Dans son document de présentation du nouveau projet Alter Breton (NPAB), l’Union démocratique bretonne propose de choisir ni plus ni moins qu’entre « la résilience ou le chaos ». Désirant ainsi frapper les consciences, la principale formation autonomiste du territoire invite surtout à réfléchir à un programme pour un avenir soutenable en Bretagne. Il passe par l’adoption du renouvelable afin de se débarrasser du pétrole et du nucléaire tout en visant l’indépendance énergétique.
Ça chauffe vite en Bretagne
Avec parfois le sentiment d’avoir été longtemps pris pour des arriérés, les Bretons engagés dans une démarche collective n’ont pas l’intention de continuer à laisser dire que leur territoire ne sait pas produire de l’énergie. Surtout sous la menace d’une implantation de centrale nucléaire.
L’UDB (Union démocratique bretonne) souhaite remettre les pendules à l’heure en opposant les chiffres. Si la Bretagne fournit 15,8 % de l’électricité qu’elle consomme, l’Ile-de-France fait bien moins avec 6,59 %. « C’est là-bas qu’il faudrait construire une centrale nucléaire », peut-on lire dans le document de 73 pages, davantage en pirouette provocatrice qu’en sentence définitive.
Car si les acteurs de l’UDB visent à rendre leur territoire autonome en énergie grâce au renouvelable d’ici 2050, ils inscrivent cette volonté dans un projet mondial. L’idée est donc de parvenir à s’affranchir globalement du pétrole et du nucléaire partout. Attention : La Bretagne considérée par l’UDB n’est pas le découpage administratif qui se résume aux 4 départements des Côtes-d’Armor, du Finistère, de l’Ille-et-Vilaine et du Morbihan.
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Le territoire retenu pour le NPAB est la Bretagne historique vantée par les fameux Tri Yann. Elle intègre la Loire-Atlantique. Pourquoi évoquer ce groupe ? Résidant près de Nantes, les chanteurs s’étaient opposés à la création de la centrale nucléaire de Plogoff dans un album sorti en 1981. En outre, au moment d’écrire le présent article, nous apprenons que l’un d’eux, Jean-Paul Corbineau, la voix de la douceur, n’est plus.
Aucune préméditation de la part de l’UDB dans l’inclusion de la Loire-Atlantique au prétexte de vouloir gonfler les chiffres. C’est une prise de position ancienne. Reprenons d’ailleurs les 15,8 % de couverture des besoins en électricité vus plus haut. Il s’agit de chiffres pour 2019 sourcés « Agence ORE & Enedis » : 29,521 TWh consommés pour 4,667 TWh produits dans les 5 départements cette année-là.
Si on retire les parts de la Loire-Atlantique (8,397 TWh consommés / 1,392 TWh produits), le pourcentage bouge à peine (15,5 %). En revanche, des valeurs plus récentes, communiquées en juin 2022 par le quotidien Le Télégramme, indiquent que la Bretagne administrative a couvert environ 19 % de ses besoins en électricité pour 2021, en exploitant déjà à hauteur de 76 % les énergies renouvelables.
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En Bretagne, on pourrait croire que l’opposition aux énergies vertes est devenue un sport régional. Le « non » est si souvent brandi contre les éoliennes terrestres qui déprécieraient la valeur des maisons, contre les celles en mer qui défigureraient le paysage, contre la méthanisation qui amèneraient davantage de camions sur les routes, etc. On a beau finir par découvrir que ces détracteurs ne constitueraient qu’une faible minorité, les gros titres sont là dans les quotidiens pour donner de l’ampleur à ces mouvements en espérant s’attirer la sympathie des foules.
C’est pourquoi, avant même d’en découvrir les grandes lignes, la présence de propositions pour développer à grande ampleur les énergies vertes en Bretagne, au point de la rendre autonome dans une trentaine d’années, est rassurante. Dans son dossier, l’UDB énonce clairement les raisons de son opposition au nucléaire : risques pour l’humanité, renforcement d’un système économique et politique centralisé, limite des ressources en uranium.
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Ouvert autant aux Bretons de sang qu’à ceux d’adoption et au reste du monde, l’UDB appuie ses propositions à débattre, améliorer et valider collectivement sur le rapport Meadows titré « The Limits to Growth » (Les limites à la croissance).
Publié en 1972 et mis à jour à plusieurs reprises, il a été réalisé par des chercheurs du MIT (Massachusetts Institute of Technology) à la demande du Club de Rome, un groupe de réflexion réunissant scientifiques, économistes, et décideurs des secteurs publics et industriels autour des problèmes complexes rencontrés par la société.
Au bout de 50 ans, ce document de référence n’a jamais été autant d’actualité et continue de servir de base à bon nombre de bonnes volontés engagées pour un monde durable.
Faut-il choisir entre sobriété et confort ?
