Une équipe de chercheurs du Centre de recherche insulaire et observatoire de l’environnement (CRIOBE) vient de déployer un prototype de ferme solaire qui devrait permettre la production d’électricité renouvelable tout en protégeant le corail, en Polynésie française.
Bienvenue sur l’île de Raiatea, quatrième île de la Polynésie française en termes de superficie. C’est ici qu’une équipe du CRIOBE, une unité d’appui de l’université de Perpignan et du CNRS, vient de déployer un prototype de ferme photovoltaïque flottante à proximité de la ville de Tumaraa, à l’ouest de l’île.
Si, pour l’heure, un seul module a été mis à l’eau, celui-ci devrait bientôt être rejoint par 3 autres unités similaires d’une surface approximative de 100 mètres carrés et équipées d’une cinquantaine de panneaux photovoltaïques de 450 Wc chacune. Pour l’heure, l’objectif de cette ferme est d’injecter du courant en 230 V dans sur le réseau local, et d’alimenter la cuisine centrale de la ville pour une durée de 3 ans.
La forte dépendance de la Polynésie aux énergies fossiles
Ce projet a une importance capitale pour la transition énergétique de la Polynésie. Car si le développement des énergies renouvelables continue de s’accélérer un peu partout dans le monde, il peine encore à parvenir jusqu’à ces petites îles perdues dans le Pacifique, à quelque 16 000 km de la métropole. Ici, l’énergie fossile représente encore 93,4 % de l’énergie finale consommée, la faute à une géographie particulière qui rend impossible le déploiement d’infrastructures de production d’énergie d’envergure. Les 275 000 habitants de la Polynésie française se répartissent en effet sur 76 îles et atolls, eux-mêmes dispersés sur 2,5 millions de km², soit 5 fois la superficie de la France !
Ainsi, chaque année, ce sont près de 336 millions de litres d’hydrocarbures qui sont utilisés pour le transport, la production d’électricité, ainsi que le chauffage et la pêche. Côté production d’électricité, on compte bien quelques installations hydroélectriques, en particulier à Tahiti (exemple : le barrage de Titaaviri), qui fournissent chaque année 159 GWh d’électricité renouvelable. Le photovoltaïque produit, lui, 41,6 GWh par an. Mais ces chiffres sont bien faibles en comparaison des 665 GWh d’électricité nécessaire par an sur toute la Polynésie.
Depuis 2010, seul le photovoltaïque s’est un peu développé avec 41,3 MWc en 2020 contre 9,5 MWc en 2011. Pour accélérer la décarbonation, il est donc plus que nécessaire de trouver des moyens de productions renouvelables d’envergure moyenne et rapides à mettre en œuvre pour correspondre aux spécificités géographiques de l’île.
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Si l’intérieur des îles comporte souvent de nombreux reliefs et une végétation très dense, le recours au photovoltaïque flottant permettrait de contourner ces contraintes et de profiter des vastes étendues des lagons pour orienter les panneaux de la meilleure des manières. Mais ce n’est pas tout : ces installations pourraient contribuer à protéger le corail des lagons des rayons du soleil qui peuvent engendrer un phénomène de blanchiment parfois fatal. Or la sauvegarde du corail est un enjeu majeur dans la préservation de la biodiversité marine. Celui-ci, particulièrement sensible aux modifications de son environnement, connaît une grave crise écologique autour de la planète sous l’effet combiné de son exploitation, de la pêche intensive, de la pollution et de la transformation des océans (acidification et réchauffement des eaux). On estime notamment que la Grande barrière de corail, située au large de l’Australie, a été réduite de 70 %.
Pour en revenir à Tumara, la centrale solaire flottante du CRIOBE va permettre de comprendre quel positionnement des panneaux solaire est la plus adaptée à la protection des coraux en faisant varier l’ombrage et la transparence obtenue. Ces résultats devraient permettre le déploiement de centrales solaires flottantes parfaitement adaptées à leur environnement et ainsi participer à la sauvegarde des récifs coralliens.
Je serais curieux d’avoir l’avis d’une biologiste marine.