La centrale géothermique de Wairakei en Nouvelle-Zélande / Image : Dmitrynaumov - Canva.
La géothermie, c’est l’une des énergies renouvelables pilotables qui pourrait nous aider à atteindre nos objectifs de lutte contre le changement climatique. Mais son exploitation pose parfois problème, en raison des séismes qu’elle peut provoquer. Ioannis Stefanou, professeur des Universités à Centrale Nantes, nous explique comment le projet de recherche qu’il vient de lancer pourrait enfin libérer cette énergie cachée dans les entrailles de notre Terre.
Produire de l’énergie par géothermie, c’est exploiter la chaleur stockée dans les sous-sols. Une chaleur renouvelable — car alimentée par la désintégration radioactive des isotopes à l’intérieur de la Terre — et disponible à tout moment. Les Romains l’exploitaient déjà pour chauffer leurs thermes. Et sur le papier, les ressources géothermiques seraient suffisantes à couvrir l’ensemble de nos besoins énergétiques. Pourtant, elles restent encore peu exploitées.
« Le problème de la géothermie profonde — comme des projets de stockage d’énergie ou de dioxyde de carbone (CO2) dans la croûte terrestre —, c’est qu’aujourd’hui, on ne sait pas comment l’exploiter… sans provoquer de séisme », nous explique en introduction Ioannis Stefanou, professeur des Universités à Centrale Nantes. Avec son équipe, il a développé un projet financé par le très exigeant Conseil européen de la recherche. Un projet qui vise à essayer de trouver des solutions à cette problématique, « en utilisant une approche basée sur les mathématiques, des simulations numériques et des expériences en laboratoire. » L’ambition, c’est de déterminer enfin « s’il est possible ou non de déverrouiller l’exploitation de ces ressources naturelles très prometteuses ».
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Rappelons que le principe de la géothermie, c’est d’injecter de l’eau froide sous pression dans un forage pour récupérer, dans un autre forage, une eau naturellement chaude qui remonte des profondeurs de la Terre. Or, quand on injecte des fluides dans le sous-sol, on fait monter la pression. « Ce faisant, on réactive des failles. On les fait glisser. C’est ainsi qu’on provoque des séismes », nous explique Ioannis Stefanou. « Au contraire, lorsqu’on pompe un fluide, on retient le glissement d’une faille. Ainsi, en principe, en jouant sur la façon d’injecter les fluides dans la croûte terrestre, on pourrait réussir à contrôler le phénomène. Jusqu’à faire glisser les failles tellement lentement que les séismes résultants soient indétectables. On pourrait alors éviter la sismicité d’origine humaine tout en garantissant la circulation des fluides dans la croûte terrestre et donc, la production énergétique. »
Les chercheurs ont déjà mis leurs théories à l’épreuve de la réalité sur une faille naturelle. Ils ont démontré comment il est possible d’injecter des fluides sans pour autant déclencher le glissement brutal d’une faille. Comment il est possible de la faire glisser tout doucement, de façon contrôlée. Grâce à plusieurs forages précisément positionnés le long de la faille. « Nous avons en quelque sorte inventé le régulateur de vitesse pour failles naturelles », plaisante le professeur des Universités. « En théorie, cela pourrait même nous permettre d’éviter les séismes naturels. »
Des failles naturelles à la géothermie
Pas de quoi, pourtant, crier victoire sur le sujet qui nous intéresse ici. Parce que la faille étudiée par les chercheurs, comme toutes les failles naturelles, était relativement grande, bien identifiée et exactement localisée. Les séismes induits par les activités humaines, eux, sont liés à des failles plus petites et plus nombreuses, dont on ignore a priori tout de la localisation. « L’application directe des résultats obtenus sur la faille naturelle à la problématique de la géothermie n’est pas possible », nous confirme Ioannis Stefanou.
« D’autant que dans nos travaux sur la faille naturelle, nous cherchions seulement à la faire glisser lentement, sans nous soucier des incidences sur les taux d’injection ou de pompage. Cette fois, ce qui nous intéresse, c’est de maximiser la production énergétique — ou la capacité de stockage en sous-sol. Il nous faut donc aussi penser à optimiser l’injection et le pompage des fluides de ce point de vue. Et les deux mécanismes sont, sur le papier, un peu en compétition. »
L’objectif sera donc, soit de trouver le meilleur compromis entre ces deux mécanismes — glissement de la faille et injection/pompage —, soit de les découpler. « Trouver de quelle façon l’un pourrait arrêter d’influencer l’autre », nous confie Ioannis Stefanou. Mais pour en savoir plus, il faudra le réinterroger d’ici deux ou trois ans. Le temps que son nouveau projet INJECT financé par le Conseil européen de la recherche — d’une durée totale de cinq ans — génère de premières pistes.
Commentaires
géothermie profonde sans séisme c'est possible.
www.eavor.com
Un prototype en construction en allemagne
www.eavor.de
Article intéressant, mais un lecteur peu averti pourrait penser en le lisant que la géothermie n'est pas encore utilisée dans le monde pour produire de l'électricité alors que c'est déjà le cas dans de nombreux endroits (Islande, Californie et Kenya pour ne citer que 3 régions du monde qui y ont recours). Encore plus près de chez nous, le Royaume-Uni est en train de préparer une centrale en Cornouailles.
Il y a aussi plusieurs entreprises qui essayent d'améliorer les techniques existantes (Quaise Energy issue du MIT par exemple).
On se doute que les régions dans laquelle la géothermie fournit déjà une aide substantielle au réseau électrique ne vivent pas au rythme des tremblements de terre à chaque fois que de l'eau est injectée en sous sol par les centrales. Du coup la question se pose, dans quels cas s'appliquent les problèmes sismologiques que les recherches présentées dans l'article vont aider à diminuer? Est-ce un cas spécifique aux formations géologiques françaises? Est-ce que c'est une question de profondeur? Merci!
Oui, Robin T., cela pose question ( "spécifique"), et doute : si l’on considère, comme indiqué par Mr Stefanou, que c’est le même problème, pour les "pour les projets de stockage de dioxyde de carbone", comment expliquer les mouvements de terrain dans celui de Groningue non épuisé ( alors qu’il n’y en aurait pas dans celui de Lacq) ?
Je suis très impliqué en géothermie depuis des années, on peut pour éviter un frac mettre en place un volume de gaz coussin de l azote par exemple pour absorber la pression induite par le re équilibrage des températures et ne pas atteindre la pression de frac .Un brevet existe déjà...nous allons peut être l utiliser bientôt.
Meilleures salutations
Jean Gimenez
Ingénieur géologue et foreur
Fantastique. Genial !!! Bravo . C est ludique et utile !!