L’UDB cherche aussi à modifier avec son programme les habitudes de vie sur le territoire, notamment en diminuant les besoins en déplacements, au point que la part d’énergie consacrée au transport par habitant chuterait de 37,87 % en 2019 (30,66 % de moyenne pour la France) à 24,69 % en 2050. À l’inverse, l’empreinte individuelle de l’industrie grimperait de 14,57 (18,95 % à l’échelle de la France) à 27,31 %.
Autre action : lutter contre le développement d’un attrait quasi magnétique des métropoles que sont Nantes, Rennes, Quimper, Brest, Saint-Nazaire, Lorient et Saint-Brieuc. L’union démocratique bretonne ne prône pas pour autant une décroissance angoissante.
Il est au contraire prévu une amélioration des conditions de logement avec 100 m² par ménage et un niveau d’équipement domestique plus élevé de 50 %, mais plus résistant. La vie collective serait facilitée par la création de locaux sociaux et scolaires. Les échanges avec l’extérieur seraient maintenus principalement pour ne pas gaspiller les surproductions. Le nouveau projet Alter Breton défend une façon de vivre plus sobre sans forcément sacrifier le confort.
En chiffres
En tenant compte d’une croissance de la population en Bretagne qui passerait de 4,778 millions d’habitants en 2019 à 5,679 millions à horizon 2050, la consommation d’énergie pourrait pourtant être revue à la baisse sur la même période : 10,140 contre 8,004 Mtep (millions de tonnes d’équivalent pétrole). La part annuelle par habitant suivrait cette tendance avec 1,409 tep en 2050, contre 2,122 il y a 3 ans.
En 2019, pour un total de 14,15 Mtep d’énergie primaire, seulement 0,72 ont été produites contre 13,43 importées. La programmation pluriannuelle de l’énergie 2020 prévoit pour 2028 une légère hausse à 14,29 Mtep d’énergie primaire, avec une progression à 1,56 Mtep de production sur le territoire permettant une baisse des importations (12,73).
Concernant ces dernières, d’origines fossiles, la part du charbon disparaîtrait (0,16 Mtep en 2019), le pétrole fléchirait de 5,02 à 4,52 Mtep, et le gaz serait quasi stationnaire (2,74/2,73 Mtep). Encouragée par les scénarios verts imaginés par RTE et l’Ademe, l’UDB a retravaillé le sujet de son côté.
Les projections du NPAB
Avec le NPAB, en 2050, les énergies fossiles disparaîtraient totalement, mais également la part du nucléaire produit sur le territoire (5,58 Mtep en 2019 / 5,47 Mtep selon l’estimation 2028 de la PPE). Il resterait de minimes importations (0,37 Mtep), alors que la production dans la Bretagne des 5, exclusivement de sources renouvelables, exploserait à 8,89 Mtep, pour 8,004 Mtep distribuées.
La biomasse fournirait plus de la moitié de ces dernières (4,10 Mtep, contre 0,07 Mtep en 2019 et 0,89 Mtep en projection 2028 PPE), suivie de l’éolien (2,03 / 0,25 / 0,20), du photovoltaïque (1,36 / 0,03 / 0,07), du solaire thermique (1,07 / 0,01 / 0,11) et de l’hydraulique stable à 0,05-0,06 Mtep.
À lire aussi Une start-up bretonne projette d’exploiter à grande échelle le potentiel énorme de l’énergie bleueOn notera l’absence de chiffres pour l’hydrogène alors même que les départements bretons s’investissent parfois de façon importante. La Loire-Atlantique supporte d’ailleurs l’entreprise Lhyfe, installée à Nantes, qui a inauguré il y a quelques mois le premier électrolyseur offshore du monde.
Quoi qu’il en soit, c’est au sujet de la production future d’énergie de sources renouvelables que l’intégration du 44 serait vraiment payante. Il existe tout un écosystème très engagé à ce sujet, dynamisé avec l’agence Nantes Saint-Nazaire Développement qui n’hésite pas à faire venir des entreprises spécialisées parfois installées à l’autre bout du monde.
Besoins en 2050
Pour 2050, le nouveau projet Alter Breton a envisagé comme volumes des besoins en énergie : 2,006 Mtep pour le secteur résidentiel (1,019 Mtep en énergie basse température, 0,132 en gaz et 0,855 en électricité), 1,248 Mtep avec le tertiaire (0,540 Mtep EBT, 0,330 en combustible, et 0,378 en électricité), 1,256 Mtep concernant le transport des personnes et 0,720 pour le fret (total de 0,444 en combustible et 1,532 en électricité), 0,108 Mtep dédiées la pêche, 0,480 Mtep fléchées agriculture, et 2,186 Mtep pour l’industrie. Soit un total déjà vu de 8,004 Mtep.
