Illustration : Getty, montage RE.
Entre bouleversement climatique et hausse des prix de l’énergie, l’idée de se passer de chauffage conventionnel à la maison est plus que jamais d’actualité. Et pour cause, en 2018, la part du chauffage dans les dépenses d’énergie annuelle des français était estimée à 66 %. Dans ce dossier, vous trouverez les points indispensables pour réaliser ou rénover une maison qui se satisfait de faibles quantités d’énergie pour atteindre un excellent confort thermique.
Longtemps, l’idée de se passer de radiateurs et chaudières dans une maison n’était que la lubie de quelques architectes. Mais depuis 1990 et la première maison passive créée en Allemagne par l’architecte Wolfgang Feist, du chemin a été parcouru.
Aujourd’hui en France, toutes les constructions de logements neufs doivent respecter la Réglementation environnementale 2020 (RE2020) et donc avoir des dépenses en chauffage limitées à seulement 12 kilowattheures d’énergie primaire par mètre carré et par an (abrégé kWhₑₚ/m²/an). Cet objectif dépasse même les critères de la Maison passive, un label mis en place à partir de 2007 et qui correspondait à des dépenses en chauffage inférieures à 15 kWhₑₚ/m²/an. Il s’agit là de niveaux de consommation extrêmement bas, proches de la passivité, en particulier lorsqu’on les compare aux constructions existantes. En effet, l’ADEME estime qu’une maison construite avant 1950 consomme environ 150 kWhₑₚ/m²/an de chauffage, tandis qu’une maison construite après 1950 en est à 106 kWhₑₚ/m²/an.
Dans ce contexte, parvenir à aller encore plus loin que la norme RE2020 et se passer littéralement de chauffage ne s’improvise pas. C’est l’aboutissement d’une conception qui permet d’obtenir un bâtiment performant, en phase avec son environnement afin d’approcher la passivité énergétique.
Que dit la norme RE2020 ?
En France, la construction de tous types de bâtiments est régie par la Réglementation environnementale 2020 qui vient en remplacement de la RT2012. Si son application est progressive, elle est déjà en vigueur pour les maisons individuelles depuis le 1ᵉʳ janvier 2022. Elle a pour objectif d’encadrer la conception de tout bâtiment neuf pour assurer une maîtrise précise de ses dépenses énergétiques et de son impact sur l’environnement pendant toute sa vie, de la construction à la démolition en passant par son exploitation. Selon cette norme, un bâtiment neuf ne doit pas consommer plus de 12 kWhₑₚ/m²/an. Obtenir une habitation sans chauffage nécessite une réflexion globale qui peut se diviser en 3 points : la conception globale d’abord, l’isolation et l’étanchéité à l’air puis les équipements.
Orientation et conception : un point de départ fondamental
La partie conception est essentielle à la réalisation d’une maison passive. Elle doit en effet prendre en compte les contraintes naturelles du terrain et sa géographie pour en tirer le meilleur. L’analyse du site viendra ainsi se greffer à des principes généraux comme le fait de maximiser le nombre d’ouvertures sur la façade sud afin de profiter des apports solaires.
En général, on considère deux zones principales :
- La partie jour comprend le salon, la salle à manger et la cuisine. Ces pièces de vie sont généralement orientées au sud et/ou à l’ouest pour bénéficier d’une luminosité optimale,
- La partie nuit comprend les chambres et la salle de bain. Ces pièces nécessitant une température moins élevée, elles pourront être orientées au nord ou à l’est.
À ces généralités peuvent venir s’ajouter des principes constructifs spécifiques qui permettent notamment de maximiser les apports solaires.
➡️ La maison enterrée ou semi-enterrée
Le concept d’une maison enterrée repose sur l’utilisation de l’inertie du sol afin de garantir une température idéale sans chauffage. Pour être pertinent, ce type d’habitation doit être orienté de telle manière que le mur au nord soit au contact de la terre. Comme la température de celle-ci varie très peu tout au long de l’année, elle joue un rôle d’isolant et apporte une excellente inertie au bâtiment. En plus de disposer d’un excellent confort thermique, ces maisons à l’apparence souvent moderne se fondent généralement dans le paysage.
Pour que ce type de maison soit agréable à vivre, il est nécessaire de porter un soin particulier à la luminosité et à l’étanchéité de la maison.
➡️ Le principe de la double peau
La double peau consiste à créer deux parois séparées de quelques centimètres ou de quelques mètres sur une ou les façades de la maison. La seconde peau, généralement en verre, permettra de créer une zone tampon tout autour de l’habitation et limitera donc les déperditions thermiques.
