La durée de vie moyenne d’une éolienne est de 20 à 30 ans. Mais depuis quelque temps d’anciens parcs sont démantelés avant d’atteindre cet âge. La technologie dans ce domaine ayant fort évolué, le « repowering » qui consiste à remplacer d‘anciennes machines par des turbines plus puissantes et plus productives est rentable, mais surtout il permet de produire plus d’énergie renouvelable.
Les premières éoliennes installées en Europe à la fin du siècle précédent étaient pour la plupart dotées d’une puissance inférieure au mégawatt alors que celle des turbines onshore construites aujourd’hui est souvent supérieure à 3 MW. Pour un même mât, les performances de ces machines en termes de production d’énergie ont donc été multipliées par 3 en à peine 20 ans. Autre avantage : les coûts de maintenance des éoliennes actuelles sont sérieusement réduits. Comme on le voit, dans ce domaine comme dans bien d’autres, l’évolution technologique au cours des dernières décennies a été fulgurante.
Booster la production d’électricité verte
Techniquement, ces anciennes turbines pourraient encore fonctionner pendant plusieurs années : la première grande éolienne européenne, construite en 1975 par des étudiants à Ulfborg au Danemark tourne toujours. Je l’ai visitée récemment. Mais, au regard des objectifs de transition énergétique et de production d’énergie renouvelable affichés par la plupart de nos pays, il est souvent plus judicieux de démanteler les anciennes machines les moins productives pour les remplacer par d’autres, plus puissantes, moins nombreuses et souvent plus silencieuses. En effet, dans la plupart de nos régions, ils ne sont pas aussi nombreux qu’on pourrait le penser, les sites venteux qui respectent les conditions fixées par les législations en termes de distances aux habitations, aux aérodromes et radars, aux lignes aériennes et canalisations enterrées de toutes sortes, aux faisceaux hertziens, aux sites naturels ou protégés et qui ne se trouvent pas dans des zones d’exclusions imposées par l’armée ou d’autres autorités. A cela s’ajoutent les réticences, voir les oppositions ouvertes souvent manifestées par une frange de la population locale lors de l’annonce d’un nouveau projet éolien. Le principal intérêt du repowering est donc bel et bien de « booster » la production d’électricité verte, avec comme corolaire la réduction du recours aux énergies fossiles et des émissions de gaz à effet de serre.
En France, l’éolien représente aujourd’hui 7,4 % de la production d’électricité, mais la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) prévoit qu’elle devra être portée à près de 20 % à l’horizon 2028. Un développement qui « se fera en partie par des rénovations de parcs existants arrivant en fin de vie, ce qui permet d’augmenter l’énergie produite tout en conservant un nombre de mâts identique ou inférieur ».
Si les projets de repowering sont aujourd’hui encore peu nombreux dans l’Hexagone, certaines estimations annoncent le renouvellement au cours des 5 prochaines années d’une capacité installée variant entre 2 et 5 GW selon les auteurs. Quoi qu’il en soit, il s’agit d’un marché considérable.
Les avantages du repowering éolien sont donc multiples mais les premiers projets envisagés en France ont été confrontés à de nombreuses difficultés administratives. Finalement, l’exécutif a publié une clarification en juillet 2018. Elle fait la distinction entre les renouvellements nécessitant une nouvelle autorisation et ceux qui n’en ont pas besoin, en fonction du caractère « substantiel » ou non de la modification.
Un concept que le ministère de la Transition écologique et solidaire s’est attaché à définir tout en laissant une large marge d’interprétation aux administrations et préfectures. Une étude des dossiers au cas par cas est par exemple prévue lorsque l’augmentation de la taille des éoliennes se situe entre 10 % (modification non substantielle) et 50 % (modification substantielle). L’exploitant devra dans ce cas démontrer que les nuisances sonores, les perturbations des radars et de la navigation aérienne, ou les enjeux en matière de paysage, de patrimoine et de biodiversité ne sont pas amplifiés.
