Illustration : RE.
Du point de vue du climat, mieux vaut consommer du gaz fossile que du charbon. Oui. Mais peut-on en dire autant du gaz naturel conditionné sous forme liquide, le GNL ? Des chercheurs ont fait les calculs. Et ils sont catégoriques. Les émissions du GNL produit aux États-Unis sont pires que celles du charbon.
Rappelez-vous, février 2022. La Russie se lançait dans une guerre en Ukraine. L’Europe, alors, avait craint pour son approvisionnement en gaz fossile. Et très rapidement, elle avait fait le choix de privilégier le gaz naturel — mais tout aussi fossile que l’autre — liquéfié (GNL). Lui aussi est importé. Non plus par gazoducs, mais par bateau. Toujours de Russie, pour une part non négligeable d’environ 15 % aujourd’hui, mais surtout, des États-Unis pour près de 50 % du volume.
Les pays d’Europe ont alors beaucoup investi pour augmenter leurs capacités d’importation de GNL. Ils ont planifié la construction de nouveaux terminaux méthaniers à coups de milliards d’euros. La France, par exemple, s’est dotée d’un cinquième terminal méthanier, un terminal flottant, installé au Havre. Pourtant, dans le même temps, la consommation de gaz fossile dans notre pays n’a cessé… de diminuer. Durant l’été 2023, elle a même atteint son niveau le plus bas depuis 10 ans. Et c’est plutôt heureux puisque notre pays compte toujours atteindre la neutralité carbone d’ici 2050.
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Or, le gaz naturel liquéfié importé des États-Unis n’a vraiment rien de neutre en carbone. D’abord, parce qu’il provient essentiellement de gaz de schiste. Son exploitation émet 2 à 3 fois plus de gaz à effet de serre que celle du gaz fossile conventionnel. Elle nécessite en effet plus d’énergie et expose à plus de risques de fuites de méthane.
Mais ce n’est pas tout, assurent aujourd’hui des chercheurs de l’université Cornell (États-Unis). Pour nous aider à prendre des décisions éclairées en matière de climat, ils ont voulu quantifier les émissions de gaz à effet de serre liées à la production de GNL aux États-Unis. Leur conclusion est sans appel. « Le gaz fossile et le gaz de schiste sont tous deux mauvais pour le climat. Le gaz naturel liquéfié est pire. » En cause, le fait, comme mentionné plus haut, que le GNL américain est avant tout issu d’un gaz de schiste dont la production et le transport émettent des quantités substantielles de gaz à effet de serre. Mais aussi, les émissions libérées par la liquéfaction de ce gaz puis son transport, généralement sur de très longues distances. Le tout compte finalement pour la moitié de l’empreinte carbone du GNL.
Ainsi, non seulement, le gaz naturel liquéfié est pire que le gaz fossile — et même que le gaz de schiste, d’un point de vue climat, en tout cas —, mais il est également pire, en termes de potentiel de réchauffement, que le charbon. Largement lorsque l’on analyse les chiffres sur 20 ans. L’empreinte carbone du GNL est alors 33 % plus importante que celle du charbon ! Sur 100 ans, les potentiels de réchauffement des deux combustibles fossiles se rejoignent.
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Pourquoi ? Parce que le pouvoir réchauffant du méthane est 80 fois plus important que celui du dioxyde de carbone (CO2). Or, du méthane, il s’en échappe dans notre atmosphère à presque toutes les étapes du processus d’exploitation du gaz naturel liquéfié. Dès la production jusqu’à la distribution en passant par le transport. C’est un fait bien établi. Mais aussi, lors de la phase de liquéfaction de ce gaz. Parce que pour apporter le gaz fossile qui arrive à l’usine à -160 °C, il faut en consommer environ 10 %. Selon les chercheurs de l’université Cornell, l’étape compte ainsi pour près de 9 % du pouvoir réchauffant du GNL.
