L’année 2035 signera-t-elle vraiment la fin du moteur à explosion en Europe ? Rien n’est moins sûr. Malgré l’annonce de la fin des émissions pour les voitures neuves, Ursula von der Leyen vient d’apporter son soutien aux carburants de synthèse, un signal fort pour une filière en plein développement. 

Au printemps 2023, l’Union européenne annonçait avec fracas la fin du moteur thermique, en validant une mesure imposant à toutes les voitures neuves de ne plus émettre de CO2 à partir de 2035. Mais depuis, le sujet déchaîne les passions, et certains pays comme l’Allemagne et l’Italie militent pour éviter la fin pure et simple de ce qui est souvent considéré comme une filière européenne d’excellence. Pour apaiser les tensions sur le sujet, Ursula von der Leyen a récemment affiché son soutien aux carburants de synthèse, qui concilieraient l’objectif zéro carbone sans mettre un terme immédiat au moteur thermique. Elle a d’ailleurs qualifié ces e-fuels « d’exception souhaitable » pour la transition énergétique amorcée.

Si le sujet fait tant réagir, c’est que l’industrie automobile est en pleine révolution. Mais si elle bascule peu à peu vers l’électrique, elle repose encore grandement sur les moteurs thermiques. Selon Luca de Meo, directeur général du groupe Renault, les voitures électriques n’ont représenté que 14,6 % du total des ventes en Europe en 2023. Certes, la progression est visible par rapport à 2022, où les voitures thermiques représentaient 12,1 % de part de marché. Mais, l’objectif de 20 % de part de marché demandé par l’Europe pour 2025 paraît, pour le moment, difficile à atteindre.

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Le carburant de synthèse, seulement destiné à un marché de niche ?

Dans ce contexte, les carburants de synthèse ont-ils un rôle à jour sur la décarbonation du secteur automobile ? Sur le papier, oui. Principalement synthétisés à partir d’hydrogène vert et de CO2 captés dans l’atmosphère, ils sont entièrement renouvelables, et peuvent alimenter des moteurs thermiques traditionnels sans modification importante. D’ailleurs, ce marché émergent semble plutôt porteur. Rien qu’en France, selon le bureau français des e-fuels, on compte pas moins de 24 projets en cours, répartis dans 18 départements différents.

Mais dans la réalité, les carburants de synthèse souffrent de deux défauts majeurs. Le premier concerne leur prix à court et moyen terme, qui, actuellement, peut flirter avec les 60 €/L. Heureusement, une étude de l’Institut de Postdam, parue en 2020, présente une estimation de l’évolution du coût de production des carburants de synthèse. Selon cette étude, celui-ci pourrait atteindre le coût actuel de l’essence à l’horizon 2050. Le deuxième défaut des e-carburants concerne leur rendement. En effet, énergie renouvelable ou non, l’efficacité d’un moteur thermique reste nettement inférieure au rendement d’un moteur électrique. Selon l’Institut français du pétrole et des énergies nouvelles (IFPEN), le rendement maximal d’un moteur à essence est proche de 36 %, et 42 % pour un moteur diesel. Dans l’automobile, le rendement du moteur électrique est plutôt estimé à 90 %. Ainsi, la quantité d’énergie totale nécessaire à un véhicule thermique pour parcourir une certaine distance sera toujours nettement plus importante que la quantité nécessaire à un véhicule électrique pour parcourir cette même distance.