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Depuis une quinzaine d’années, la France s’intéresse à l’hydrogène naturel comme source d’énergie — ou de matière première. Mais aujourd’hui, elle risque de perdre son leadership au profit de pays plus à l’aise avec l’exploitation des richesses de leur sous-sol. Pour l’éviter, l’Académie des technologies a quelques recommandations.
Il y a quelques mois, la Française de l’Énergie (FDE) annonçait la découverte d’un potentiel gisement d’hydrogène naturel dans le bassin minier de la Lorraine. Une demande de permis exclusif de recherche a été déposée pour en savoir plus. Six autres permis ont été demandés ailleurs dans le pays. Et l’un d’entre eux a même déjà été attribué. « À ce stade, il reste difficile de savoir quel est le réel potentiel pour l’exploitation de l’hydrogène naturel en France. Pour répondre à cette question, nous allons devoir forer », annonce Isabelle Moretti, chercheur en sciences de la terre et membre de l’Académie des technologies, à l’occasion d’un point presse visant à émettre quelques recommandations pour permettre à la France de maintenir son leadership en matière d’hydrogène naturel.
La ruée vers l’hydrogène naturel
« Les estimations pour l’ensemble du monde, elles, évoluent presque au quotidien. Certains ont commencé à quantifier les roches capables de générer de l’hydrogène ainsi que le flux que nous pourrions en attendre. Une étude de l’US Geological Survey estime ainsi les réserves souterraines à 5 milliards de tonnes. Et la part accessible à elle seule suffirait à répondre à la demande en hydrogène pour des centaines d’années », précise Isabelle Moretti. « Du point de vue économique, cet hydrogène s’annonce aussi moins cher que tous les autres. Les experts évoquent des chiffres qui tournent autour d’un dollar le kilo. C’est moins cher que l’hydrogène produit à partir de gaz fossile. Et largement moins cher que n’importe quel autre hydrogène vert. » Dans un monde qui cherche désespérément des solutions de décarbonation, on comprend pourquoi on assiste depuis quelques mois à une véritable ruée vers l’hydrogène naturel.
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« La France a été pionnière en la matière, mais elle est en train de perdre son leadership au profit de pays plus enclins à exploiter les richesses de leur sous-sol », prévient l’experte de l’Académie des technologies. Elle pense notamment aux États-Unis. Et à l’Australie qui a actualisé sa loi en 2021 et commencé à forer des puits dès 2023. « En France, dès que l’hydrogène est apparu dans le Code minier, en 2022, des demandes de permis exclusif de recherche ont été déposées. Mais alors que d’autres pays, aussi démocratiques et soucieux de préserver leur environnement que nous, savent avancer très rapidement, il faut au moins 18 mois pour qu’une demande aboutisse en France. Ensuite, chaque opération menée sur le périmètre est soumise à autorisation préfectorale. Tout ça prend encore énormément de temps. Et ceux qui trouveront effectivement de l’hydrogène à exploiter devront demander une concession pour pouvoir produire la ressource. Ça peut prendre jusqu’à trois ans. Dans le contexte actuel, c’est beaucoup trop long. Il y a assurément des choses à améliorer en France de ce point de vue. »
Si notre pays veut rester dans la course à l’hydrogène naturel, il devra aussi, selon l’Académie des technologies, trouver des soutiens financiers plus efficaces. « La plupart des compagnies qui explorent sont de petites compagnies. Elles ont besoin de financements et ne peuvent pas se permettre de passer des mois sur chaque levée de fonds », estime Isabelle Moretti. « Aux États-Unis, par exemple, l’argent, tout aussi bien public que privé, est plus accessible qu’en France. Les start-up se lancent avec des dizaines de millions de dollars en poche. Chez nous, les jeunes pousses font parfois leurs premiers pas avec seulement 100 000 euros. »
L’hydrogène naturel, un hydrogène décarboné
Un coup de pouce appréciable pourrait venir d’un appel à manifestation d’intérêt dans le cadre de France 2030. Mais aussi, d’une labellisation de l’hydrogène naturel comme hydrogène décarboné par la Commission européenne. « C’est essentiel à la fois pour ouvrir l’accès à des subventions potentielles et pour faciliter la commercialisation en cas de découverte. Car cela validerait le fait que l’impact environnemental de cet hydrogène est limité. Malheureusement pour l’heure, il n’y a pas d’unanimité à ce sujet au sein de la Commission. Nous travaillons pour que cela change. »
En attendant, la Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) vient de demander à l’Ifpen de coordonner un état des lieux qui permettrait d’établir une feuille de route. Elle devrait être finalisée en fin d’année 2024. « Nous avançons dans la bonne direction. Mais beaucoup trop lentement quand on voit ce qui se passe ailleurs. Trop lentement aussi au goût des acteurs de la filière qui travaillent sur la question depuis 5 ou 6 ans déjà. Trop lentement, même, aux yeux de certains acteurs locaux, semble-t-il. Avec la crise du Covid d’abord et la guerre en Ukraine ensuite, les points de vue ont évolué. Nous avons compris que nous ne pouvions pas toujours dépendre des autres. Compris que nous avions besoin de réindustrialiser. Dans le sud-ouest, où nous travaillons beaucoup, des maires nous demandent de venir faire des mesures pour attirer des industriels. Les citoyens se montrent curieux et positifs. La volonté est là. Nous disposons des techniques et du savoir-faire. Ne reste plus qu’à mettre en place les moyens d’accélérer d’abord la caractérisation de la ressource puis l’exploration de l’hydrogène naturel en France. »