Pour lutter contre le réchauffement climatique, tous les moyens de production d’électricité bas-carbone doivent être mobilisés. Le solaire, l’éolien et le nucléaire, sans oublier l’hydraulique : celui dont on parle peut-être le moins. Mais, peut-on seulement construire de nouvelles centrales hydroélectriques en France ? La question se pose. Et Bernard Tardieu, vice-président du pôle énergie de l’Académie des technologies, président d’honneur du Comité français des Barrages et Réservoirs et ancien vice-président de la Commission Internationale des grands barrages, partage avec nous ses réflexions à ce sujet.
L’hydroélectricité, les experts de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) en parlent comme du « géant oublié » de la production bas-carbone. « Géant » parce que l’hydraulique produit plus d’électricité dans le monde que n’importe quelle autre source bas-carbone. Environ 55 % de plus que le nucléaire. Et plus que toutes les autres énergies renouvelables réunies. Dans plus d’une trentaine de pays, il est même la première source d’électricité. En France, sa part dans le mix électrique est de l’ordre de 12 %.
« Géant », donc. Mais pas moins « oublié ». Parce qu’en matière de renouvelables, le solaire et l’éolien ont tendance à attirer toutes les attentions. Ainsi, selon les informations recueillies par l’AIE, la croissance de l’hydroélectricité devrait ralentir au cours de la décennie à venir. Malgré des atouts incontestables dans le contexte de transition vers des énergies propres. Et ce, au-delà de son côté bas-carbone. Nous y reviendrons plus tard.
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Intéressons-nous d’abord au potentiel de l’hydraulique. Dans le monde, l’AIE estime que près de la moitié du potentiel économiquement viable reste inexploité. Économiquement viable signifie-t-il aussi respectueux de l’environnement ? Oui, répondent des chercheurs de l’université de Leeds. Ils ont identifié plus de 4 500 sites répondant à des critères environnementaux stricts et qui pourraient être exploités de manière rentable. De quoi générer plus de 5 pétawattheures d’électricité par an (soit 5 000 TWh). Le cinquième de la consommation mondiale actuelle.
En France, le potentiel technique considéré comme également économiquement exploitable serait de l’ordre de 70 térawattheures par an (TWh/an). Sachant que ces dernières années, l’hydroélectrique a produit de l’ordre de 60 TWh/an, il resterait donc une dizaine de TWh supplémentaires à exploiter. Mais seulement 3 TWh pourraient encore l’être dans le respect du classement des cours d’eau qui interdit la construction de tout nouvel ouvrage sur certains d’entre eux.
À lire aussi Les 3 centrales hydroélectriques les plus puissantes du mondeAlors peut-on encore envisager de nouvelles installations hydroélectriques en France ? La réponse de l’exécutif est la suivante : il faut « préserver les capacités de production en les renforçant partout où cela est encore possible ». « C’est en cours sur le Rhône », nous apprend Bernard Tardieu. « La Compagnie Nationale du Rhône est en train d’augmenter la capacité de production grâce à l’installation de petites centrales qui offrent près de 40 MW de puissance supplémentaire et qui permettent de turbiner le débit écologique relâché en permanence » explique-t-il.
Des centrales hydroélectriques « au fil de l’eau » ou « de lac »
L’information mérite quelques précisions. Rappelons d’abord qu’il existe plusieurs façons de produire de l’hydroélectricité. Essentiellement grâce à des centrales « au fil de l’eau » et à des centrales « de lac ». Dans le premier cas, il est nécessaire de s’installer sur une rivière ou un fleuve à gros débit. En France métropolitaine, cela a été fait par le passé sur le Rhin — sur lequel la production est déjà bonne — et sur le Rhône, donc. Au total, une puissance de 5 gigawatts (GW) installée sur un parc hydroélectrique total d’un peu plus de 25 GW.
Et pour revenir à la question du débit, celui que l’on qualifie d’écologique correspond au débit minimal pour que l’installation ne nuise ni à la faune ni à la flore. « Turbiner ce débit écologique sur le Rhône, ce n’est pas négligeable », nous assure Bernard Tardieu.
« Au-delà de ce type de petites installations, j’imagine mal que l’on puisse, aujourd’hui, justifier de barrer une nouvelle rivière. Il ne faut pas oublier que l’opération modifie lourdement le système. Avec un barrage, on vient bloquer l’eau et les sédiments. Quand ça a été fait sur le Rhin et le Rhône, il y a eu des modifications de paysages et d’usages. Mais à l’époque, la population en a tiré avantage. Elle était solidaire de la décision. Il n’est pas certain que ce soit encore le cas aujourd’hui », commente notre expert de la question.
