Noyer des vallées françaises pour y aménager des stations de transfert d’énergie par pompage (STEP) gigantesques ? Pour Benjamin Laredo, l’idée n’est pas saugrenue. Cet étudiant ingénieur estime qu’elles permettraient un mix d’électricité 100 % renouvelable en France et stabiliseraient le réseau électrique européen.
« Grande Abondance » : c’est le bien nommé projet de giga-station de transfert d’énergie par pompage (STEP) conçu par Benjamin Laredo. L’étudiant ingénieur en matériaux détaille son projet sur Twitter, où il a créé un compte renommé pour l’occasion « Inondator ». S’il confie que l’idée est partie d’un « délire », ce passionné d’énergies a tout de même travaillé son concept et le défend avec des arguments pertinents. En effet, les 3.000 GWh stockés par la STEP de « Grande Abondance » permettraient de mieux intégrer les énergies renouvelables en France et même au-delà.
L’envergure du site serait telle qu’il pourrait stabiliser le réseau électrique européen tout entier. Il faudrait toutefois 3 à 4 STEP comme celle-ci pour obtenir un mix 100% renouvelable en France, précise l’étudiant.
Moins cher que des batteries Tesla
Concrètement, le projet consiste à noyer la vallée d’Abondance en Haute-Savoie. Un barrage-poids à hauteur du village éponyme bloquerait l’écoulement de la rivière Dranse. L’eau contenue dans le lac artificiel ne proviendrait toutefois pas du ruissellement, mais du pompage du tout proche Lac Léman. Le chantier déplacerait « 3.000 à 4.000 personnes, ce qui est raisonnable pour un lac de cette taille » estime Benjamin Laredo. Le lac d’une superficie de 21 km² (comparable au Lac de Serre-Ponçon), profond d’environ 250 m (100 m de marnage) et d’une capacité de 2,5 milliards de m³ permettrait de stocker 3.000 GWh d’électricité à un tarif « quarante fois moins cher que des batteries Tesla (Powerpack, ndlr) ».
Le Lac Léman comme réservoir
Il serait relié via des tunnels « semblables au Saint-Gothard » à une usine électrique souterraine située à 11 km du barrage. Une véritable cathédrale équipée d’une centaine de turbines développant un total de 20 GW. Pour se faire une idée, l’étudiant ingénieur compare l’installation à celle du barrage des Trois-Gorges en Chine. En effet, la centrale hydroélectrique la plus puissante du monde plafonne à 22,5 GW. Le pompage-turbinage des eaux aurait toutefois un impact conséquent sur le Lac Léman : le niveau de ce dernier pourrait varier d’environ 2 mètres « la baisse serait lente mais la hausse se ferait en une ou deux semaines » explique Benjamin Laredo.
Lire aussi : Stockage des énergies renouvelables : les STEP manquent à l’appel
Un coût de 30 à 50 milliards d’euros
Il serait ainsi nécessaire de reconstruire certains aménagements en bordure du Léman, une opération délicate chiffrée à 5 milliards d’euros. Selon le futur ingénieur, la facture totale du chantier de la STEP s’élèverait « au pire à 50 milliards, au meilleur à 30 milliards ». Une estimation qu’il détaille : 5 milliards pour le barrage, 3 milliards pour l’indemnisation des populations déplacées (1 million par habitant en moyenne), 20 milliards pour l’usine électrique, 10 milliards pour le percement des tunnels qui accueilleront les conduites forcées, 2 milliards d’euros s’il est nécessaire d’étanchéifier le lac et « entre 5 et 10 milliards » pour le renforcement du réseau électrique.
Celui-ci doit en effet être totalement réaménagé pour réceptionner et répartir la puissance considérable de la STEP de « Grande Abondance ». L’étudiant a également imaginé une version moins puissante, limitée à 10 GW, qui permettrait de réduire significativement le coût du chantier. Mais pour compenser les pics de consommation hivernaux, une STEP à 20 GW est indispensable, assure t-il.
La STEP, un outil stratégique
Un coût monumental « à rapporter à la quantité d’électricité stockable » explique le passionné. Malgré l’ampleur de l’aménagement, une STEP resterait « le moyen le moins cher de stocker de l’énergie » selon lui. « Dans une Europe qui produit des énergies renouvelables intermittentes, c’est stratégique d’avoir une STEP » ajoute Benjamin Laredo. Les 3.000 GWh stockés permettraient ainsi de « générer de l’argent » en achetant de l’électricité lorsqu’elle est moins chère et en la revendant plus cher aux pays voisins lors des pics de consommation.
>>> Lire aussi : Les volants d’inertie pour le stockage des énergies renouvelables
La STEP pourrait également fonctionner au sein d’un réseau dont la production est majoritairement nucléaire, comme aujourd’hui en France. Selon Benjamin Laredo, les centrales nucléaires ne peuvent pas répondre aux pics de consommation, pour des raisons économiques et non pas techniques. Car selon lui, « une pointe d’hiver ce n’est pas que le rush de 19 heures. Lorsque la température baisse, la consommation augmente pendant 5 à 10 jours ».