Les 4,098 Mtep de biomasse estimées pour 2050 compteraient 1,709 Mtep en cultures énergétiques, 0,894 Mtep en méthanisation des effluents et des déchets de l’industrie agroalimentaire, 0,871 Mtep en énergie bois, 0,255 Mtep en provenance des boues des stations d’épuration et des déchets ménagers, 0,211 Mtep venant des huileries et 0,083 en chaleur récupérable.
À lire aussi L’énergie des marées : quel avenir ?Avec un objectif de 1 600 éoliennes terrestres sur le territoire, à raison d’une quarantaine de nouvelles installations par an, l’UDB compte sur 2,028 Mtep dans une trentaine d’années. Le solaire photovoltaïque fournirait 1,360 Mtep, et le thermique 1,066 Mtep avec une part de 0,716 Mtep pour le résidentiel et 0,350 Mtep pour le tertiaire.
Les énergies marines et assimilées livreraient à la même échéance 0,662 Mtep, dont 0,611 Mtep en éolien offshore (2 projets déjà en cours de construction au large du Cap Fréhel et l’autre en face de Saint-Nazaire), et 0,051 Mtep en énergie marémotrice (barrage de la Rance + 100 hydroliennes Sabella D10).
La piste houlomotrice n’est pas prise en compte du fait des incertitudes. Presque anecdotique mais pas inutile, l’énergie hydraulique pèserait 0,050 Mtep. Le total donne 9,264 Mtep d’énergie primaire qui pourraient être obtenues des sources renouvelables dans les 5 départements.
D’accord/Pas d’accord
On ne peut qu’adhérer à l’idée des réseaux électriques intelligents mis en avant dans le cadre du NPAB et qui apporte une nouvelle couche de pilitage. En revanche, certains partis pris sont plus qu’étonnants. D’un côté la motorisation à air comprimé est espérée alors que l’on sait très bien que cette voie est une impasse, et l’on s’étonne que l’UDB tombe dans ce piège qui a déjà englouti pour rien pas mal d’argent public et du privé.
De l’autre, l’hydrogène est négligé aussi pour le secteur des transports alors que des autobus et des taxis H2 sont déjà en circulation, que des groupes comme Stellantis et Renault proposent des utilitaires, que les stations d’avitaillement se font plus nombreuses, grâce, pour certaines, à l’implication de Lhyfe en Loire-Atlantique.
À lire aussi Éolien en mer : la carte des parcs et projets en FranceEn Bretagne, justement, un projet de rétrofit H2 des barges des mytiliculteurs, porté par le Cluster hydrogène de la CCI 22, s’annonce très prometteur. Et là on est dans du concret, avec des structures solides derrière, des entreprises dynamiques qui innovent, et des programmes à l’échelle mondiale qui avancent.
Pour plus de crédibilité, les cas de l’hydrogène et de l’air comprimé pour la mobilité devraient être revus. Par ailleurs on compte quelques différences dans les totaux.
L’hydrogène demande de produire 3x plus d’électricité car le rendement stockage pile à combustible n’est que de 30%, c’est une future gabegie énergétique. En plus il faut déplacer le carburant pour que d’autres s’en servent, la aussi des pertes, bref on a un réseau d’électricité qui permet d’avoir une pompe à carburant partout et un rendement très élevé entre la production et la consommation.
Comme n’importe quel scénario, celui-ci s’appuie sur plusieurs hypothèses. Que l’une d’entres elles ne soit pas vérifié et c’est tout le rapport qui s’écroule. Sauf erreur, il n’y a pas de lien vers ce rapport, je vais donc déduire ces hypothèses de ce qui est écrit: La Bretagne produit actuellement 15% de son électricité, et elle doit arriver à 100% de son énergie (ce qui n’est pas la même chose), et cela sans nucléaire (l’article n’a pas commencé que l’on se prive déjà d’une part potentiel d’énergie décarbonée) Forte augmentation de l’industrie (c’est souhaitable mais pas encore commencé, ni en… Lire plus »
Franchement, quand on voit que c’est les mêmes qui en réalité, s’opposent à tout, et que leur chiffres sont parfaitement bidons, et qu’en plus ils prétendent compter sur le miracle de la biomasse, le truc à la mode en ce moment avec l’H2 …. Aucune crédibilité de la part de ces joyeux utopistes !!!, et c’est avec des guguss comme eux , que nos brillants politiques ont laissé tomber le nuke, et qu’on se retrouve à importer massivement de l’élec bien carbonnée (charbon, lignite, fioul, gaz etc …) , alors qu’on a été exportateurs et autonomes pendant 40 ans …… Lire plus »
Concernant le nucléaire, cela fait 15 ans qu’on essaye de démarrer un malheureux EPR. Vous auriez voulu qu’on fasse combien de chantiers de ce type en parallèle ?
Je ne connais pas le contenu de ce document, mais si l’intermittence vous intéresse, la sécurité d’approvisionnement du réseau français dans le cadre d’un scénario 100% renouvelable est détaillée dans le rapport de RTE « futurs énergétiques 2050 ».