Dans certaines habitations, le principe de la double peau prend la forme d’une serre ou d’une véranda accolée à la façade sud d’une maison. Servant de sas d’entrée, elle permet de maximiser l’apport solaire et de préchauffer la maison par le biais des ouvertures. Avec ce mode constructif, il est nécessaire de prévoir une excellente ventilation et des systèmes d’ombrage externe pour éviter la surchauffe en été.
➡️ Le mur intérieur à inertie
Pour prolonger les effets du rayonnement solaire dans une maison, rien de mieux qu’un mur à forte inertie à l’intérieur de la maison. S’il est bien positionné, le mur se réchauffera sous l’effet du rayonnement solaire direct en hiver, pour ensuite diffuser cette chaleur tout au long de la soirée grâce à son inertie. En été, les rayons solaires plus verticaux n’arriveront pas à l’atteindre, évitant ainsi la surchauffe.
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Le bon fonctionnement d’une habitation passive réside en grande partie dans la qualité de son isolation et de son étanchéité à l’air.
➡️ L’isolation est le nerf de la guerre
L’isolation est évidemment l’élément le plus important de toute maison qui doit fonctionner sans chauffage. Mais il convient de ne pas isoler seulement les murs ! Chaque élément doit être traité, du sol aux combles en passant par les murs, les menuiseries. Pour faciliter cette démarche, la RE2020 donne une valeur de résistance thermique à atteindre pour chaque élément de l’habitation. À titre d’exemple, l’isolation des combles doit atteindre un R (valeur de résistance thermique) de 8 m² K/W (mètre carré-kelvin par watt). Cela équivaut à environ 300 mm d’épaisseur de laine de bois.
Afin d’obtenir une isolation thermique performante, il convient de prêter une attention particulière au traitement des ponts thermiques. Un pont thermique désigne un défaut d’isolation ponctuel ou linéaire qui entraîne des déperditions thermiques. Il peut s’agir de la liaison entre deux éléments structurels comme un plancher non isolé et un mur.
Lors du choix d’un isolant, il est important de prendre en compte sa résistance thermique, mais également son inertie, c’est-à-dire sa capacité à emmagasiner la chaleur, puis à la restituer. Plus l’inertie d’un isolant est importante, plus il aura la capacité de diffuser la chaleur emmagasinée sur un temps long. Cela permet d’amortir les variations de température à l’intérieur d’un logement et contribue aussi au confort en été.
➡️ L’étanchéité à l’air doit être garantie
Pour avoir une maison qui nécessite le moins de chauffage possible, son étanchéité vis-à-vis de l’extérieur est primordiale. Elle permet en effet de contrôler les mouvements d’air dans l’habitation et d’éviter les déperditions de chaleur. Pour y arriver, un pare-vapeur, qui constitue une membrane d’étanchéité, doit être apposé sur toute la périphérie intérieure d’un bâtiment. Lors de sa mise en œuvre, il est indispensable de soigner les jonctions entre les différents lés de pare-vapeur à l’aide d’une bande collante spécifique.
Pour garantir cette étanchéité à l’air, il existe également des accessoires qui permettent d’éviter les passages d’air comme des boîtes électriques étanches pour prises de courant ou interrupteurs.
➡️ L’importance des menuiseries
Si les menuiseries permettent de capter l’apport solaire pour réchauffer la maison lorsqu’il fait beau, elles constituent également l’un des points faibles d’une maison en termes d’isolation. Heureusement, d’immenses progrès ont été faits à ce sujet depuis les années 1980 avec l’arrivée du double vitrage et désormais du triple vitrage. Même la structure des fenêtres a beaucoup évolué en intégrant aujourd’hui des rupteurs de ponts thermiques qui permettent d’en améliorer les performances.
Que ce soit en rénovation ou pour du neuf, il est généralement conseillé d’adopter du double vitrage sur les façades sud et ouest, et éventuellement du triple vitrage sur les façades nord et est.
Le triple vitrage, bien que plus isolant, possède tout de même quelques inconvénients majeurs :
- Il est très cher,
- Il est très lourd, ce qui limite son utilisation, en particulier en rénovation,
- Il empêche une partie des rayons de soleil de réchauffer l’intérieur de l’habitation.
Les équipements pour une efficacité thermique maximale
Maintenant que vous avez votre boîte étanche et bien isolée, il convient de l’équiper pour assurer un renouvellement d’air sans pour autant perdre de calories.
