Alors que le premier tour des élections présidentielles approche à grands pas sur fond de guerre en Ukraine et après deux ans de crise sanitaire, le thème de l’énergie tient une place importante dans le programme des candidats. Aucun d’entre eux n’a fait l’impasse sur ce thème qui est d’autant plus d’actualité que l’Europe se prépare à de probables restrictions de la part de la Russie en matière d’approvisionnement en gaz. Par ailleurs, avec l’objectif de neutralité carbone d’ici 2050, la France doit s’interroger sur l’avenir de son mix énergétique et le rôle qu’elle entend donner aux énergies renouvelables et au nucléaire. On fait le point sur les programmes des principaux candidats sur ce sujet.
Le nucléaire : un net désaccord entre les candidats
Le mix énergétique français est composé à 70 % environ de nucléaire. Certains candidats comme Emmanuel Macron (La République En Marche), Valérie Pécresse (Les Républicains), Éric Zemmour (Reconquête !) ou encore Marine Le Pen (Rassemblement National) plaident en faveur d’un développement de la filière.
Ainsi, Valérie Pécresse et Éric Zemmour veulent tous les deux revenir sur l’objectif de baisse à hauteur de 50 % du nucléaire dans le mix énergétique français.
Emmanuel Macron l’avait annoncé lors de son déplacement à Belfort en février 2022, il souhaite la construction de 6 nouveaux EPR avec une mise en service d’ici 2035 ainsi que l’étude de 8 EPR supplémentaires. Il veut également prolonger la durée de vie des centrales existantes au-delà de 50 ans. L’idée est de s’appuyer sur cette source d’énergie décarbonée pour atteindre les objectifs climatiques que la France s’est fixée.
Pour soutenir ces projets, la France pourra compter sur le label vert mis en place par la Commission européenne puisque malgré la vive opposition de certains Etats membres, le nucléaire va pouvoir bénéficier des avantages de la taxonomie verte, aux côtés du gaz.
À l’opposé de ces thèses, on retrouve les candidats Yannick Jadot (Les Verts), Jean-Luc Mélenchon (La France Insoumise) ou encore Anne Hidalgo (Parti Socialiste). Tous trois entendent sortir à terme du nucléaire et arrêter tout nouveau projet de construction d’EPR.
Jean-Luc Mélenchon indique notamment se fonder sur les scénarios établis par l’association Négawatt pour justifier un mix énergétique sans nucléaire.
Quant à Anne Hidalgo, elle considère le nucléaire comme une source d’énergie de transition qui doit nous permettre d’atteindre le 100 % renouvelable, sans préciser de délai pour y parvenir.
On observe donc un réel clivage entre les candidats au sujet du nucléaire, souvent critiqué pour les risques auxquels il expose la population ainsi que les coûts faramineux qu’il engendre. Pour mémoire, la construction de l’EPR de Flamanville dont les travaux ont débuté en 2006 ne sera pas terminée avant 2023 et le budget du projet devrait tripler d’ici sa mise en service.
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À l’exception de Marine Le Pen et d’Éric Zemmour qui veulent démanteler les éoliennes et supprimer les financements liés à ces installations, les autres candidats sont favorables au développement de la filière.
Bien que l’éolien ait suscité de nombreuses critiques ces dernières années, en raison des nuisances visuelles et sonores qu’il provoque, Yannick Jadot et Jean-Luc Mélenchon souhaitent développer fortement le secteur dans un souci écologique.
Le candidat de La France Insoumise entend ainsi installer 18 500 éoliennes sur terre et 3 000 éoliennes en mer d’ici 2050 quand le candidat écologiste évoque l’implantation de 12 000 éoliennes d’ici 2027 pour atteindre une capacité de production de 60 TWh.
Cette progression du renouvelable passe également par celui du photovoltaïque, bien plus consensuel.
Le financement de la croissance des énergies renouvelables serait réalisé par l’argent issu de la nationalisation d’EDF et d’ENGIE, pour Jean-Luc Mélenchon. Enfin, cet essor des énergies renouvelables s’appuierait sur un changement des habitudes de consommation pour tendre vers la sobriété énergétique.