Et puis, il y a l’étape de stockage et de transport. Les méthaniers modernes utilisent une part du GNL qu’ils transportent pour leur alimentation. Ils sont énergétiquement plus efficaces que les anciens méthaniers à vapeur. Mais lorsqu’ils brûlent du gaz naturel liquéfié, ils laissent s’échapper un méthane plus dommageable pour le climat — surtout à court terme — que le CO2. Selon les méthaniers, la part du transport dans le pouvoir réchauffant du GNL varie de 4 à 8 %. S’ajoute à cela quelques fuites difficiles à éviter.
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La relative bonne nouvelle vient d’une analyse du think tank Institute for Energy Economics and Financial Analysis (IEEFA). Au premier semestre 2024, les importations européennes de GNL ont en effet diminué par rapport à l’année précédente. De plus de 10 % pour les seuls pays de l’Union. Selon les experts, notre vieux continent aurait ainsi déjà passé son pic de consommation de gaz naturel liquéfié. D’ici 2030, la demande en GNL pourrait tomber sous la barre des 100 milliards de mètres cubes — contre entre 150 milliards en 2024 —. Avec pour conséquence, toutefois, le risque que les capacités de nos terminaux méthaniers deviennent largement trop importantes. Déjà, en 2024, leur taux d’utilisation moyen n’a pas atteint les 50 %.
Commentaires
cet article, finalement amène 2 questions.
ces solutions ne règlent pas tous les problèmes, loin de la , mais peuvent être mise en œuvre rapidement.
Le méthane est un vrai problème. Cependant, ce résultat spectaculaire qui le présente pire que le charbon repose sur un potentiel de réchauffement global sur 20 ans. Ce potentiel est nettement moins élevé sur 100 ans. En fait, ces coefficients reposent sur une comparaison de l'effet climatique des divers gaz par rapport à celui du CO2, le plus important d'entre eux. Dès lors c'est plutôt la perspective temporelle.du CO2 qui doit être prise en compte pour tous les autres gaz à effet de serre. C'est pourquoi la Convention sur les changements climatiques applique les PRG définis sur 100 ans.
Tout à fait, pour le méthane on est à 80tCO2eq sur 20 ans et "seulement" 28tCO2eq sur 100 ans.
Faut substituer les energies fossiles par de l electricite produite par les eoliennes et le solaire, regulee par l energie hydroelectrique de nos barrages-Step. !!!!
Il nous faudrait 20x plus de barrages pour ça.
Je vois pas comment notre conso de gaz pourrait durablement baisser puisque la transition énergétique de la quasi totalité des pays européens est basée sur le mix enr/gaz.
Pourtant c'est assez facile à comprendre: contrairement à ce que beaucoup pensent, la plupart du gaz consommé en Europe n'est pas utilisé pour produire de l'électricité mais pour le chauffage et l'industrie. Et dans ces 2 domaines le gaz (et le fioul) est en perte de vitesse rapide vu que la réglementations poussent à passer aux pompes à chaleurs et à l'electrification pour l'industrie. Donc si ces 20% de gaz pour la production d'électricité augmentent mais les 80% restant baissent (pour le chauffage et l'industrie), alors on a tout de même une baisse imoortante de la conso de gaz au final.
En Europe le gaz represente environs 25% du mix électrique et les seul pays en Europe qui ont une part importante de gaz pour la production d'électricité, c'est l'Italie (~50%) et UK (~35%).
En France, lorsqu'on parle du gaz, on a tendance de manière erronée à penser immédiatement à la production d'électricité en Allemagne mais en réalité, le gaz ne représente que 15% de son mix électrique, donc nettement moins que la moyenne européenne.
Oui parce que les pays qui ont peu de gaz ont par contre beaucoup de charbon. Or la grande idée de ces pays était justement de remplacer le charbon par du gaz.
Non pas vraiment, si on regarde par exemple le cas d'école du Royaume-Uni qui vient d'achever sa sortie du charbon pour la production d'électricité en le remplaçant par du gaz. Mais si on regarde la conso de gaz dans son énergie primaire, et bien elle à diminué d'environ 40% en 20 ans. L'Allemagne est fait en train de faire exactement la même chose mais avec 10 ans de décalage par rapport au Royaume-Uni.