Note : la calorie est une unité de mesure utilisée pour quantifier la chaleur. 1 calorie désigne la quantité de chaleur nécessaire pour augmenter de 1 °C la température d’un gramme d’eau sous la pression atmosphérique normale.
➡️ La VMC double-flux
La ventilation mécanique contrôlée (VMC) double-flux est un équipement indispensable pour limiter, voire éviter, la consommation de chauffage. Une VMC traditionnelle a pour rôle d’extraire l’air vicié d’une habitation à partir de bouches situées dans les pièces humides d’un logement, à savoir la cuisine, la salle de bain et les WC. L’entrée de l’air neuf se fait à partir de grilles d’aération situées au niveau des menuiseries dans les pièces de vie et les chambres. Cette solution a l’avantage d’être simple à mettre en œuvre, mais entraîne une importante perte de calories (de chaleur) : l’air chaud extrait est évacué dehors et l’air qui rentre dans l’habitation est à la température extérieure.
Le principe de la VMC double-flux repose sur un échangeur qui permet de transférer une partie des calories de l’air extrait vers l’air neuf. Celui-ci est alors distribué dans la maison au moyen de bouches situées dans les pièces de vie et les chambres. Dans cette configuration, il n’y a plus d’aération naturelle au niveau des menuiseries. Cet équipement nécessite un entretien relativement exigeant, notamment à cause des filtres présents qui doivent être remplacés régulièrement.
➡️ Le puits canadien
Le puits canadien est une technique qui peut être couplée à une VMC double-flux et qui permet de préchauffer l’air neuf grâce aux calories présentes dans le sol. En effet, en France, le sol est généralement à une température constante d’environ 12 °C, été comme hiver. Habituellement, l’air neuf d’une maison rentre soit par les aérations naturelles présentes au niveau des menuiseries, soit par la bouche extérieure de la VMC double-flux, souvent en toiture.
Avec le puits canadien, l’air neuf est prélevé à l’extérieur de la maison, et parcourt une longue distance dans des tuyaux enterrés à 1,50 mètre de profondeur. En hiver, lorsqu’il fait par exemple 0 °C, l’air se réchauffe progressivement au contact du sol pour arriver au niveau de la VMC double-flux ou de la maison à une température plus importante.
En été, s’il fait 30 °C à l’extérieur, l’air est refroidi au contact du sol pour arriver rafraîchit dans la maison. Pour un système optimal, il est cependant conseillé de prévoir un by-pass qui permet de ne pas utiliser le puits canadien. Dans certaines conditions de température, celui-ci est en effet contre-productif. Au printemps, lorsque la température extérieure est de 14 °C, l’air sera refroidi en passant par le puits canadien alors que ce n’est pas nécessaire.
➡️ La pompe à chaleur, un outil idéal pour apporter un complément de chauffage
La pompe à chaleur est l’équipement idéal pour obtenir de l’eau chaude dans la maison et apporter un éventuel complément de chauffage. Elle se compose de deux éléments, l’unité extérieure chargée de capter les calories, et le module intérieur chargé de rendre ces calories utilisables pour le chauffage ou l’eau chaude du logement.
Il existe plusieurs types de pompes à chaleurs qui fonctionnent toutes sur le même principe :
- PAC géothermiques. Elles utilisent les calories présentes dans le sol pour réchauffer le fluide frigorigène. Elles ont l’avantage d’avoir un fonctionnement très linéaire tout au long de l’année, car le sol a une température presque constante. En revanche, son coût est élevé.
- PAC aérothermiques. C’est le type de pompe à chaleur le plus répandu. Elle utilise les calories présentes dans l’air. Relativement faciles à installer, elles ont cependant le défaut d’avoir un rendement moins important quand la température approche de 0 °C. Certains modèles ne fonctionnent plus quand la température descend trop bas (-7 °C à -15 °C). C’est alors une résistance électrique qui prend le relais.
La restitution de la chaleur peut être faite sous différentes formes. Les modèles les plus simples soufflent directement un air réchauffé. D’autres modèles plus performants sont équipés d’un échangeur qui va réchauffer le circuit d’eau du chauffage centrale, qu’il soit en basse température (plancher chauffant) ou en haute température (radiateurs traditionnels).
