Un navire câblier déroule la liaison IFA2 dans la Manche
Après 33 mois de travaux et 3 mois de test, la deuxième interconnexion électrique entre la France et l’Angleterre est entrée en service ce 22 janvier. Construite par RTE et son homologue britannique National Grid, IFA2 permet de faire transiter sous la manche une capacité de 1000 mégawatts (MW) en courant continu et de mettre ainsi à profit la complémentarité des parcs de production existants et futurs entre la Grande-Bretagne et le continent.
La France et l’Angleterre étaient déjà reliées depuis 1986 par l’interconnexion IFA 2000 d’une capacité de 2 000 MW. Mais pour accompagner la transition énergétique et participer à la sécurisation des approvisionnements des deux pays, de nouvelles capacités de transport s’avéraient nécessaires.
Mieux utiliser les énergies renouvelables produites de part et d’autre de la Manche
Le vent ne souffle pas au même moment en France et sur les îles britanniques et le soleil ne brille pas de façon synchronisée sur les deux pays. De plus les pointes de consommation d’électricité n’ont pas lieu aux mêmes heures du fait des habitudes de vie différentes et du décalage horaire. Renforcer les liens électriques entre l’île et le continent permet notamment de mieux utiliser les énergies renouvelables produites de part et d’autre de la Manche. Mais aussi celles qui sont générées par les parcs éoliens offshore existant ou en projet. Certains sont ou seront en effet raccordés au réseau européen continental, et d’autres au « National Grid » du Royaume-Uni.
En outre, les interconnexions facilitent l’équilibrage des réseaux et permettent d’améliorer leur stabilité.
C’est la raison pour laquelle l’Europe a fixé des objectifs importants en la matière. Une directive contraignante impose à chaque Etat membre de disposer d’ici 2030 d’une capacité d’interconnexion électrique avec ses voisins d’au moins 15 % de sa production installée.
Trois lignes sous-marines en courant continu haute tension (CCHT ou HVDC en anglais) existaient déjà entre le continent et la Grande-Bretagne. La première, IFA 2000 a été mise en service sous le Pas-de-Calais dès 1986. Elle dispose d’une capacité de 2000 MW. En 2011, une interconnexion de 1000 MW dénommée BritNed a relié la région de Rotterdam, aux Pays-Bas et le Kent dans le sud-est de l’Angleterre. Et en 2018, un autre câble d’une capacité de 1000 MW (Nemo Link) a été mis en service sous la mer du Nord entre la côte belge et le Kent. La technologie CCHT permet de transporter le courant avec très peu de pertes : 0,3% seulement pour 100 km. Sur les 224 km de la nouvelle liaison IFA2 (dont 200 km au fond de la mer), la perte d’énergie est donc inférieure à 0,7%.
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Mise en service ce 22 janvier, IFA2 est une ligne sous-marine CCHT de 400 kV et d’une capacité de 1000 MW, soit l’équivalent de la puissance d’un réacteur nucléaire. Elle relie un poste de transformation de courant continu en courant alternatif situé à Chilling près de Southampton à celui de Tourbe au sud-est de Caen dans le Calvados.
Les différentes capacités d’échange avec la Grande-Bretagne sont volontairement espacées en plusieurs endroits du territoire. Cela renforce la sécurité en cas de panne sur l’une des liaisons et permet de mieux répartir les flux de courant sur différents secteurs des réseaux nationaux. A terme le parc éolien en mer de Fécamp sera relié à IFA2.
La liaison sous-marine est composée de deux câbles d’environ 15 cm de diamètre. Ils sont déroulés au fond de la mer par un navire câblier puis enfouis simultanément côte à côte ou recouverts pour éviter toute gêne ou détérioration. L’enfouissement consiste à creuser un sillon dans le sol marin par une machine téléguidée et y poser le câble. La profondeur du sillon dépend de la nature des sols et des activités dans la zone.
D’autres projets sont en cours de construction
Au total, la France dispose de 51 interconnexions avec ses pays voisins. D’ici à 2030, la capacité d’échange entre la France et l’Angleterre doit encore s’accroître de 3 GW au moins. Deux projets sont en cours : l’interconnecteur ElecLink de 1000 MW passera dans le tunnel sous la Manche. Il est construit par une filiale de Getlink, propriétaire du tunnel. Son inauguration était initialement prévue en 2016, mais il ne devrait être opérationnel qu’en 2022 après plusieurs retards dus à des problèmes de sécurité. Une autre liaison sous-marine d’une capacité de 1400 MW, le FAB est également en construction depuis plusieurs années entre le Cotentin et le comté de Devon au sud de l’Angleterre, en passant par l’île anglo-normande d’Aurigny. Ce câble dont l’entrée en service est également planifiée pour 2022, permettra notamment de transporter la production hydrolienne prévue au large de cette île.
Enfin, rappelons qu’une liaison sous-marine CCHT de 575 km et d’une capacité de 700 MW est en construction entre la Bretagne et l’Irlande. C’est le projet Celtic Interconnector qui devrait entrer en service en 2026.
Commentaire
Apparemment, l'ordre de grandeur de coût de ces lignes est de 1Md€ pour 1GW sur 1000km.
Mais y a t-il des coûts d'entretien, et quelle est la durée d'exploitation prévue de ces lignes ?