Le royaume uni sort du charbon car ils ont pratiquement épuisé leurs réserves et qu'ils ont encore un accès correct au gaz.
Ils faut aussi savoir que le gaz est beaucoup plus cher en Angleterre que dans le reste de l'Europe donc ils ont plutôt intérêt à s'en servir le moins possible.
L'Allemagne, c'est le contraire, ils n'ont plus trop accès aux gaz à part les importation de Norvège et ils ont fermé leurs centrales nuke.
Résultats, ils doivent faire avec leur charbon.
Faut arrêter de faire croire que ça fait partie d'une stratégie alors que c'est surtout subit.
Il y a du vrai la dessus. On peut dire d'ailleurs exactement la même chose pour la France qui est forcé de prolonger ses centrales nuke, ce qui n'est pas une stratégie mais qui est subit 😉
?? Dans tous les scénarios RTE, le prolongement des centrale actuel est le plus simple et le moins chère pour maintenir une électricité décarbonée.
Lol. Si on demande au loup si il préfère continuer à manger de la viande où devenir végétarien, est-ce que quelqu'un pourrait douter une seconde de ce que sera sa réponse ?
De plus de quelle époque date ses scénarios ? 2021. Quel est l'age moyen des centrales françaises ? 39 ans. Quel pays est en mesure de remplacer 75% de ses centrales electriques en seulement en 4 ans ? Aucun. Si cela avait été un choix stratégique, il aurait fallu prendre une décision il y a 20 ans au moins. Edf à toujours utilisé la même tactique à chaque fois qu'un politique venait les embêter avec ces ENR: traîner des pied à développer les ENR et ne rien faire. Maintenant, même si il y avait une volonté au niveau politique, il n'y absolument plus aucune alternative à la prolongation parce que c'est bien trop tard. Macron2 a voulu faire croire qu'il avait changé sa position mais en réalité, c'est un choix subit.
Mais l'électrification des usages implique de remplacer le pétrole par l'électricité, et toute cette électricité sera produite par un mix enr/gaz, donc la conso de gaz va fortement augmenter.
En plus si leur conso de gaz a baissé jusqu'à present c'est parce que le charbon a été remplacé par la combustion de bois importé depuis les usa...
Non, si on remplace par exemple une chaudière à 100% gaz/mazout par une pompe à chaleur, ll y a d'une part la baisse dû au coefficient de performance qui entraîne une baisse et ensuite le fait que d'ici quelques années, l'électricité sera principalement d'origine carbonée. Aujourd'hui, l'électricité de carbonée, c'est 55% en europe donc 45% encore carbonée mais les ENR augmentent plus vite que la baisse du charbon donc sur le long terme cela va aussi entraîner une diminution de la part du gaz.
Les enr sont intermittentes avec un facteur de charge de 15 à 35% donc vous ne pouvez pas indéfiniment remplacer le gaz par les enr. Or l'europe est déjà arrivée à saturation d'enr.
oui, on peut parfaitement faire varier à la demande la proportion gaz/enr dans beaucoup de systèmes de production de chaleur et c'est même très simple à faire. il suffit juste que les "surproductions" soient mise à disposition des industriels avec des contrats spécifiques. Plutôt que de remplacer il suffit , il suffit d'ajouter en parallèle une chaudière electrique et laisser en permanence l'industriel choisir le moyen le plus économique.
l'interet est de jouer avec une energie qui se stocke trés facilement, le gaz.
La chaleur industrielle, on en a besoin toute l'année et en permanence et il est simple d'y injecter des enr électriques.
Dans ce cas on n'a pas besoin de produire de l'électricité avec du gaz, mais au contraire on rend variable la consommation de gaz des productions de chaleur industrielles.
Cela peut avoir un impact très important en ne jouant que sur quelques milliers de sites gros consommateurs de gaz.
La capacité des enr devraient augmenter d'un facteur 3 en Europe d'ici 2030, donc on est encore très loin d'une saturation. Par contre il est vrai que les périodes où il faudra écrêter les ENR faute de consomateurs va augmenter aussi bien en nombre qu'en durée.
