La poudre de fer sera-t-elle l’énergie du futur? Jeff Bezos et Bill Gates en sont persuadés


La poudre de fer sera-t-elle l’énergie du futur? Jeff Bezos et Bill Gates en sont persuadés

La poudre de fer sera-t-elle l'énergie du futur ?

Dans la brasserie Bavaria de Lieshout, aux Pays-Bas, la chaleur à haute température nécessaire au processus de fabrication de la bière est alimentée par … de la poudre de fer. Conçue par des chercheurs et professeurs de l’université technique d’Eindhoven, cette installation pilote de 100 kW a été construite par leurs étudiants. Aux Etats-Unis et au Canada aussi, des recherches ont pour objectif d’utiliser la poudre de fer comme source d’énergie. Quant à Jeff Bezos et Bill Gates, ils ont tout simplement investi une partie de leur fortune dans une startup qui adopte le fer comme vecteur d’énergie pour développer un stockage « dix fois moins cher que les batteries lithium-ion ».

Si la passion était un carburant, les professeurs Niels Deen et Philip de Goey ne devraient jamais faire le plein. Tout comme Mark Verhagen, le manager de Team SOLID. A l’université technique d’Eindhoven (Pays-Bas), ils décrivent avec enthousiasme leur «bébé», une installation pilote qui utilise la poudre de fer pour produire de la chaleur. Construite par des étudiants qui se sont associés dans Team SOLID elle a été financée par la province du Brabant du nord. La combustion n’émet aucun gaz à effet de serre et son produit – la rouille – peut être récupéré et recyclé à l’infini. « Nous n’avons pas à nous soucier des ressources en fer », ajoute le professeur De Goey, « c’est un des quatre éléments les plus abondants dans la croute terrestre ».

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L’installation pilote a été construite par des étudiants de l’université d’Eindhoven

La capacité de la poudre de fer pour le stockage d’énergie est impressionnante

Son collègue Niels Deen de la chaire de génie mécanique, qualifie les poudres métalliques de vecteur d’énergie prometteur. « La production des éoliennes et des panneaux solaires est variable » explique-t-il. « En cas de surproduction, vous devez pouvoir stocker cette énergie. Vous pouvez le faire avec des batteries, mais cela ne convient pas à toutes les situations, comme pour le stockage de grandes quantités d’énergie par exemple. Nous étudions donc une alternative : le stockage de l’énergie dans la poudre de fer. Lorsque vous brûlez cette poudre, l’énergie est libérée sous forme de chaleur ». Il faut voir un stock de poudre de fer comme une batterie chargée, explique-t-il. « Lorsque la poudre a brûlé, l’énergie a été consommée et il reste une ‘batterie vide’ sous forme de rouille. Si vous la recyclez pour fabriquer à nouveau de la poudre de fer, par exemple avec de l’hydrogène, vous rechargez la batterie ». Ce processus peut être répété encore et encore, à l’infini. « La capacité de la poudre de fer pour le stockage d’énergie est impressionnante », s’enthousiasme-t-il.

Mais pourquoi utiliser de la poudre de fer plutôt que l’hydrogène, directement ? « Parce que la densité d’énergie de la poudre de fer est beaucoup plus grande, qu’elle se stocke, se transporte et se recycle très facilement et surtout qu’elle ne présente aucun danger, contrairement à l’hydrogène qui est très inflammable et même explosif », ajoute Philip de Goey. « Pour alimenter un moteur de bateau, par exemple, il suffit de la stocker en vrac dans la cale », précise-t-il.

Mais si le fer était un merveilleux vecteur d’énergie, pourquoi n’y portons nous attention que maintenant ? « Les hommes brûlent des poudres métalliques depuis des siècles. Pensez aux feux d’artifice, inventés par les Chinois. Et depuis longtemps, des poudres métalliques sont utilisées comme combustible solide dans les fusées.  Mais auparavant, il y avait une meilleure alternative : les combustibles fossiles, largement disponibles et bon marché », précise Niels Deen. « Maintenant, nous devons les bannir, et vous savez pourquoi. Les carburants métalliques qui n’émettent pas de gaz à effet de serre peuvent les remplacer pour certaines applications ».

