Le bâtiment réacteur de l'EPR de Flamanville / Capture vidéo EDF.
La Cour des Comptes critique sévèrement, dans un rapport de 97 pages, les surcoûts de l’EPR de Flamanville, encore plus grands que prévu, selon ses calculs. La filière nucléaire est « loin d’être prête » à mener le programme du nouveau nucléaire français dans son rapport publié le 14 janvier.
Le rapport de la Cour des comptes, publié le 14 janvier 2025, livre une critique du chantier de l’EPR de Flamanville et du programme EPR2. Les magistrats mettent en évidence des coûts dépassant les prévisions : 23,7 milliards d’euros pour l’EPR de Flamanville (contre 3,3 milliards initialement prévus en 2007). Cette somme prend en compte les frais de construction (15,6 milliards d’euros en euros 2023), les dépenses liées à la première phase d’exploitation et les provisions pour démantèlement.
La Cour déplore que « les retards accumulés et la mauvaise gestion aient fait exploser les coûts, compromettant gravement la rentabilité du projet. » Elle ajoute que pour atteindre une rentabilité de 4 %, « le prix de vente de l’électricité devrait dépasser 138 €/MWh », un niveau largement supérieur au tarif cible de 70 €/MWh négocié entre l’État et EDF.
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Le programme EPR2, censé relancer la filière nucléaire française, est, lui aussi, sévèrement apprécié. La Cour constate une « absence de devis abouti et un plan de financement encore flou », qui freinent la décision finale d’investissement. Entre 2020 et 2023, les coûts prévisionnels sont passés de 51,7 à 79,9 milliards d’euros, une augmentation de 30 %. Ces dépassements, combinés à une « accumulation de risques et de contraintes », pourraient « conduire à un échec du programme ».
Malgré tout, le rapport souligne l’importance de ce programme pour maintenir les compétences de la filière et atteindre les objectifs climatiques. Cependant, il recommande de « sécuriser le financement et avancer les études de conception détaillée avant toute décision d’investissement ».
Des ambitions internationales où l’exposition de l’État doit baisser
Alors qu’EDF envisage des projets internationaux pour accroître la compétitivité de son programme, la Cour des comptes invite à la prudence. « Chaque projet doit être générateur de gains chiffrés et ne pas retarder le calendrier du programme EPR2 en France », prévient-elle. La multiplication des projets à l’étranger, notamment au Royaume-Uni (Hinkley Point C, Sizewell C), fait peser un risque financier important sur l’entreprise, et sur l’État puisqu’il reste l’actionnaire unique.
La Cour recommande que « l’exposition financière d’EDF dans les projets internationaux soit significativement réduite. » Elle évoque notamment une possible cession partielle de la participation d’EDF dans Hinkley Point C pour limiter les risques. L’État, bien qu’il soit seul actionnaire, est encouragé à jouer un rôle plus modéré pour éviter de mettre en péril le développement des EPR en France, un programme jugé stratégique pour la transition énergétique.