La première fois qu’un humain s’est pris une châtaigne électrique


La première fois qu’un humain s’est pris une châtaigne électrique

Illustration : Getty, montage : RE.

Cet été, Révolution Énergétique retrace une partie de l’histoire des énergies. Ces « premières fois » où de l’électricité est sortie d’une centrale nucléaire, d’une éolienne ou d’une centrale hydroélectrique. Ces grandes étapes, souvent méconnues, où le premier panneau photovoltaïque a été installé, où la première pompe à chaleur a délivré des kilowattheures de froid ou de chaud « bas-carbone ».  Cette semaine, nous nous intéressons à la première fois qu’un humain s’est pris une « châtaigne ».

On utilise le terme « châtaigne » dans le jargon des électriciens pour faire référence à une électrisation. C’est le contact entre une personne et le circuit électrique sans électrocution, ressenti par une forte secousse. Mais quand a eu lieu la toute première ?

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Les phénomènes électriques sont observés depuis la nuit des temps. En grec, le mot « élektron » signifie « ambre ». Une pierre végétale aux propriétés électrostatiques. En frottant l’ambre contre un tissu, on crée un courant électromagnétique, qui attire les cheveux ou les grains de poussière. On peut faire la même expérience avec un intercalaire ou une règle en matière plastique.

Les machines électrostatiques

Bien que personne ne soit en mesure de décrire ce mécanisme physique, des expérimentations vont progresser sur les machines électrostatiques à partir du 17ᵉ siècle. La technique est simple : on fabrique une boule recouverte de soufre et la fait tourner à l’aide d’une manivelle. En approchant la main de la boule, le soufre est électrisé, ce qui rend la surface capable d’attirer de petits objets métalliques et des poussières.

Susceptibles de créer un courant électrique, les machines électrostatiques de la fin du 18ᵉ siècle étaient capables de produire des étincelles de quelques centimètres de longueur. Pour cela, on électrise de l’eau contenue dans un récipient posé sur un plateau isolant, relié à une machine électrostatique. En approchant une épée de l’eau, des étincelles jaillissent de la surface de l’eau. En effet, si la charge électrique accumulée est très importante, l’air n’est plus isolant, il devient conducteur. Les électrons s’écoulent des zones où ils se trouvent en excès vers celles où ils sont déficitaires. Ce déplacement de charge permet à la matière de revenir à son état de neutralité.

L’expérience d’Otto Von Guericke. « Experimenta Nova », Magdebourg, 1672 / Image améliorée par l’IA Pixelcut upscaler.

Un (douloureux) spectacle électrique

Les expériences électrostatiques deviennent spectaculaires. Les cours royales en raffolent. Celle de l’électrification de l’eau est particulièrement appréciée, le top étant d’enflammer une vasque d’alcool à l’aide d’une épée, digne des plus grands magiciens de notre époque. Les progrès dans l’expérimentation vont ouvrir la porte à une approche scientifique pour comprendre ces phénomènes électriques. L’expérience du feu qui jaillit de l’eau est un grand classique, mais elle n’est pas sans danger.

L’eau est remplacée par du métal froissé sur la partie interne de la bouteille, recouverte d’une feuille métallique sur la face extérieure. Il faut impérativement poser la bouteille sur un support isolant. Mais tout le monde ne prend pas cette précaution. Ce qui devait arriver arriva, en Hollande. En 1746, Peter Vincent Musschenbroek, professeur de physique à l’université de Leyde, se saisit du récipient d’une main et touche par erreur la tige métallique de l’autre. Le choc électrique est violent. Il croit sa dernière heure arrivée.

Convaincu qu’il vient de mettre la main sur une découverte de premier plan, il réalise ses expériences avec d’autres assistants. Le récipient rempli d’eau fut appelé bouteille de Leyde.  On développa la technique en les groupant en batterie et elles vont être très populaires dans les foires et les cours royales.

Croquis d’une bouteille de Leyde datant de 1878 / Domaine public – Wikimedia.

Des châtaignes pour tous !

Un des plus doués en la matière est un abbé, nommé Jean-Antoine Nollet. Il est le premier à répéter à Paris la merveilleuse expérience. Le public, averti par la rumeur, veut lui aussi participer à la science en marche. Pour répondre à une demande grandissante pour le « choc électrique », il a l’idée de rentabiliser l’expérience.  Il place les personnes en ligne en se donnant la main, et reliant les deux extrémités de cette chaîne à une bouteille de Leyde. Le saut instantané de la file est spectaculaire. Nollet vient d’inventer l’électrisation de groupe. On pense souvent à tort que ce n’est que le dernier de la file qui prend la décharge. Or les charges électriques doivent traverser toutes les personnes pour décharger la fameuse bouteille.

Devant Louis XV et sa cour, Nollet passe au grand spectacle avec 180 gardes royaux placés sur des briques en verre pour les isoler du sol, qui se donnent la main, en formant une Grande Boucle. La main libre du premier touche l’extérieur de la bouteille de Leyde chargée. Lorsque le dernier touche la tige en laiton qui plonge dans la bouteille, toute la compagnie saute en l’air comme un seul homme, pour le plus grand plaisir du roi.

Des expériences peu scientifiques ?

Ces expériences semblent peu scientifiques et plutôt du domaine du cirque. Toutefois, en cherchant à les améliorer, Nollet a fait un travail expérimental remarquable dans le domaine de l’électricité. Il sera d’ailleurs un des professeurs de Lavoisier.

Ces expériences très spectaculaires n’ont jamais tué personne. On peut être surpris que ce ne fut pas le cas, en sachant que la tension délivrée par une bouteille de Leyde peut dépasser 100 000 volts au début de la décharge. Par chance, la capacité de ces bouteilles était assez faible, pour que la durée de la décharge à travers le corps ne dépasse pas la dizaine de microsecondes. La vive douleur ressentie, pour une durée brève, limite l’impact sur l’activité cardiaque pour ne pas présenter de danger, sauf faiblesse.

Le terme de bouteille de Leyde va progressivement être abandonné au profit de celui de condensateur, par analogie avec la condensation de la vapeur d’eau que l’on recueille dans le fameux récipient. Il reste des termes de la bouteille de LEYDE, lorsque l’on parle de condensateur. La capacité, qui caractérise la quantité d’électricité que l’on peut mettre sur une armature, fait référence au liquide de la bouteille.

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