Les prix négatifs se multiplient sur les marchés de gros de l’électricité, et ce n’est pas une bonne nouvelle : ils traduisent un problème d’adéquation de l’offre et de la demande. Pour réduire ces épisodes, et limiter le risque d’une multiplication à l’avenir, Réseau de transport d’électricité (RTE) nous montre que le régime d’obligation d’achat doit être remplacé par une généralisation du complément de rémunération.

Vous cherchez une source de données sur le réseau électrique français ? Les bilans électriques de RTE sont faits pour vous. Publiés chaque année, ils sont une mine d’information pour qui cherche à comprendre les grands chiffres, et les grandes tendances du paysage électrique français. C’est aussi l’occasion pour RTE de mettre en avant ses recommandations concernant la stabilité du réseau électrique et plus généralement les modalités de la transition énergétique.

Le bilan du premier semestre 2024 est de cette nature. On y apprend beaucoup de choses. Par exemple, on lit que la France a battu sur le semestre son record d’exportations nettes d’électricité, à hauteur de 43 TWh, quantité que RTE compare à la consommation annuelle d’un pays comme le Portugal. Cela semble une bonne nouvelle, donc, pour l’industrie énergétique française. Mais RTE propose également des informations qui lui permettent de motiver une généralisation du passage du régime d’obligation d’achat au régime de complément de rémunération. Penchons-nous sur ce sujet en détail.

L’influence des mécanismes de rémunération sur l’équilibre du réseau

Il existe aujourd’hui deux grands régimes permettant de rémunérer les moyens de production renouvelables non pilotables, comme les centrales solaires en toiture installées par les particuliers : l’obligation d’achat et le complément de rémunération. Dans le cadre de l’obligation d’achat, l’électricité renouvelable est achetée à un prix fixé par EDF OA ou par une entreprise locale de distribution (ELD), indépendamment du prix du marché, et indépendamment des besoins réels en électricité ; cela implique que cette électricité peut être produite même lorsque l’offre excède la demande, et notamment dans les situations où les prix du marché deviennent négatifs.

Le mécanisme de complément de rémunération a été introduit en 2015 par la loi de Transition Énergétique. Dans ce cadre, le producteur d’électricité renouvelable vend sa production sur les marchés, et ce, aux prix du marché. Cette vente est effectuée directement par le producteur ou par le biais d’un intermédiaire, appelé « agrégateur ». Ensuite, la différence par rapport à un tarif de référence, fixé par la filière, est ensuite versé par l’obligé au producteur.

Ces deux mécanismes agissent différemment sur la mise en production des capacités intermittentes, notamment lorsque les prix sont négatifs. Dans ces situations, en obligation d’achat, il n’y a pas d’incitation à réduire la production, tandis qu’en complément de rémunération, il y a une incitation à éviter les prix négatifs, et donc à ne pas produire lors de ces épisodes.

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Pour une répartition plus équitable de l’effort de stabilisation du réseau

L’objectif du complément de rémunération est d’inciter les producteurs à adapter leur production à l’état du marché, et notamment à réduire leur production dès lors que les prix sont négatifs. RTE relève que le nombre d’heures à prix négatifs augmente avec le temps : 53 heures au 1ᵉʳ semestre 2023, contre 233 heures au 1ᵉʳ semestre 2024.

Ces épisodes de prix négatifs correspondent à la conjonction entre une consommation électrique faible, à une amélioration de la disponibilité du parc de production conventionnel (+ 19 TWh pour le nucléaire par rapport à 2023), et à une augmentation de la production renouvelable. Cette dernière n’est pas négligeable sur le semestre : +11,1 TWh pour l’hydraulique, + 0,8 TWh pour l’éolien et + 0,5 TWh pour le solaire, toujours par rapport à 2023.

RTE indique que la charge d’adaptation de la production à l’équilibre de l’offre et de la demande doit être supportée par tous les producteurs. Or les moyens renouvelables assureraient cette charge dans une moindre mesure. Pour montrer ce point, RTE utilise la notion de consommation résiduelle : il s’agit de la part de la production qui n’est pas couverte par les énergies renouvelables, et qui doit donc être couverte par les moyens conventionnels (nucléaire, thermique à flamme et hydraulique pilotable). Cette consommation varie quotidiennement en fonction de la consommation et des conditions environnementales qui gouvernent la production renouvelable.

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L’amplitude quotidienne de la consommation résiduelle varie plus fortement en 2024 qu’en 2023. RTE cite notamment le cas de la différence de consommation résiduelle entre la pointe du matin et le creux de fin d’après-midi au cours d’un jour de printemps : elle est ainsi passée de 5,3 GW en moyenne en 2014 à 8,0 GW en 2023.

Les installations éoliennes et solaires sous obligation d’achat représentent environ 24 GW de puissance installée, par rapport à une capacité totale de 44 GW environ. RTE propose ainsi pour que les nouvelles installations soient développées sous le régime du complément de rémunération, et que les installations actuelles de grande taille actuellement sous le régime d’obligation d’achat soient également incitées à moduler leur production en fonction des besoins.