La capacité peut augmenter d'un facteur 10 si vous voulez, mais quand ça sature ça ne sert plus à rien. Par contre le gaz va fortement augmenter puisque c'est la seule manière de compenser l'intermittence des enr.
Il ne faut pas confondre les périodes de pics de production et la couverture moyenne. Lors des phases de pics de production, l'augmentation de la capacité n'apporte rien (sauf si on a suffisamment de capacité de stockage, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui), mais pour la couverture moyenne sur par exemple une semaine une multiplication par 10 entraînera une augmentation qui sera certes inférieure à 10 mais toujours significative. Pour dire ça d'une manière plus mathématique, si les périodes de saturation sont nulles, alors une augmentation d'un facteur 2 des capacités entraine une augmentation de la production moyenne aussi du même facteur 2. Plus le nombre et la durée de ces phases de saturation augmentent, plus le facteur d'augmentation diminue par rapport à l'augmentation de la capacité. Donc au début, l'augmentation est linéaire et ensuite elle tends à s'inflechir vers une asymptote. Transposé à l'Europe, la courbe commence juste à s'éloigner de la linéarité mais est encore très loin de l'asymptote qui représente la vrai "saturation". Je n'ai pas le chiffre exact mais une augmentation par 3 des capacités devrait à mon avis entrainer une augmentation par 2,5 de la production moyenne.
Vous etes bien trop optimiste. La production enr n'augmentera quasiment plus (en fait si, en comptant la biomasse dans les enr mais au prix d'une déforestation accélérée).
Ce n'est pas de l'optimisme c'est ce que prévoit l'IEA. Et si on reguarde les estimation à posteriori de l'IEA de ces 20 dernières années, elle a même toujours surestimé le développement du nucléaire et sous-estimé les ENR.
Vous melangez differents concepts qui n'ont pas de rapport direct entre eux. Le facteur de charge d'une installation ne veut pas dire que la part de production des enr pour un pays ne peut pas dépasser 35%, bien au contraire. Certains pays européens ont déjà de courtes périodes où les enr son déjà en mesure de couvrir la totalité de la demande. Pour l'Angleterre, l'Espagne où les pays nordiques, c'est par exemple déjà le cas de temps en temps aujourd'hui. Pour l'Allemagne, dont les enr représente déjà environs 60% de la production nette en 2024, il existe déjà de courtes périodes où les enr couvrent presque toute la demande et le nombre et la durée de ces périodes va fortement augmenter d'ici 2030.
60% en comptant l'hydro (qui est saturé) et le bois (qui n'a en réalité rien d'ecolo). Donc oui les enr sont complètement saturées, la seule chose qui va augmenter est le nombre d'heures à prix négatifs.
Il ne faut pas confondre le symptôme et la conséquence. Ce n'est pas le nombre d'heures à prix négatif qui est un symptôme, c'est une conséquence du fait que le marché tel qu'il existe aujourd'hui à été conçu pour un mix énergétique qui est en train de disparaître.
Avec l'augmentation des périodes de prix négatifs, cela rend l'effacement et le stockage de plus en plus compétitif, ce qui est exactement ce que le système électrique de demain à besoin. Et si ça ne suffit pas, c'est le marché lui même qui va être forcé de s'adapter à la nouvelle réalité.
Je dirais plutôt que le prix négatif est un symptôme du fait que les ENR ne produisent pas à la demande et quand ont a besoin.
==> il faut payer pour se débarrasser de sa propre électricité.
Resultat, pour essayer de donner un semblant de flexibilité au système il faut des interconnexion, du stockage, du back-up etc.. qu'on ne prend jamais en compte lors de la comparaison du prix au Mwh.
Si j'ai lu récemment une étude qui estimait que les coût des enr+stockage devrait être compétitif par rapport au nucléaire d'ici 2030, vu que les coût du nouveau nucléaire augmentent mais ceux des enr et du stockage baussent rapidement.
Le stockage est extrêmement cher et polluant, et de toute façon il n'existe pas de giga-batteries d'une autonomie superieure à 4h. Donc le marché se tournera vers le gaz.