Innovation prometteuse, le Black Pellet remplacera l’uranium à Fessenheim


Innovation prometteuse, le Black Pellet remplacera l’uranium à Fessenheim

A quelques jours de l’arrêt définitif de la deuxième tranche nucléaire à Fessenheim, l’annonce de la construction dans cette commune d’une usine de granulés de bois à haut pouvoir calorifique, le « Black Pellet », apparaît comme un beau symbole de la transition énergétique. Cette innovation mise au point par la société française Européenne de Biomasse ouvre la voie à une nouvelle filière de remplacement du charbon. Ce biocombustible peut en effet alimenter les mêmes chaudières dans les centrales électriques, l’industrie ou les réseaux de chaleur.

Mis au point par Européenne de Biomasse au terme de 12 années de recherche, le HPCI® Black Pellet est un granulé de bois à haut pouvoir calorifique produit par un procédé de vapocraquage. Cette technique consiste à soumettre la matière première à une haute température et une forte pression, puis à libérer soudainement celle-ci, ce qui provoque un éclatement et une dépolymérisation des chaines moléculaires du bois et le transforme en poudre. Après granulation, le procédé donne au pellet sa couleur foncée et lui confère un très bon potentiel énergétique, plus proche du charbon que le bois brut. Le Black Pellet est aussi hydrophobe c’est-à-dire qu’il n’absorbe pas l’eau, contrairement aux pellets classiques et qu’il peut donc être stocké à l’extérieur. Selon ses concepteurs, il bénéficie d’une excellente tenue mécanique et d’une teneur limitée en poussière. Des propriétés qui lui permettent de se substituer au charbon puisqu’il peut être transporté et stocké par les mêmes chaines logistiques, manutentionné par les mêmes équipements et alimenter sans transformation les mêmes chaudières industrielles.

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La reconversion des centrales au charbon est-elle possible ?

Grand émetteur de gaz à effet de serre, le charbon est encore massivement utilisé dans le monde, principalement dans des centrales électriques thermiques et des chaudières industrielles. La France en consomme 15 millions de tonnes par an, notamment dans les 4 centrales électriques au charbon encore en activité. Leur fermeture promise pendant la campagne du candidat Macron devait intervenir d’ici 2022. Mais les retards pris dans la construction du réacteur nucléaire EPR de Flamanville risque de repousser de quelques années supplémentaires l’arrêt de celle de Cordemais. Située dans l’estuaire de la Loire près de Nantes, son exploitant, EDF, souhaite la reconvertir en l’alimentant partiellement avec des résidus de bois.

A cet effet il a mis au point un nouveau combustible, dénommé Écocombust, produit aussi par vapocraquage et composé aux deux tiers de bois B[1] et à un tiers de déchets verts issus des tailles de haies, de l’élagage des arbres et des refus de compostage. Techniquement EDF pourrait alimenter ses centrales au charbon avec 100 % d’Ecocombust, mais pour des raisons économiques l’énergéticien compte mélanger ce combustible renouvelable avec 20 % de charbon.
Un projet qui n’enchante toutefois pas le gouvernement : « Utiliser du bois pour produire de l’électricité n’est pas une bonne solution car le rendement est très mauvais » estime par exemple Emmanuelle Wargon, secrétaire d’état à la transition écologique.

Que faut-il penser alors du Black Pellet ? Il est vrai que le rendement d’une centrale thermique, qu’elle soit nucléaire ou au charbon est de l’ordre de 33 %. Plus des deux tiers de l’énergie produite est donc transformée en chaleur et comme dans une centrale la production de calories est très importante, elle peut difficilement être valorisée. Cette énergie perdue se dissipe donc dans l’environnement.