Une première expérience en Allemagne pour EDF
En Allemagne, où le développement de la filière éolienne a été plus précoce qu’en France ou en Belgique, les retours d’expérience témoignent de l’intérêt des exploitants de parcs éoliens pour le repowering.
Ainsi, pour EDF Renouvelables, l’apprentissage a été mené à bien avec le parc d’Eckolstädt, dans l’Etat allemand de Thuringe. « Premier d’une série à venir » annonce le principal énergéticien de France.
Mise en service en 1999, cette ferme éolienne était composée de 11 turbines de première génération, totalisant une capacité initiale de 14,5 MW.
Après l’obtention fin 2016, d’un nouveau permis de construire, elle a fait l’objet au début de 2018, d’un démantèlement complet. Les composants des machines ont été majoritairement recyclés et les fondations concassées pour servir de remblai dans les plateformes du nouveau projet et dans les routes d’accès. 10 éoliennes de nouvelle génération (soit une de moins) ont ensuite été érigées sur le site. La puissance du nouveau parc a été portée à 34,5 MW, ce qui représente une augmentation de 20 MW.
Sa production électrique annuelle permet d’alimenter en énergie près de 18.500 foyers allemands.
EDF Renouvelables envisage d’autres projets de repowering en Allemagne où le nombre annuel d’éoliennes à renouveler entre 2021 et 2026 est estimé à environ 1.600 (2,5 GW).
L’entreprise étudie aussi quatre projets de repowering en France.
Un projet français ouvert au financement participatif
Développé par Boralex et mis en service en 2005, le parc éolien de Cham Longe est constitué de 14 turbines totalisant une puissance actuelle de 22,6 MW. Il est situé sur une crête de la montagne ardéchoise, dans les communes de Saint-Etienne-de-Lugdarès et d’Astet. A 1.497 m d’altitude, les éoliennes de Cham Longe sont les plus élevées de France. Une situation qui n’a pas que des avantages, car elles sont confrontées à des conditions météo extrêmes. Le climat difficile et une forte ressource en vent font que ce parc vieillit plus vite que les autres, et nécessite de plus en plus d’opérations de maintenance. En hiver, la neige et le givre ont souvent posé problème à ces machines qui ne sont pas équipées pour tourner de façon optimale et doivent régulièrement être mises à l’arrêt. Boralex a donc demandé et obtenu en 2018 l’autorisation de repowering. 12 éoliennes sur les 14 vont être remplacées. Equipées d’un système de chauffage des pales pour fonctionner quelle que soit la température, elles seront aussi deux fois plus puissantes et environ quinze mètres plus hautes. Les anciennes turbines seront envoyées en Espagne pour être révisées et réinstallées dans une région plus adaptée. Cette opération permettra de porter la puissance totale du site à 39,95 MW, mais au final, le gain de production espéré sera de l’ordre de 80%, grâce aussi à l’augmentation de la hauteur du mât, de la longueur des pales et de la réduction des périodes d’arrêt par temps froid.
L’exploitant a souhaité associer les citoyens au projet, et en premier lieu les riverains de la communauté de communes des Montagnes d’Ardèche. Au travers d’un financement participatif, Boralex a récolté près de 450.000 €, une somme qui représente le montant en fond propre nécessaire au financement d’une turbine. L’entreprise souhaite ainsi redistribuer sur le territoire une partie des richesses produites par le parc.
Cette campagne de financement participatif a été confiée à Enerfip.
En Wallonie aussi, des projets de repowering seront ouverts à la participation citoyenne. Le producteur d’énergie renouvelable Eneco y projette par exemple le renouvellement de deux anciens parcs éoliens à Perwez et Sombreffe. Deux coopératives citoyennes locales, HesbEnergie et Nosse Moulin mènent actuellement des négociations avec le développeur pour obtenir la possibilité d’exploiter une turbine dans chacun de ces parcs.