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Intérêt grandissant

De Goey est persuadé que l’intérêt pour le fer comme source d’énergie augmentera rapidement. « Aujourd’hui, avec notre installation pilote, nous avons franchi une étape. Fini les petites flammes produites avec quelques milligrammes de poudre dans notre labo. A présent nous développons une installation industrielle de 1 MW. Des entreprises nous disaient : ‘c’est bien ce que vous faites, mais montrez-nous que votre technologie peut fonctionner à l’échelle industrielle’. Maintenant, ils prennent notre projet très au sérieux ».

Mark Verhagen confirme : « J’étais récemment en Chine. Ils me regardaient d’abord avec incrédulité. Mais quand vous montrez ce que vous faites, tout le monde voit le potentiel de cette technologie. Des sociétés telles que Shell et Uniper s’y intéressent et travaillent avec nous ».

Les scientifiques néerlandais ne sont pas les premiers à explorer les possibilités des poudres métalliques comme vecteur d’énergie. De l’autre côté de l’Atlantique, au Canada, des chercheurs de l’université McGill y travaillent depuis plus de dix ans. Le professeur Jeffrey Bergthorson a conçu sur papier un moteur à combustion externe qui pourrait convertir en énergie mécanique la chaleur produite par la combustion de poudres métalliques. Actuellement, le rendement énergétique de ce type de moteur est légèrement moins efficace que celui d’un moteur à essence, mais les scientifiques ont espoir de l’améliorer.

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Form Energy intéresse Jeff Bezos et Bill Gates

Franchissons maintenant la frontière avec les Etats-Unis et intéressons-nous à Form Energy, une startup basée à Boston. Pourquoi ? Tout simplement parce que Jeff Bezos, l’homme le plus riche du monde et Bill Gates, qui l’était auparavant, y ont investi une partie de leurs dollars, tout comme d’ailleurs ArcelorMittal, le leader mondial de la sidérurgie.

Form Energy, elle aussi, croit dur comme fer au potentiel des poudres métalliques en tant que vecteur énergétique. Elle développe une batterie qu’elle appelle « fer-air », mais dont le principe est en réalité basé sur la même technologie et les mêmes équations chimiques que celles qu’appliquent les scientifiques d’Eindhoven et de l’université McGill. « Nous avons terminé la recherche et le développement. La technologie est au point. Nous nous consacrons maintenant à la construction d’un prototype de batterie pour le stockage stationnaire de l’électricité produite par des énergies renouvelables variables comme l’éolien et le solaire », déclare Ted Wiley, le président de Form Energy. « Notre batterie propre fonctionne par oxydation réversible du fer. En mode décharge, des milliers de minuscules pastilles de fer sont exposées à l’air, ce qui les fait rouiller, c’est-à-dire que le fer se transforme en oxyde de fer. Lorsqu’elle est rechargée par un courant électrique, l’oxygène contenu dans la rouille est éliminé et nous avons de nouveau du fer », explique-t-il tout simplement. « Notre batterie sera capable de délivrer de l’électricité pendant plus d’une centaine d’heures à un prix équivalent à celui des centrales conventionnelles mais dix fois moins cher que celui des batteries lithium-ion », affirme-t-il.
Selon Ted Wiley, une installation pilote de 300 MW pour le compte de l’énergéticien Great River Energy, basé au Minnesota, serai mise en service en 2023.

D’autres startups explorent aussi le même filon. La canadienne Zinc8 a été la première à sortir un produit commercial en 2019. Elle annonce aujourd’hui le développement d’un système de batterie zinc-air, capable de fournir de l’électricité pendant plus de 100 heures, sans citer toutefois la puissance de la décharge.
Et dans l’Oregon, la société ESS qui prétend valoir 1,1 milliard de dollars, commercialise une batterie à flux qui utilise le fer comme ingrédient principal.

Alors, le fer, énergie du futur ?
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