Quand on pense accident nucléaire, on a souvent le réflexe d’évoquer les pastilles d’iode, ces comprimés que l’État distribue autour des centrales nucléaires françaises. Si elles ne protègent pas directement contre la radioactivité, elles permettent tout de même d’en limiter l’impact dans le corps. Voici comment. 

Depuis 1997, en France, des pastilles d’iode sont régulièrement distribuées dans les communes à proximité directe des centrales et grands sites nucléaires. Ils constituent l’une des premières mesures de protection de la population en cas d’accident nucléaire majeur, lorsqu’il y a un rejet d’éléments radioactifs dans l’environnement. Ces campagnes de distribution préfectorales, financées par EDF, n’ont d’abord concerné que les habitants situés dans un rayon de 10 km autour des centrales nucléaires. Depuis 2019, le rayon de distribution est passé à 20 km autour des centrales.

D’ailleurs, depuis la mi-septembre 2024, une nouvelle campagne de distribution vient de commencer avec la mise à disposition gratuite de pastilles dans les pharmacies concernées. Les habitants vivant à moins de 20 km d’un site nucléaire (centrale, site de recherche ou de stockage) peuvent aller récupérer leurs boites. Mais en quoi l’iodure de potassium peut nous protéger en cas d’accident nucléaire ?

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Protéger le corps contre l’iode radioactif

En réalité, cet iode stable que l’on ingère a un rôle protecteur indirect en cas de présence de nuage radioactif. Pour mieux comprendre pourquoi, faisons un peu de biologie. Dans le corps humain, on retrouve une glande de la forme d’un papillon située à la base du cou : la thyroïde. Celle-ci joue un rôle essentiel, en synthétisant des hormones indispensables au bon fonctionnement du corps. Pour produire ces hormones, elle a besoin d’iode, un élément que l’on retrouve principalement dans l’alimentation.

Revenons à notre potentiel accident nucléaire. Celui-ci peut engendrer le rejet d’éléments radioactifs dans l’atmosphère, et en particulier d’une forme radioactive de l’iode. Sous forme de gaz, cet iode radioactif peut être inhalé et entrer facilement dans le corps. C’est là que ça se complique : la thyroïde ne sait pas faire la différence entre l’iode stable (iode 127) et l’iode radioactif (iode 131). Ainsi, en cas d’exposition, l’iode radioactif qui se trouve dans l’air peut venir se fixer sur la thyroïde à la place de l’iode stable. Ce mécanisme peut avoir de graves implications sur la santé, en particulier pour les enfants, et peut entraîner un risque accru de cancer de la thyroïde.

Pour empêcher ce phénomène, les comprimés d’iode, qui contiennent environ 1 000 fois la dose journalière d’iode normalement recommandée, permettent de venir saturer la thyroïde en iode, ce qui a pour effet d’empêcher l’iode 131 de se fixer.

Des comprimés fabriqués en France

Les comprimés d’iode sont fabriqués par la pharmacie centrale des armées. Chaque boîte comprend des comprimés désormais dosés à 65 mg d’iodure de potassium, ce qui représente 50 mg d’iode stable. En général, la dose recommandée pour les adultes est de 2 comprimés, soit 1000 fois plus que les besoins quotidiens de la thyroïde. La validité de ces comprimés est d’environ 7 ans.

Une question de timing

Pour que la prise d’iode soit réellement efficace, la gestion du timing est néanmoins particulièrement importante. Celle-ci a un effet temporaire. Pour que son effet soit maximal, les équipes d’EDF sont capables d’évaluer l’évolution et la progression du potentiel nuage radioactif pour estimer au mieux le moment idéal de la prise de pastille.

En cas d’alerte nucléaire, le gouvernement et EDF ont également mis en place une procédure à suivre pour la population. Celle-ci se résume à se mettre à l’abri, se tenir informer, et prendre de l’iode lorsqu’on en reçoit l’instruction, par ordre du préfet. D’ailleurs, lorsqu’un risque est avéré, la sirène diffuse le signal d’alerte commun à tous les types de risques, à savoir un son montant et descendant. Celui-ci se compose de 3 séquences d’1 minute et 41 secondes, diffusées à 5 secondes d’intervalle.

La thyroïde, une glande indispensable au bon fonctionnement du corps

Située à la base du cou, la thyroïde a de nombreuses fonctions. Grâce à la production d’hormones dites thyroïdiennes, elle permet la régulation du métabolisme. Elle joue un rôle dans la régulation de la température corporelle, du rythme cardiaque, de la croissance ou encore du système nerveux. Enfin, elle influe sur la digestion. Un déséquilibre thyroïdien peut avoir de nombreuses conséquences néfastes sur l’équilibre du corps.

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Pastilles d’iode : l’enjeu de leur distribution

L’intérêt de l’iode en cas d’incident nucléaire a été démontré pour la première fois dans les années 60. Dès les années 70, des scientifiques ont commencé à recommander l’administration de comprimés d’iode en cas d’accidents nucléaires. Néanmoins, la gestion des stocks de comprimés d’iode et leur distribution a souvent été problématique. Lors de la catastrophe de Tchernobyl, les autorités soviétiques avaient bien organisé une distribution d’iode à la population, mais cette distribution n’a pas été suffisamment rapide et étendue pour être réellement efficace.

Ce manque d’organisation a eu des conséquences désastreuses, puisqu’à l’issue de la catastrophe, on a détecté environ 6 500 cas de cancers de la thyroïde chez des enfants. Chez l’adulte, la thyroïde a un développement naturel très lent, ce qui limite le risque de cancer. Depuis Tchernobyl, les comprimés d’iodes ont été adoptés par de nombreux pays dans le plan de préparation aux accidents nucléaires. Lors de l’accident de Fukushima, de l’iode a ainsi été distribué à la population locale.

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L’iode ne fait pas tout

Si l’iode stable permet de protéger la population de l’iode 131, elle n’est pas un rempart à la radioactivité. En cas d’accident nucléaire, les premiers gestes à suivre consistent à se mettre à l’abri dans un bâtiment en dur, de fermer portes et fenêtres ainsi que de couper la ventilation. Il est important de ne pas toucher aux objets situés dehors, et encore moins aux objets qui pourraient être touchés par la pluie. En fonction de la gravité de l’incident, une évacuation d’urgence pourrait être organisée. Dans ces situations, il est nécessaire de rester à l’abri tout en se tenant informé de la situation grâce aux médias, aux réseaux sociaux et surtout grâce à une radio à piles.