, et le chantier vertigineux.

Quelques mesures pour renforcer les réseaux électriques existants

Pour assurer la sécurité d’approvisionnement en électricité du pays, l’enfouissement des lignes basse et moyenne tension est la solution la plus efficace. Mais la technique a ses limites.
Tout d’abord, une ligne souterraine revient deux à quatre fois plus cher qu’une ligne aérienne. L’Agence de coopération des régulateurs de l’énergie (ACER) parle même d’un coût jusqu’à huit fois plus élevé. La France, qui possède plus de 100.000 kilomètres de lignes aériennes, ne peut envisager d’enfouir tout son réseau aérien ; le coût des travaux ferait exploser la facture d’électricité des Français.
Par contre, les coûts d’exploitation sont quatre à cinq fois moins importants pour une ligne enterrée, et sa durée de vie est plus élevée (60 ans en moyenne contre 40 ans pour une ligne aérienne).

La plupart des pylônes existants sont conçus pour résister à des vents de 170 km/h. Une solution intermédiaire consiste à remplacer les pylônes à haute-tension par des infrastructures pouvant résister à des vents de 250 km/h.

La maintenance prédictive va jouer un rôle de plus en plus important, pour déterminer avec une précision sans cesse accrue la capacité du réseau à résister aux phénomènes extrêmes. Pour ce faire, le recours aux techniques de pointe est de plus en plus fréquent. Drones, échométrie, transmission des données à très haut débit et intelligence artificielle permettront d’établir un diagnostic plus rapidement et d’intervenir à distance.

Une troisième mesure consiste à développer les communautés d’autoconsommation ou l’îlotage photovoltaïque. Il s’agit de rendre des quartiers ou des villes entières autonomes en électricité, pour prévenir toute coupure généralisée du réseau. Durant l’îlotage, le quartier est alimenté pour une durée limitée par un système de stockage et par une production locale photovoltaïque.

Le système d’îlotage assure ainsi la protection contre la défaillance du réseau. Compte tenu du coût et des contraintes techniques liées à cette solution, l’îlotage n’est pas appelé à se généraliser. Mais il apporte une réponse efficace pour assurer l’alimentation de structures vitales ou d’industries dont l’importance stratégique ne permet pas de prendre des risques de coupure du courant.

La protection des réacteurs nucléaires, déjà évoquée dans un précédent article, est une mesure qui s’impose à l’ensemble du parc nucléaire, quels que soient les phénomènes climatiques susceptibles de se manifester. Les centrales nucléaires détestent les phénomènes extrêmes : que ce soit la canicule, qui fait baisser le niveau des fleuves ou fait monter excessivement la température de l’eau, ou les pluies torrentielles qui risquent de causer des inondations au sein des installations. La protection des centrales nécessite des adaptations à titre préventif, au risque d’être épisodiquement mises à l’arrêt pour des périodes de quelques heures à quelques jours.

L’inondation de Blayais de décembre 1999 est encore très présente dans les esprits : la tempête Martin avait mis en évidence la vulnérabilité de nos centrales à la montée soudaine des eaux du fleuve qui les refroidit.

Cette tempête historique a permis de tirer d’autres leçons utiles : l’installation de dispositifs anti-cascade en fait partie. Il s’agit d’éviter une chute en série de pylônes à moyenne et haute tension. Un pylône qui s’abat peut entraîner avec lui toute une série d’autres pylônes voisins. Pour éviter cet effet domino, on installe un pylône « d’ancrage ou d’arrêt », qui présente une résistance mécanique plus importante que les autres pylônes. Ils s’utilisent lors d’un changement de direction de la ligne ou pour consolider un tronçon de ligne.

Enfin, la sécurisation mécanique est un ensemble de mesures utiles permettant d’accroître la résistance du réseau : elle inclut le renforcement des fondations de certains pylônes, mais également l’élargissement des tranchées forestières. En cas de vents exceptionnels, la chute d’arbres peut en effet entraîner des coupures de câbles, endommager les pylônes, voire provoquer leur chute.

Un profil de consommation d’électricité en pleine évolution

La température est l’un des principaux facteurs influençant la demande d’énergie.
Si les températures élevées de l’été augmentent bien les besoins en refroidissement, les journées froides de l’hiver entraînent habituellement une forte demande de chauffage. Or l’on sait que plus de 40% des ménages français se chauffent à l’électricité.
Toutefois, cette typologie de la consommation des Français est en train d’évoluer : d’une part, les hivers de plus en plus doux réduisent la demande de chaleur pendant la saison froide, et d’autre part, la multiplication des sécheresses et périodes de canicule accroissent les besoins en ventilation et en conditionnement d’air.

On considère ainsi que chaque degré au-dessus des moyennes saisonnières nécessite une puissance de production supplémentaire de 500 mégawatts.

Investir dans la sécurité

Face au réchauffement climatique, la stratégie consiste à anticiper les risques et à renforcer le réseau pour le rendre plus résilient face aux phénomènes extrêmes. Chaque euro investi dans la sécurisation du réseau permettra d’éviter des coûts astronomiques en réparations et interventions d’urgence.

Le réseau français est parmi les plus sûrs du monde. La sécurité d’approvisionnement n’est actuellement pas menacée compte tenu de l’augmentation des capacités de production (notamment renouvelables), et de la multiplication des interconnexions avec les autres pays européens (connexions avec l’Italie et la Grande-Bretagne notamment).

Mais les tempêtes de ces dernières années ont montré que certaines parties du réseau de transport ou de distribution sont encore trop vulnérables aux aléas climatiques. La « tempête du siècle » de décembre 1999 a endommagé ou renversé plus de 1.000 pylônes haute et très haute tension. 2,8 milliards d’euros ont été nécessaires pour les remises en état.

Consciente que la fréquence des phénomènes extrêmes est susceptible d’augmenter, RTE a lourdement investi dans la sécurisation des infrastructures. La sécurité du réseau entraîne un coût non négligeable pour les citoyens, certes, mais RTE affirme que « le nombre de coupures  a été réduit d’un tiers par rapport à la moyenne des dix années précédentes ».

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