Il en va tout autrement des chaudières de cogénération[2]. Leur rendement pour la production d’électricité n’est pas meilleur, mais leur taille est plus petite et les calories peuvent plus facilement être valorisées, par exemple dans un réseau de chaleur ou un processus industriel. C’est probablement le marché que vise l’Européenne de Biomasse pour son Black Pellet. En tout cas, Jean-Baptiste Marin le PDG de l’entreprise est optimiste : « Les hôpitaux, les régies municipales et les industriels français sont convaincus et nous espérons les accompagner dans leur décarbonations » déclare-t-il. « Dans l’état actuel des ressources immédiatement disponibles sur le territoire métropolitain, nous ambitionnons de fabriquer à terme jusqu’à un million de tonnes de granulés HPCI Black Pellet par an » annonce-t-il.

Une première usine en Champagne

Une première usine de fabrication de Black Pellets est déjà en construction à Pomacle-Bazancourt, près de Reims, dans la Marne. Elle devrait entrer en service avant la fin de l’année et consommera 300.000 tonnes de biomasse par an. Essentiellement des résidus locaux de bois ou de vigne collectés dans un rayon de 150 km. Il s’agira principalement de bois déclassé « qui n’intéresse que peu de monde » comme par exemple le bois mort en provenance des parcelles d’épicéa dévastées par le scolyte. « Notre objectif est de valoriser tout ce qui n’est pas utilisé aujourd’hui » explique Alexandre Charlot, le responsable de l’approvisionnement. « Nous voulons zéro déchet de bois dans la forêt et même au-delà dans toute la filière. Nous pouvons aussi récupérer les déchets issus des scieries par exemple ».

La première usine de Black Pellets sera mise en service près de Reims

Un symbole de la transition énergétique

A Fessenheim, le réacteur n°2 de la plus ancienne centrale nucléaire de France (encore en activité), sera définitivement mis à l’arrêt ce 30 juin. Le premier avait déjà cessé d’injecter de l’électricité dans le réseau le 22 février. Une décision qui s’inscrit dans le cadre du projet gouvernemental de réduire de 75 % à 50 % la part du nucléaire dans la production d’électricité du pays d’ici 2035. Pour atteindre cet objectif, 10 autres réacteurs du parc nucléaire français seront arrêtés avant cette date.

Annoncée depuis 2012 la fermeture de la centrale de Fessenheim était inéluctable. Mises en service en 1977 et conçues pour une quarantaine d’années seulement, les cuves des réacteurs ne sont ni remplaçables ni réparables. Prolonger leur utilisation revenait à rogner sur les marges de sécurité, d’autant que le site est particulièrement vulnérable à certains risques non maîtrisables, du fait de sa situation en zone sismique et inondable, en contrebas du grand canal d’Alsace.
Pour autant l’activité sur le site de s’arrêtera pas. La phase de post-exploitation et de préparation au démantèlement durera cinq ans. L’évacuation des combustibles usés devrait être effectuée d’ici à l’été 2023. Le démantèlement s’étalera sur quinze ans, au moins jusqu’à 2040.

Non loin de la centrale, la zone d’activité EcoRhéna qui s’étend sur 200 hectares au bord du Rhin est destinée à compenser les pertes d’emplois liées à l’arrêt des réacteurs. C’est là que l’Européenne de Biomasse a l’intention d’investir une centaine de millions d’euros dans sa deuxième usine de Black Pellets dont la capacité de production, encore à l’étude, devrait se situer entre 125.000 et 250.000 tonnes par an. Jusqu’à 700 emplois seront créés pour l’exploitation du site et dans la filière d’approvisionnement en bois.
A Fessenheim, l’uranium sera donc remplacé par la production d’un biocombustible : tout un symbole et une belle illustration de la transition énergétique.

La centrale nucléaire de Fessenheim sera définitivement mise à l’arrêt le 30 juin 2020

[1] Bois B : déchets de bois traité, peint, vernis ou plaqué provenant de l’ameublement, des déchets de construction ou de démolition, de l’emballage (palettes), des panneaux de bois agglomérés, etc. Il ne peut pas être brûlé dans des poêles ou chaudières domestiques car les fumées peuvent contenir des composés toxiques.

[2] La cogénération est la production simultanée de deux formes d’énergie différentes dans une même centrale, généralement de l’électricité et de la chaleur.

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