Aucune difficulté technique
Dans le cas du projet de « Grande Abondance », la France aurait une influence majeure lors de négociations en ayant le moyen de réguler le réseau électrique européen. Si l’installation ne présente « techniquement aucun problème » d’après l’étudiant, les difficultés seront davantage « politiques, sociales et financières ». Il est en effet complexe de concevoir l’acceptation populaire d’une telle modification de l’environnement. Peu de responsables politiques auraient le courage de défendre un tel projet, malgré ses avantages. Pour l’étudiant, il faudra faire des choix « si on veut une électricité pas chère, renouvelable et un réseau sur »
>>> Lire aussi : Gravitricity : une nouvelle solution de stockage d’électricité par gravité
« L’eau est un outil, pas besoin de la fabriquer, elle est facile à déplacer » rappelle Benjamin Laredo. Le futur ingénieur est plutôt critique envers les systèmes de stockage à batterie de grande capacité. « Faire une STEP restera beaucoup moins polluant que fabriquer des batteries » assure t-il, évoquant également la durabilité d’un barrage qui « bien construit, tient plus d’un siècle ».
Et vous ? Accepteriez-vous que des STEP de grande capacité soient aménagées en France et en Europe ? Que pensez-vous des STEP et du projet « Grande Abondance » ? Dites-le nous dans les commentaires.
Commentaires
"les 3.000 GWh stockés par la STEP de « Grande Abondance » permettraient de mieux intégrer les énergies renouvelables en France et même au-delà".
Savez-vous que la France consomme en moyenne 1 300 GWh par jour ? 3 000 GWh c'est donc même pas 2,5 jours de fonctionnement du pays..Or il arrive que le vent ne souffle pas pendant plus de 3 jours.
Et en prime, aucun système de turbinage n'est capable de restituer 3 000 GWh en 2,5 jours.
C'est ridicule.
C'est une étude , bravo à ce jeune visionnaire , que cela reste au stade de projet c'est encore mieux .
Allez visiter cette magnifique vallée vous reviendrez à l'expression initiale de ce projet selon cet étudiant , un délire
Si je comprend bien le principe du STEP il s'agit de mettre un truc en l'air pour récupérer l'énergie plus tard en le laissant tomber ? Comme une horloge à poids
Les STEP sur lesquels la France possède une très grande maîtrise technique et économique ( Grandmaison la plus grande STEP et 5 autres sites) vont devenir essentielles pour le stockage d'energie de notre réseau électrique, son equilibre et sa production décarbonée avec un excellent rendement.
En quelques mn seulement ce type d'ouvrage débite sur le réseau ou s'arrête.
Cerise sur le gâteau on peut aussi utiliser ces retenues pour l'irrigation.
Il y a plusieurs gros projets en France, mais EDF doit obtenir l'accord de l'état et une stabilité structurelle mise à mal avec le projet Hercules de l'état.
Le papier mentionné n'est pas une publication scientifique peer reviewed.
C'est un brouillon grossier qui a été rédigé par une personne
qui vient de découvrir la formule Ep = m.g.h
La France a nullement besoin de 12 TWh de capacités step (90 GW x 133 heures) pour passer au 100% EnR.
On peut se demander si ce papier n'a pas comme objectif de décrédibiliser la vision 100% EnR en mettant en avant un projet démesuré, inutile, et à très fort impact environnemental et social.
Des études sérieuses ont été publiées sur le thème du 100% EnR.
Révolution Energétique serait bien inspiré de contacter Artelys avant de faire écho de ce genre de papier ridicule.
Effectivement, la France n'a pas besoin de 12 TWh de capacités STEP mais plutôt 68 à 89 TWh, selon mes propres calculs, juste pour équilibrer la consommation électrique de 2013-2019, dans un scénario sans nucléaire ni fossiles.
Les études d'Artelys, de l'ADEME et de RTE font des hypothèses naïves sur la flexibilité de la consommation, les possibilités d'import au moment opportun et sur d'autres points, pour pouvoir s'aligner sur les souhaits des commanditaires des études. Lisez bien au fond ces études, au delà des gros titres, les auteurs y décrivent tout leur réserves...
Un article a estimé, pour l'éolien allemand qu'il fallait craindre 6 semaine de stock pour gérer les pénuries durables (observée sur 35 ans)... 1000 heures, donc oui
c'est un thread de Staffan Qvist, (citant OliverRuhnau, )
qui détaille les conclusion de leur working paper:
Storage requirements in a 100% renewable
electricity system: Extreme events and inter-annual
variability
"Media discussions & many studies on “Dunkelflaute” typically focus on events from a few days up to 2 weeks of 𝑐𝑜𝑛𝑡𝑖𝑛𝑢𝑜𝑢𝑠 low VRE output. Our analysis shows that the period determining storage reqs. is FAR longer - for Germany its approx. 𝟔𝟏 𝐝𝐚𝐲𝐬 (9 weeks)!"
ca tape, et au niveau européen, le foisonnemen existe, mais est très faible... on dépend de situation météo à l'échelle de notre petite péninsule européenne.