Par ailleurs, Emmanuel Macron, bien que favorable à l’expansion du nucléaire, souhaite l’accompagner par une accélération des énergies renouvelables, toujours dans le but d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050.
Rappelons que la France est déjà en retard sur le développement des renouvelables puisqu’elles représentaient 19 % de la consommation finale totale en 2020 alors que l’objectif fixé à cette date était de 23 %.
Pour accélérer l’installation de nouveaux parcs éoliens ou photovoltaïques, Emmanuel Macron veut alléger les procédures en les simplifiant au maximum.
Des mesures contrastées pour le marché de l’énergie
Depuis plusieurs mois, avec le rebond économique lié à la sortie de la première vague de COVID dans le monde, les demandes en électricité et gaz naturel ont fortement augmenté, entraînant la hausse des prix.
Le poids de la facture dans le budget des ménages n’a cessé de croître, incitant le gouvernement à intervenir avec la mise en œuvre du bouclier tarifaire : gel du tarif réglementé du gaz naturel en octobre 2021, limitation à 4 % de l’augmentation du tarif réglementé de l’électricité en février 2022, octroi d’un complément de 100 euros fin 2021 pour les bénéficiaires du chèque énergie.
Dans ce contexte, Jean-Luc Mélenchon entend revenir sur la libéralisation du marché de l’électricité et du gaz pour bloquer les prix de l’énergie.
Par ailleurs, pour trois candidats (Emmanuel Macron, Eric Zemmour et Marine Le Pen), le dispositif actuel de l’Accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH) doit faire l’objet d’une modification voire d’une suppression.
Rappelons que ce mécanisme permet le jeu de la concurrence sur le marché de l’électricité en permettant aux fournisseurs alternatifs d’acheter de l’électricité à prix coûtant issu des centrales nucléaires auprès d’EDF, fournisseur historique et propriétaire des centrales françaises. L’augmentation du seuil de l’ARENH en début 2022, pour permettre de financer les règles prises par les pouvoirs publics dans le cadre du bouclier tarifaire visant a provoqué un tollé de la part des salariés d’EDF.
Enfin, dans plusieurs programmes, l’idée d’un service minimum de l’énergie a été mentionnée. C’est le cas par exemple de Jean-Luc Mélenchon qui propose de rendre gratuit l’accès « aux usages de première nécessité, sans condition de ressource ».
Yannick Jadot, qui souhaite augmenter de 400 euros le chèque énergie pour les plus modestes, prévoit également de mettre en place une tarification sociale de l’énergie permettant de bénéficier gratuitement des premiers kWh.
Cette idée de donner à l’énergie un caractère de première nécessité trouve de plus en plus d’échos ces dernières semaines, ce qui a certainement incité EDF à prendre récemment la décision de mettre fin aux coupures d’électricité pour impayés, même en dehors de la trêve hivernale.
Par ailleurs, pour préserver le pouvoir d’achat des Français et limiter la hausse de la facture d’énergie, Valérie Pécresse et Marine Le Pen souhaitent appliquer à l’électricité une TVA à taux réduit (pour Marine Le Pen, cela s’appliquerait aussi au carburant, au gaz et au fioul).
Enfin, sous l’influence de la Commission européenne, les tarifs réglementés de vente de gaz naturel et d’électricité tendent à disparaître. Yannick Jadot veut revenir sur cette décision pour réinstaurer ces tarifs tout en nationalisant EDF.
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Quel que soit leur bord politique, tous les candidats ont étudié dans leur programme la question de l’énergie qui sous-tend celle plus générale du climat et de l’avenir de la planète. Ce qui est sûr, c’est que le ou la futur(e) Président(e) devra relever le défi de concilier la transition énergétique aux éventuelles difficultés d’approvisionnement à venir en raison de la guerre en Ukraine, tout en garantissant des prix raisonnables et un confort de vie pour les consommateurs. On rappelle que le premier tour des élections aura lieu dimanche 10 avril 2022.