Pour connaître la performance d’une pompe à chaleur, il faut prêter attention à son COP (Coefficient de Performance). Ce coefficient désigne le rapport entre la quantité d’énergie produite en mode chaud et la quantité d’énergie électrique consommée pour obtenir cette quantité d’énergie. Si une pompe à chaleur est capable de produire 4 kWh de chaleur avec 1 kWh d’électricité, elle a un COP de 4. Plus cette valeur est élevée, plus la pompe à chaleur est performante.
Pour optimiser la production d’eau chaude, il est possible d’associer une pompe à chaleur à des panneaux solaires thermiques. Ces derniers serviront à préchauffer l’eau. Ainsi, la pompe à chaleur aura moins d’énergie à fournir pour amener l’eau à bonne température. Ce type de pompe à chaleur est appelé Solarothermique.
À lire aussi Quelles aides pour installer un chauffage écologique ?Est-il possible de se passer de chauffage après une rénovation ?
Oui, mais seulement avec une rénovation profonde et coûteuse. Pour y arriver, il faut en effet généralement reprendre à la fois l’isolation entière du bâtiment, en changer les menuiseries ainsi que le système de chauffage. De plus, les contraintes du bâtiment comme l’orientation, la taille, ou sa structure peuvent souvent jouer en défaveur des performances thermiques finales.
Les petits réflexes du quotidien pour moins chauffer
Outre le fait de faire construire ou de rénover une maison, il existe des astuces qui vous permettront de limiter votre utilisation de chauffage. En voici quelques-unes.
- Fermer les volets et les rideaux la nuit. Cela peut paraître un peu évident, mais volets et rideaux permettent de limiter les déperditions d’énergie à travers les menuiseries.
- Rechercher et colmater les entrées d’air froid (hors ventilation réglementaire bien évidemment). Cela peut notamment arriver lorsque l’on a des fenêtres d’un certain âge. On trouve en grande surface de bricolage des joints à coller qui sont faciles à mettre en œuvre et vous aideront à économiser.
- Adapter la température de chaque pièce à son usage. L’ADEME conseille une température de 19 °C dans les pièces de vie comme le salon et 16 °C dans les chambres.
- Ne pas chauffer la maison quand vous travaillez (hors télétravail) par exemple. Pour facilement programmer les températures de chauffage, vous pouvez opter pour un thermostat connecté.
- Éviter les radiateurs soufflants dans la salle de bain. Ceux-ci sont très gourmands en énergie.
En résumé, à quoi ressemble la maison sans chauffage ?
Créer une maison sans radiateur est un processus complexe qui ne laisse aucune place à l’improvisation. Il doit répondre aux principes élémentaires que nous venons d’évoquer comme une isolation et une étanchéité à l’air de qualité, mais aussi la maximisation des apports solaires ou encore l’optimisation du renouvellement de l’air.
Outre ces principes, la maison idéale doit parfaitement s’adapter aux conditions climatiques locales et aux contraintes du terrain. En conséquence, une maison passive bretonne sera différente d’une maison passive provençale, car chacune devra être adaptée à un environnement différent, tant géographique que climatique.
Commentaires
Ce serait un bon moyen de faire des économies sur les factures énergétiques, mais le coût d’une telle maison semble très conséquent. Pour ma part, j’ai adopté quelques-uns des gestes que vous mentionnez et cela semble faire l’affaire.
Il serait bon de revoir vos sources. La RE2020 n'impose pas une consommation de chauffage comme le fait le label Passivhaus mais une consommation sur différents usages (clim, chauffage, eau chaude sanitaire,..). D'après les premiers retours, on estime que cela représente une sur isolation de 10 à 20% par rapport à la RT2012. Nous sommes donc encore loin des standards du passif (absence de pont thermique, optimisation des solaires passifs et étanchéité à l'air très élevée)
Vous pouvez interviewer solaire home. Leurs maisons sont conformes à presque tous ces points.
Solaire Home propose des maisons bioclimatiques avec poële pour chauffage au bois. C'est inévitable comme je le précisais.Maison bioclimatique Octo I Série M | Solaire Home I Maison Bioclimatique (solaire-home.fr)
Se passer complètement de chauffage ? Non car il ya quand même des pertes au niveau des menuiseries, de la VMC double flux et un peu au niveau du bâti. Je sais ce qu'il en est pour avoir ce type de construction. L'hiver, lorsqu'il n'y a pas de soleil, la température baisse et il est difficile de conserver 19-20 °. Pour l'ECS, c'est aussi un problème. il ne faut pas raconter d'histoires !
Un autre problème est le séchage du linge car à même avec 21 °, le temps de séchage est très long et le linge ne sent pas bon.