Hausse du prix de l’électricité nucléaire à 0,07 €/kWh : ça change quoi ?


Hausse du prix de l’électricité nucléaire à 0,07 €/kWh : ça change quoi ?

La centrale nucléaire de Cattenom / Image : Wikimedia - Stefan Kühn.

Quel est le prix idéal pour l’électricité nucléaire française ? Les négociations menées récemment ont été mouvementées. En effet, l’Accès régulé au nucléaire historique (ARENH), qui garantit des prix bas aux fournisseurs alternatifs, sera arrêté début 2026. L’électricité bon marché issue de nos centrales nucléaires fait donc l’objet d’âpres luttes entre les différents acteurs : État français, EDF, fournisseurs alternatifs, et le citoyen, concerné lui aussi. Un accord a été trouvé à l’instant.

L’accès régulé au nucléaire historique (ARENH) avait pour finalité de permettre aux fournisseurs dits alternatifs, c’est-à-dire autres qu’EDF, d’accéder à l’électricité peu coûteuse du nucléaire historique. Cette dernière est en effet si compétitive, qu’elle rend difficile la création de concurrents à EDF, alors que la création d’un marché doté d’une concurrence variée est exigée par la Commission Européenne. Ainsi, l’État français avait mis en place ce dispositif, qui fixait le prix d’achat du nucléaire à 42 €/MWh (soit 0,042 €/kWh) depuis 2012 pour un volume total maximal de 100 TWh annuels, soit de l’ordre de 30 % de la production d’EDF.

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Le dispositif a été très fortement critiqué. Par EDF, tout d’abord, qui a estimé que le prix était insuffisant pour couvrir ses dépenses, notamment l’entretien des centrales, ainsi que l’investissement dans le renouvellement des capacités de production – enjeu primordial s’il en est. Il a été dénoncé en outre comme permettant à des fournisseurs de s’enrichir indûment en profitant des fortes fluctuations de prix sur les marchés européens.

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Appliqué depuis le 1ᵉʳ juillet 2011, le dispositif ARENH se terminera début 2026. Il est donc nécessaire de prévoir dès aujourd’hui ce qui va le remplacer, dans l’objectif de donner de la visibilité à long terme. De ce fait, le prix régulé de l’électricité du nucléaire historique est devenu l’objet de rudes batailles de lobbying, car elle profite à toutes les parties prenantes – et ce dans un contexte international exceptionnellement tendu.

Pour la France en tant que nation, l’enjeu est double. Il s’agit toute d’abord de « reprendre le contrôle des prix de l’électricité », comme promis par Emmanuel Macron, pour préserver la compétitivité de l’industrie française et protéger le budget des ménages du choc inflationniste. L’accord doit également permettre d’accompagner l’électrification de certains usages fondamentaux pour l’économie : les transports, par les véhicules électriques, et le chauffage, notamment par les pompes à chaleur.

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Un tarif pour investir dans de nouvelles centrales

Au cours d’une conférence de presse, Bruno Le Maire, ministre de l’Économie et des Finances, a indiqué ce mardi 14 novembre qu’un accord venait d’être trouvé entre l’État français et EDF. Cet accord garantit un prix de 70 €/MWh pour l’électricité nucléaire. Il permet de couvrir les coûts complets de production nucléaire en France. Contrairement à l’ARENH qui ne concernait que 30 % de la production nucléaire, le nouvel accord couvre dorénavant 100 % de cette dernière.

Nous pouvons d’ores et déjà noter que ce tarif est supérieur au tarif évalué par la Commission de Régulation de l’Énergie (CRE), à savoir 60 €/MWh. Ce tarif permet toutefois d’investir dans le renouvellement du parc de production et son extension pour accompagner l’électrification de l’économie, et ce par des technologies nucléaires, mais également renouvelables.

Les consommateurs protégés de la hausse de prix ?

L’accord garantit aussi le maintien du Tarif Réglementé de Vente (TRV) pour les particuliers et toutes les petites entreprises (moins de 10 personnes et moins de 2 millions d’euros de chiffre d’affaires). Un « dispositif de captation » sera en outre mis en place. Il a pour finalité de constituer une forme de bouclier tarifaire permanent, mais il apparaît assez complexe ; citons Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition Énergétique : « Dès lors que les prix seraient significativement au-dessus de 70 euros le MWh, un mécanisme de captation de la rente sera mis en place pour être redistribué rapidement au consommateur. Cette captation serait de 50 % à partir d’un seuil de 78 à 80 euros. Puis de 90 % à partir de 110 euros. ». Il nous faudra plus de précisions pour bien comprendre en détail le fonctionnement de ce mécanisme.

La grande industrie n’est pas oubliée par l’accord qui permettra la mise en place de contrat de long terme par EDF. Ces contrats permettront de garantir aux clients industriels des prix stables sur 10 ans, effectivement indispensables pour la réindustrialisation. Ce volet de l’accord montre que l’exécutif a bien intégré les conséquences désastreuses des hausses violentes des dernières années. Bruno Le Maire conclut son allocution en indiquant que « cet accord fait entrer EDF dans le XXIᵉ siècle ». Peut-être, mais nous relèverons toutefois que ce XXIᵉ siècle est déjà bien entamé, et que le temps passe vite.

Les époques montrent parfois d’étranges résonances

Le 6 octobre 1973 commence la Guerre du Kippour entre Israël d’une part, et la Syrie et l’Égypte d’autre part. En réaction au conflit, l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) organise un embargo pétrolier qui fut à l’origine du premier choc pétrolier. Sous la présidence de Georges Pompidou, La France avait alors lancé le Plan Messmer, qui conduira à la construction d’un parc de 56 réacteurs nucléaires, garantissant un prix stable et compétitif de l’électricité aux consommateurs français.

Cinquante ans plus tard, le Hamas lance le 7 octobre 2023 des attaques terroristes depuis la bande de Gaza vers les zones frontalières d’Israël. L’arme de l’embargo pétrolier est parfaitement perceptible en filigrane des discussions internationales. Au même moment, en France, les négociations sont vives au sujet du successeur de l’ARENH, qui déterminera le prix de l’électricité de ce même parc nucléaire historique, et, en définitive, la capacité d’investissement dans le renouvellement du parc

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