Illustration : Révolution Énergétique.
Les épisodes de chaleur sont de plus en plus réguliers et intenses ces dernières années et l’usage de la climatisation s’est répandu, tant dans les bâtiments à usage professionnel que dans le parc résidentiel. Mais quel est l’impact de la climatisation sur le réseau électrique français ? Ce dernier peut-il être déséquilibré en cas d’utilisation massive de la climatisation en été ?
Ces dernières années ont été marquées par de fréquents épisodes de canicule. Depuis 2018, chaque été ou presque est traversé par des phénomènes exceptionnels en matière de température. L’examen des bilans climatiques établis chaque année par Météo France le confirme :
- L’année 2018 a été la plus chaude depuis le début du XXe siècle et le pays a connu une canicule du 24 juillet au 8 août.
- L’année 2019 se positionne au troisième rang des années les plus chaudes en France depuis le début du XXe siècle avec notamment « deux vagues de chaleur d’une intensité exceptionnelle durant l’été ».
- L’été 2020 a été « exceptionnellement sec en juillet et dans le top 10 des étés les plus chauds ».
- Malgré des mois de juillet et août marqués par plusieurs refroidissements, le mois de juin s’est classé au 5ᵉ rang des mois de juin les plus chauds depuis 1900.
- L’été 2022 a été qualifié par Météo France comme « l’été de tous les extrêmes » avec trois vagues de chaleur remarquables par leur durée et leur intensité.
- L’été 2023 se classe au 4ᵉ rang des étés les plus chauds depuis 1900, ex aequo avec l’été 2018.
Plus de 800 000 climatiseurs vendus en 2020
Dans ce contexte, le recours à la climatisation se développe, pour préserver un confort de vie, que ce soit dans les lieux de travail (bureaux, magasins) ou à domicile. Selon l’agence de la transition écologique (ADEME) qui a publié une étude sur la climatisation en 2021, le taux d’équipement est passé de 14 à 25 % entre 2016 et 2020 pour les ménages. Sur l’année 2020, le nombre d’appareils de climatisation vendus a dépassé les 800 000 alors que ce chiffre était stable autour de 350 000/an jusqu’ici. Ce mouvement est porté par le développement des appareils réversibles, qui assurent le chauffage en hiver et le rafraîchissement des pièces en été. Le rafraîchissement intérieur peut également être assuré par des climatiseurs mobiles, plutôt utilisés dans les appartements de petite surface.
Mais alors, quelles sont les conséquences sur le réseau électrique, sachant que celui-ci doit en permanence être à l’équilibre en production et consommation ? Les pics de consommation qui sollicitent le réseau ont lieu principalement en hiver, pendant les périodes de grand froid. D’ailleurs, c’est pour cela que les pouvoirs publics ont multiplié les appels à la sobriété énergétique à l’approche de l’hiver 2022/2023, alors que le parc nucléaire français était à la peine, que les réserves hydrauliques étaient faibles et que la guerre en Ukraine fragilisait les importations de gaz au sein de l’Union européenne (UE).
Pour autant, l’impact de la climatisation sur le réseau électrique l’été n’est pas insignifiant. Dans son rapport précité, l’ADEME estime qu’en 2020, la consommation liée à la climatisation a atteint 4,9 TWh dans le secteur résidentiel et 10,6 TWh dans le secteur tertiaire.
Une pointe de consommation de +700 MW par degré supplémentaire en cas de canicule
Pour avoir une idée plus précise de l’impact de la climatisation sur le réseau en été, il faut se reporter aux analyses climatiques publiées par le gestionnaire de réseau RTE. Dans sa publication sur l’été 2018, RTE confirme que la climatisation et la ventilation ont un impact variable sur la consommation d’électricité. Le gestionnaire de réseaux estime alors que « lorsque la température augmente d’un degré en été, la consommation électrique augmente en moyenne de 500 MW à la pointe journalière ». Cela représente l’équivalent de la consommation instantanée de l’agglomération de Bordeaux. Pour comparer avec l’hiver, RTE précise que la consommation augmente jusqu’à + 2 400 MW par degré en moins lors d’une vague de froid en hiver. Le recours à la climatisation en été n’a donc pas un impact équivalent aux pics de consommation en hiver.
Dans sa publication sur l’été 2019, RTE précise néanmoins qu’en cas de canicule, soit plusieurs jours consécutifs avec une augmentation de 7 °C des températures par rapport aux normales de saison, la pointe de consommation estivale pourrait dépasser 60 000 MW, ce qui est très élevé pour cette période. Pour justifier son estimation, RTE rappelle qu’un pic de 57 000 MW a été enregistré le 4 juillet 2018 alors que les températures étaient supérieures de 3 °C par rapport aux températures de saison. Et les pics de consommation ne font qu’augmenter en été puisque dans une publication de juin 2021, RTE précise que le 25 juillet 2019 à 13 h, la consommation estivale a atteint son niveau historique de 59 100 MW. Le gestionnaire de réseaux réévalue alors l’impact de la climatisation sur la consommation en indiquant qu’elle peut atteindre jusqu’à + 700 MW par degré dans des conditions caniculaires. On est bien au-delà des 500 MW estimés en 2018, ce qui montre que le phénomène s’accélère. Encore une fois, cela n’a rien à voir avec les pics de consommation hivernaux qui ont atteint, par exemple, 85 000 MW au cours de l’hiver 2018/2019, selon RTE. Le record absolu s’élève à 102 098 MW, atteint durant le rigoureux hiver 2012.
