Interview de Pieterjan Vanoutrive, directeur d’Elicio France
Elicio s.a. est un développeur éolien actif sur la scène internationale, tant dans l’éolien terrestre que l’offshore en Mer du Nord. A la fin 2019, la société de droit belge établie à Ostende, exploitait 142 MW en France, 68 MW en Belgique et bientôt 266 MW en offshore.
Après 9 ans consacrés à l’activité d’Elicio au départ de la Belgique, Pieterjan Vanoutrive a pris les rênes de la filiale française à Paris. L’occasion de jeter un regard sur le développement éolien terrestre dans ces deux pays voisins, et de comparer les défis rencontrés.
Pieterjan, comment votre parcours vous a amené jusqu’à Paris ?
Après une expérience d’un an au sein d’une entreprise pétrolière et gazière norvégienne juste après mes études, j’ai été engagé par Elicio, au siège d’Ostende, en 2010. J’ai pu exercer des fonctions dans le développement, la construction et l’exploitation de plusieurs projets éoliens terrestres et en mer tant en France, qu’en Belgique et en Afrique. En juin 2019, j’ai pris la direction de la filiale française.
En Belgique, les projets éoliens sont soumis à des réglementations différentes, selon que l’on se trouve en région wallonne ou flamande. Les hautes instances juridiques, telles le Conseil d’Etat, sont toutefois fédérales et donc communes à toutes les régions. Quelles différences principales observe-t-on entre le marché éolien français et le marché flamand ?
La France a essayé de simplifier les procédures d’obtention de permis, comparativement à la Flandres où le processus d’obtention de permis reste très complexe. Mais en fin de compte, les enjeux de développement restent semblables : des procédures très longues, une opposition toujours vive vis-à-vis de tout projet éolien, et des contraintes environnementales très strictes.
L’une des différences majeures est qu’en France on a évolué vers un régime d’appel d’offres pour réguler la vente de l’électricité produite par nos éoliennes. Ce mécanisme a pour effet de tirer les prix vers le bas, ce qui permet de limiter l’effort financier de l’Etat français pour soutenir l’éolien terrestre, et d’autre part garantit un prix toujours compétitif pour le consommateur.
En Flandre, vu la densité de population très élevée et la difficulté croissante de trouver un site approprié, la compétition entre développeurs est très vive. Le marché est-il aussi concurrentiel en France ?
Ces dernières années, la concurrence s’est sensiblement renforcée en France. Les développeurs que l’on rencontre sur une même zone sont de plus en plus nombreux. Dans chaque grande région de France, on peut compter une dizaine de développeurs éoliens actifs.
Vu de Belgique, l’opposition à l’éolien paraît plus vive en France. Confirmez-vous ce constat ?
L’acceptation sociale est un défi majeur pour tous les développeurs, tant en France qu’en Belgique. Elicio assure un contact local en organisant des permanences d’information pour les riverains en présence de nos développeurs fonciers et de nos chefs de projets. La concertation et la communication avec les riverains sont des aspects-clé de notre métier de développeur. Nous avons, par exemple, organisé des campagnes de financement participatif pour plusieurs projets, qui ouvrent le financement aux citoyens et en particulier aux riverains de nos parcs éoliens. Ces initiatives ont en général un impact positif sur l’acceptabilité de nos projets éoliens.
[NDLR : selon un sondage Harris Interactive réalisé en 2018, 73% des Français ont une image positive de l’éolien, et 77% en 2019 selon OpinionWay. Par ailleurs, 80% des riverains d’un parc étaient favorables à l’éolien en 2018].
Où en est-on en France pour la construction de turbines de 180 voir 200 mètres ou au-delà ?
Un parc a été construit en 2019 par un développeur concurrent en Haute-Vienne avec des éoliennes qui s’élèvent à une hauteur totale de 200 mètres, un rotor d’un diamètre de 122 mètres et un mât de 140 mètres.
Bien que ces réalisations soient encore rares, Elicio cherche également à développer des projets avec des machines plus élevées, qui captent des vents plus forts, plus réguliers et offrent ainsi des performances nettement supérieures. Mais les restrictions aéronautiques et urbanistiques sont également contraignantes en termes de distance vis-à-vis des habitations. La distance aux habitations est souvent fixée à 500 mètres, alors qu’en Flandres elle peut, dans certains cas, où l’impact sonore et visuel sont réduits, être limitée à 350 mètres, voire même 250 mètres.
La procédure d’obtention de permis est-elle plus rapide ou plus facile en France ?
J’oserais dire que non, malgré les efforts du gouvernement et des services publics pour simplifier les procédures. Depuis 2017, les projets éoliens sont soumis à une autorisation environnementale « unique », qui vise à réduire la durée d’instruction de chaque projet. En pratique, la mise en application de cette procédure devrait permettre l’obtention d’un permis en 18 mois, en moyenne. Mais à ce délai s’ajoutent les délais de recours, et il faut compter 4 ans en moyenne de délai supplémentaire considérant que deux tiers des projets autorisés sont attaqués en justice.
Maintenant, avec la crise du Coronovirus, toutes les procédures vont être suspendues. Sur une durée moyenne de 8 – 9 ans, quelques semaines de retard n’auront pas d’impact majeur, mais il faut voir comment la situation va évoluer sur le moyen et long terme.
L’espace disponible étant a priori plus important en France, cela facilite-t-il la conception de parcs comptant de nombreux d’éoliennes ?
Il y a bien sûr plus d’espace en France mais la réglementation qui encadre le développement de projets éoliens est très stricte et fixe notamment des exigences et des obligations en matière de suivi environnemental pour réduire ou compenser tout impact éventuel. Entre autres, les aspects liés à la biodiversité sont décisifs pour la réussite d’un projet. En tant que porteurs de projets, les enjeux de biodiversité font l’objet de la plus grande attention tout au long du cycle de vie de nos parcs.
Commentaire
De toutes les façons, tous les projets sont attaqués par principe. En France, un lobby anti-éolien a pour vocation de torpiller n'importe quel projet en accumulant les griefs, visuels, faune, bâtiments classés…. dès le départ, en espérant que l'un deux permettra de faire capoter le projet. En fait, de toutes les constructions humaines faites depuis que l'homme est sur la planète les éoliennes sont les premières qui semblent être insupportables. Mais, en fait, ce qu'elles ont de nouveau que nulle autre avant n'avait, c'est qu'elles menacent le nucléaire par leur possibilités en matière de production d'électricité, notamment un prix du watt qui disqualifie le nucléaire. D'ailleurs, on le voit bien dans les raisons avancées par les opposants, le prix autrefois désavantageux du watt éolien a disparu de ses aspects négatifs de la litanie des griefs.