À lire aussi Pourquoi ce barrage hydroélectrique alsacien n’intéresse personne ?Concernant les centrales de lac, elles représentent actuellement environ 18 GW de puissance installée en France métropolitaine. Des barrages de haute chute qui se remplissent à la fonte des neiges et quand il pleut. « Certaines de ces centrales ont été construites en série », nous précise Bernard Tardieu. « Dans ces cas-là, on peut imaginer surélever le barrage placé le plus haut dans la série de barrages pour augmenter sa capacité et valoriser toute la chaîne d’usines hydroélectriques placées le long de la rivière. Cela demande de la réflexion et des réaménagements autour du lac. Mais dans la mesure où la population y est déjà habituée, il devrait être possible d’aboutir à un consensus social. De telles surélévation ont peu d’impacts sur le biotope et sur l’environnement en général. »
Notez que l’opération n’aurait pas ici pour objectif réellement d’augmenter la puissance des installations, mais bien d’augmenter le stock d’eau et donc la capacité de stockage de l’énergie et de soutien au réseau électrique. Une telle augmentation de 20 % pourrait être étudiée en France.
Le cas particulier des STEP
Mais selon notre expert de l’hydroélectricité, s’il n’était qu’un seul investissement à faire dans notre pays, ce serait certainement celui destiné à augmenter notre puissance installée de « Stations de transfert d’énergie par pompage-turbinage », les fameuses STEP. « Nous en sommes à quelque 5 GW installés. Des STEP qui fonctionnent tous les jours. »
Avant d’aller plus loin, rappelons-en le principe. Une STEP, c’est deux réservoirs. Un réservoir bas dont l’eau est pompée lorsque l’électricité est abondante et peu chère. « De préférence un réservoir déjà existant, pour limiter les conséquences sur les populations riveraines ». Entre 500 et 1 000 mètres plus haut, un autre réservoir qui permet de turbiner lorsqu’au contraire, l’électricité se fait rare et que les prix grimpent. Un second réservoir « construit en très haute montagne, dans des zones non habitées ou le débat potentiel est celui de la biodiversité, des paysages et des usages touristiques ». Le tout avec un rendement très intéressant, de l’ordre de 85 %. Et dans un délai qui semble raisonnable.
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Des STEP pour soutenir le déploiement des renouvelables
Mais pourquoi les STEP apparaissent-elles aujourd’hui plus que jamais importantes ? « Parce que pendant les périodes de froid pendant lesquelles le vent ne souffle pas — des périodes qui peuvent durer en hiver jusqu’à 10 jours et sur presque l’ensemble de l’Europe —, nous avons besoin d’une solution qui permette d’éviter d’en appeler au gaz fossile ou de trop vider les lacs de nos barrages. Dans ces moments-là, la demande en puissance peut aller jusqu’à 85 ou même 100 GW. Or, même lorsque notre nucléaire fonctionne parfaitement, il plafonne à 60 GW. À midi, le soleil peut aider à passer la pointe, mais il manque toujours entre 20 et 30 GW », nous explique Bernard Tardieu.
Les capacités de stockage des STEP protégeraient donc notre réseau électrique dans un contexte de déploiement massif de moyens de production renouvelable de type solaire et éolien. Un atout supplémentaire pour l’hydraulique déjà connu pour son côté bas-carbone, prédictible et pilotable.
À lire aussi « Grande Abondance », le projet de STEP monumentale d’un étudiant ingénieurAujourd’hui, toutefois, la plupart des STEP installées sur le territoire métropolitain ne permettent pas de produire plus de 4 ou 5 heures à pleine puissance. Deux seulement présentent une capacité allant jusqu’à une vingtaine d’heures. « La planification nationale qui prévoit jusqu’à 4 GW de STEP en plus ne le précise pas, mais c’est bien ce type d’installation dont nous aurons besoin à l’avenir. Des STEP avec de grandes retenues qui permettent de produire jusqu’à 30 ou 40 heures. »
Notre expert en hydroélectricité nous donne l’exemple de Grand’Maison (Isère), la STEP la plus importante de France. Avec une puissance de l’ordre de 1 GW. Et une durée de production à pleine charge de 22 heures. « Si on avait visé le double, il aurait simplement fallu construire le barrage du Verney avec une hauteur supérieure de quelques mètres. C’est toujours possible, mais la centrale hydroélectrique de grand Maison, elle-même, est calée pour la cote maximale actuelle du lac du Verney. »
Mais au-delà du techniquement possible, il y a aussi la question du modèle économique. EDF semble vouloir rester frileux sur ses investissements. « Et sur le marché de puissance, les prix restent plutôt guidés par l’effacement des industriels. L’amélioration de la rentabilité économique des STEP et de leur modèle économique est un choix politique qui demande une approche volontariste », conclut Bernard Tardieu.
Les derniers d’la classe en matière d’EnR avec pourtant le meilleur potentiel Européen (toutes EnR confondues) mais les champions du monde en matière d’inepties en tout genre. Même démonté par des études on lit encore et pour longtemps que les éoliennes tuent les oiseaux (par exemple). Dans le même temps, la frilosité d’edf est risible avec 20 milliards invertis pour pas un seul kwh produit…Les champions du monde de la bêtise mais fiers comme des co »n »qs à gueuler dans les rues. Avec un tel constat, le nucléaire nous va comme un gant…à une poule (la femelle du coq).