La maintenance estivale des centrales nucléaires réduit les capacités de production
Le niveau et les pics de consommation sont donc incomparables en hiver et en été. Pour autant, cela ne veut pas dire que l’impact de la climatisation sur le réseau est anecdotique. En effet, les moyens de production ne sont pas identiques entre les saisons. Par exemple, notre parc nucléaire, qui assure la majorité de notre production électrique, fonctionne à plein régime l’hiver. En revanche, l’été, alors que la consommation est moindre, des arrêts de réacteurs sont systématiquement programmés pour effectuer les opérations de maintenance. Selon EDF, il est nécessaire d’arrêter un réacteur tous les 12 à 18 mois lorsqu’il fonctionne en continu. Plusieurs opérations peuvent nécessiter l’arrêt des réacteurs : le rechargement du combustible qui dure 35 jours environ, la visite partielle qui dure environ 60 jours et la visite décennale qui se déroule sur plusieurs mois. Il peut également y avoir des arrêts dus à des problèmes techniques, comme on l’a vu ces dernières années avec le phénomène de corrosion sous contrainte. Ce mois-ci, un réacteur de la centrale de Belleville-sur-Loire (Cher) sera arrêté pour recharger une partie de son combustible.
La climatisation n’est pas un danger pour le réseau électrique
Il n’est donc pas du tout anodin pour le réseau de voir les pics de consommation estivaux augmenter sous l’effet du recours grandissant à la climatisation. Néanmoins, si à l’avenir, le recours à la climatisation devient massif, cela ne présentera pas forcément un danger pour l’équilibre du réseau. Plusieurs raisons permettent d’être rassurant sur ce point. D’abord, les fabricants de climatisation progressent afin que leurs appareils soient plus économes en électricité. C’est le cas par exemple des climatiseurs réversibles fixes qui sont plus économes que les climatiseurs mobiles. Les fabricants sont encouragés dans leurs efforts. Ainsi, fin 2015, l’ADEME avait lancé un appel à projets sur la climatisation durable et le froid du futur afin « d’encourager le développement de “solutions froid” efficaces et durables ». Un autre appel à projets s’est déroulé en 2022 à propos de « l’innovation dans les systèmes énergétiques et traitement de l’air du bâtiment ».
L’information des usagers est également importante afin de réguler l’utilisation de la climatisation. L’ADEME se mobilise à ce sujet afin de communiquer sur les bonnes pratiques : ne pas s’équiper dans l’urgence et veiller au bon dimensionnement du produit, faire entretenir son matériel par un professionnel, mettre en pratique les bons gestes pour rafraîchir son logement afin de limiter le recours à la climatisation, etc. Enfin, la rénovation thermique des bâtiments devrait permettre de limiter l’utilisation de la climatisation. À ce sujet, de nombreuses aides financières mises en place par l’État existent pour inciter les propriétaires à entreprendre des travaux ayant pour but d’améliorer les qualités thermiques des bâtiments.
Pour conclure, la climatisation sollicite effectivement le réseau électrique en été, de façon non négligeable ces dernières années, en période de canicule. Toutefois, les progrès de la filière en matière d’efficacité des appareils et la rénovation des bâtiments permettent de contenir l’impact de la climatisation sur le réseau afin de préserver son équilibre.
Commentaires
Le climatiseur devient autant indispensable voir plus dans de nombreuses périodes en France a cause des températures extrêmes.
L'isolation contre la chaleur est encore plus complexe que contre le froid et les dégâts sur la santé est souvent un risque vital.
En été la fiabilité des centrales est majoré par la surchauffe et le manque d'eau de refroidissement.
La solution encore un fois ne viendra pas de l'atome.
Le solaire individuelle est un excellent moyen de stabiliser le réseaux car la production est maximale en journée fortement ensoleillée donc en pic de chaleur aussi.
Synchronisation des besoins. En été les centrales on peut les laisser sur off.
Oui 1 ou 2 petit climatiseur monosplit reversible est aujourd'hui le meilleur allié du photovoltaïque individuel, été comme demi saison, voire une bonne partie de l'hiver lorsqu'on a la chance d'habiter dans le sud sur le pourtour méditerranéen. Mais on a quand même encore un peu besoin d'électricité la nuit en été, notamment 6h-8h et 19h-22h, et là, le solaire (et aussi très souvent l'éolien) ne suffisent pas. Quelques centrales au ralenti assurent aujourd'hui ces manques. On n'a pas besoin de 100% de la puissance l'été (ce qui serait incompatible avec le débit des fleuves), sauf à tenir à alimenter nos voisins comme durant ce mois. (mais heureusement cette année la sécheresse n'est pas encore là)