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Commentaires
Dommage que cet écrit n’évoque pas la géothermie. Aucun candidat n’en parle? Je n’ai pas vu grand chose et de fait la géothermie en France est en l’état anecdotique. Pourtant notre sous-sol y est favorable. Regardons le développement récent aux USA de la géothermie profonde d’échangeurs thermiques en boucles fermées, une géothermie non-intrusive sur les aquifères (3000 - 5000m de profondeur / 100 à 200degC). Ça produit moins que la géothermie de production de vapeur certes mais à grande échelle (industrielle) c’est tout à fait intéressant. C’est bien moins cher que le nucléaire, sans risque technologique, robuste dans le temps, possible partout en France, décentralisé, empreinte au sol très réduite, insensible aux évènements climatiques à venir, une production de thermies constante, potentiellement électrogène (dès 150 degC).
Ça sera le relais des gaz de schiste aux US à moyen terme (dans moins de vingt ans).
Nous pourrions remplacer nos 90TWh annuel d’importation de gaz russe par 300-400 centrales à partir de 250GWh annuel l’unité pour des agglomérations dès 20000 habitants.
Il serait dommage de rater cette opportunité en France.
"Coût faramineux de l'EPR "? Rappelons que celui de Flamanville, qui n'est qu'on prototype (raté, d'accord) produira un MWh à environ 110 €, mais que le marché actuel de l'électricité fluctue entre 200 et 300 €. Et que les futurs EPR2 décidés par Macron produiront à 60-70 €/MWh.
Il faut donc construire un maximum de ces machines, qui nous assureront une électricité bon marché mais surtout la souveraineté énergétique, tout l'inverse de nos voisins allemands.
Les candidats aux présidentielles ne font que de la politique politicienne, et sont totalement ignares sur les questions énergétiques. Jusqu'à (pour Mélanchon et Jadot) nier la réalité de l'intermittence des éoliennes, qui génèrent une électricité "impropre à la consommation" puisqu'incapable de s'ajuster aux besoins des consommateurs.
Je ne comprends pas bien pourquoi vous parlez de « nier la réalité de l'intermittence des éoliennes ». RTE montre dans son rapport comment il est possible de gérer cette intermittence et estime que cela nécessiterait (dans le cadre référence de la SNBC) environ 15TWh de thermique. Ce thermique pourrait alors être produit grâce à du gaz bas carbone type e-methane.
On a le droit de dire que cela nécessite une volonté politique très forte, mais prétendre qu'il s'agit d'un déni de réalité n'est pas sérieux.
Le probleme principal est le manque de temps. La guerre en Ukraine nous le rapelle cruellement. Il faudrait construire en 2 ans un maximum de centrales electriques pour se delivrer du gaz russe. Seuls l eolien, le solaire et le biomethane en sont capables. On mets au minimum 12 ans pour construire un EPR
"Le financement de la croissance des énergies renouvelables serait réalisé par l’argent issu de la nationalisation d’EDF et d’ENGIE" Alors là j'ai du mal à comprendre. En principe c'est une privatisation qui génère de l'argent, alors qu'une nationalisation coûte cher à l'état.
La transition énergétique est à l'abandon depuis au moins deux quinquennats.
Dès la première pose des pierres des centrales nucléaires dans les années 80 on savait qu'il faudrait se préparer à la transition sur les 40 années de vie de la centrale.
Plus on approchait et rien n'a été fait. Pire ! L'effet rebond de nucléaire nous a fait que chaque président s'en battait l’œil. Fukushima n'a pas suffit aux français, faudra t-il attendre que les conflit à nos portes en Ukraine déclenchent une nouvelle catastrophe pour réagir ?
Le GIEC nous laisse moins de 3 ans pour atteindre les 1,5 degrés. 27 réacteurs français sont en 'pause' mais sinon tout va bien. Vivement un été à 45 degrés pour qu'on remette en cause le fonctionnement des bouilloires nucléaires