Techniquement on pourrait mettre encore, surtout beaucoup de petites, on pourrait aussi réviser les règles de fonctionnements inutile (protection d’espèces jamais vues dans le cours d’eau ou trucs dans le genre…). ça ne changera pas la face du monde mais doit représenter en ordre de grandeur une tranche nucléaire avec une production ENR qualitativement supérieure.
Pour cela il faudrait aménager la loi sur les cours d’eau pour ménager chèvre et choux (donc adapter au cas par cas)
Et surtout remplacer bonne partie de ceux qui la font appliquer (ou plus exactement appliquent leur loi à eux…). A bon entendeur…
Plus je lis les commentaires, moins je me sens seul… 💪😊
Un pays de fous, hostiles à l’éolien, aux Step, aux méthaniseurs…etc mais admirateurs et lecteurs de la bd de jancovici pour s’engluer irrémédiablement dans l’impasse nucléaire. Les derniers d’la classe européenne avec pourtant un potentiel remarquable sinon le meilleur.
Dernier de classe en Europe pour le développement ENR peut être, mais premier en terme de faibles d’émissions de GES de son mix électrique, et assez loin devant les autres (on fait abstraction de ceux qui sont richement dotés en Hydrau)… Pour comprendre la BD il faut comprendre que Jancovici croit que le CO2 fait chauffer la planète et il fait la promotion du moyen le plus efficace pour le diminuer fortement et rapidement: le nucléaire. On aime ou on n’aime pas mais il est logique. Après le nucléaire on est pour ou on est contre, c’est discutable y a… Lire plus »
On ne veut pas de nucleaire parce que ça produit des dechets dangereux pour 10 000 ans, que ça rechauffe les rivières et que ça rappelle que la France possède des armes nucléaires. On ne veut pas de centrales thermiques parce que ça emet beaucoup de CO2 à effet de serre. On ne veut pas d’eolien parce que ça enlaidi les paysages, que ça tue des oiseaux et que ça perturbe les poissons. On ne veut pas de fermes photovoltaiques parce que ça occupe beaucoup de m2 au sol, que ça entre en concurrence avec l’agriculture et que ça dénature… Lire plus »
Je ne suis pas d’accord. Il y a une opposition des anti-tout et des abrutis du « pas dans mon jardin » mais il s’agit d’une très faible minorité qui ouvre beaucoup sa gueule (suffit de voir les piquets, jamais plus de 10 clampins avec leurs pancartes). La France laisse beaucoup trop de place aux recours (comme cette centrale hydro de 6 millions flambant neuve qui doit être détruite suite à une décision de justice). Il faudrait permettre les oppositions mais sans permettre ce genre de retardement/délai qu’on observe actuellement. Aujourd’hui, il suffit d’un groupe de clampins qui parle d’une espèce protégée… Lire plus »
Dans un pays comme la France rien n’est impossible mais trouver des solutions ENR rentable viable écologique donne du grain à moudre à l’arrêt du nucléaire donc impossible. Le projet français est de faire 7 epr2 et bien-sûr de poursuivre le plus rapidement possible avec 7 de plus.
Bon reportage qui nous montre nos limites.
un EPR mets 15 ans a etre construit…….
Il est surement possible de faire plus rapide, mais pour obtenir des ressucettes de plusieurs milliards le plus simple est de faire très long, l’état fait des cheques, pendant ce temps là tout un petit monde travaille et encaisse les euros. Aubergiste, tu nous remets ça et n’oublies pas le vin, ici on a soif.
l obstacle le plus important reste le lobby nucleaire. du point de vue technique, ce se condtruit en 5 ans et c est integralement rembourse en 6 mois (cf capacite de stockage en Galles du sud en Australie). Ce lobby a reussi a ce que la France soit le seul pays de l UE a ne pas atteindre ses objectifs d ENR et doit payer une amende a l UE tous les ans. Bravo, C est du beau boulot. Il fallait le faire….
L’obstacle le plus important, c’est les anti-tout. Autour de chez moi, pas de lobby nucléaire. Par contre, j’ai un sacré paquet d’opposants à l’éolienne. Une alliance de 13 maires NUPES qui s’opposent à un parc éolien (une sablière et un centre de retraitement aussi) d’un côté, un alliance de deux maires RN et d’un divers droit de l’autre (eux, c’est que les éoliennes et les gitans…). Pas de lobby nucléaire à l’horizon. Beaucoup de vieux qui ont peur pour le « tourisme et la valeur foncière de la maison » et de hippies qui aiment les éoliennes quand c’est chez les autres.… Lire plus »
Et les usines marémotrices (comme la Rance) alors?