Le barrage de Grand' Maison à gauche, la micro-centrale de Velaux à droite / Images : EDF, Révolution Energétique.
Si l’hydroélectricité est une énergie renouvelable essentielle, elle a un impact environnemental fort. Pour limiter ce facteur, faut-il se concentrer sur la création de très grosses centrales peu nombreuses, ou préférer la multiplication de petites centrales hydroélectriques ?
Malgré l’avènement de l’éolien et du photovoltaïque, l’hydroélectricité reste la première source d’énergie renouvelable au monde, et a généré près de 4 202 TWh en 2023, soit 51 % de la production d’électricité mondiale d’origine renouvelable. Rien qu’en France, elle constitue le deuxième moyen de production d’électricité derrière le nucléaire, avec une puissance installée d’environ 25,7 GW. Mais si elle est plébiscitée pour son faible coût de production et sa source d’énergie décarbonée, elle n’est pas exempte de tout défaut. Elle a notamment un impact environnemental fort, modifiant en profondeur les paysages et la biodiversité locale.
Ces modifications se font selon plusieurs mécanismes. D’abord, beaucoup de centrales hydroélectriques constituent une barrière souvent infranchissable pour les populations de poissons. Mais ce n’est pas tout, ces installations ont également tendance à bloquer le passage des sédiments qui peuvent alors s’accumuler en pied de barrage. Ce phénomène engendre une baisse de la capacité utile du réservoir et une hausse des lignes d’eau en amont. Cela peut augmenter le risque d’inondation en cas d’épisodes de crue sur certaines installations, et conduire à l’accumulation de substances toxiques issues des bassins versants. En aval du barrage, l’absence de sédiments peut entraîner un creusement du lit du cours d’eau ainsi qu’une érosion prématurée de ses rives. Sur les ouvrages de grande ampleur, ce phénomène peut même amplifier l’érosion du littoral. Sur certains sites, les opérations de curage des sédiments peuvent en relâcher de grandes quantités en aval, augmentant brutalement la turbidité de l’eau et nuire à la faune et flore locales.
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En réalité, difficile de répondre à une telle question, tant les critères qui entrent en jeu sont nombreux et dépendent des besoins et du site envisagé. Les petites centrales sont idéales pour alimenter une zone isolée et peuvent avoir un impact environnemental limité selon leur configuration (présence de passe à poisson, finesse du dégrillage, hauteur et largeur de la retenue, quantité d’eau déviée, type de turbine, etc.). À l’inverse, les grandes centrales ont un impact beaucoup plus élevé sur leur environnement, mais ont l’avantage d’atteindre une plus grande efficacité énergétique. C’est-à-dire qu’elles peuvent produire plus d’électricité par rapport à la quantité d’énergie générée par l’eau. Ainsi, ramené à leur immense production électrique, entre autres services rendus, les grosses centrales hydroélectriques peuvent avoir un impact moindre sur l’environnement.
Cet impact environnemental dépend d’un très grand nombre de facteurs. Ainsi, avant d’envisager de nouvelles installations, il est préférable d’optimiser les édifices existants tout en améliorant les technologies utilisées et surtout mettre en place des mesures de protection de l’environnement.
Rationaliser et optimiser les ouvrages existantes
Face à ce constat, il convient d’abord de rationaliser les ouvrages existants. En France et dans le monde, on retrouve un très grand nombre de petits barrages non utilisés qui viennent interrompre la continuité écologique. C’est pourquoi, on retrouve de plus en plus d’initiatives destinées à détruire ces barrages pour rétablir les continuités écologiques et piscicoles des cours d’eau, malgré un coût très élevé.
Un environnement transformé à jamais ?
Si supprimer un barrage permet de rétablir la continuité piscicole, une synthèse de 2005 faisant état d’une série d’études scientifiques portant sur la suppression de barrage montre que la suppression d’un barrage n’est pas la garantie d’un retour à l’environnement initial. La restauration du milieu prendrait plus ou moins longtemps en fonction des groupes d’espèces observés. Les poissons, par exemple, reviendraient rapidement tandis que les formations boisées caractéristiques des rives de cours d’eau mettraient plusieurs dizaines d’années à repeupler ces environnements transformés. Enfin, certaines espèces comme les moules d’eau douce pourraient ne pas repeupler le milieu.
Supprimer ces petits barrages et seuils constitue un enjeu écologique fort, qui limiterait l’impact environnemental des ouvrages hydroélectriques sur l’environnement. Des initiatives ont d’ailleurs été lancées en Europe et dans le monde pour accélérer la destruction de ces barrages hors d’usage. En Europe, le collectif Dam Removal Europe œuvre justement à la suppression de ces édifices. D’ailleurs, la France fait partie des bons élèves sur la question, en accélérant la destruction de ses barrages inutilisés. De 39 ouvrages supprimés en 2021, on est passé à 156 en 2023. À Ainhoa, dans le Pays-Basque, la suppression du barrage Urrutienea, haut de 5 mètres, a notamment permis le retour du saumon dans la rivière Nivelle. Néanmoins, supprimer les 150 000 barrages hors d’usage d’Europe constitue surtout un défi financier, car ce type de démolition coûte excessivement cher. Aux États-Unis, selon des chercheurs, la suppression de 668 barrages entre 1965 et 2020 aurait coûté près de 1,52 milliard de dollars.
En Isère, le projet hydroélectrique de Romanche Gavet est un parfait exemple de rationalisation des ouvrages hydroélectriques. Mené par EDF, ce projet a consisté à mettre en œuvre une centrale hydroélectrique de 97 MW équipée d’une passe à poissons. Une fois la centrale mise en service, EDF a entamé la destruction des 5 barrages que la centrale venait remplacer, permettant d’assurer une bien meilleure continuité piscicole sur la rivière Romanche tout en assurant une production électrique 40 % supérieure aux anciennes installations.
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Outre cette rationalisation, des modes opératoires et des équipements peuvent être mis en place pour limiter ces impacts. À titre d’exemple, sur le Rhône, des opérations de gestion sédimentaire sont régulièrement réalisées pour éviter l’accumulation des sédiments en pied de barrage. Elles nécessitent d’ailleurs une coordination de l’ensemble des ouvrages présents sur le fleuve pour augmenter la vitesse d’écoulement des eaux, et ainsi permettre le déplacement de ces sédiments.
Pour préserver la faune, depuis plusieurs dizaines d’années, des systèmes, appelés passe à poissons ou échelles à poissons, sont également mis en place pour permettre aux poissons de franchir les barrages. Ces systèmes sont de plus en plus perfectionnés, et permettent parfois le comptage, et donc la surveillance des poissons. Lorsque les ouvrages sont trop imposants, il existe aussi des systèmes d’ascenseurs à poissons. Pour des ouvrages de taille plus modeste, des sociétés travaillent à la mise au point de turbines moins dangereuses pour les poissons. C’est le cas de Natel Energy qui a créé une turbine RHT, permettant la survie de 98,2 % des poissons qui la traversent.
Commentaires
Voilà bien une interrogation bien franchouillarde, opposer des moyens de production complémentaires ! Nous avons besoin de mix énergétiques et non de solutions uniques .
Pour rajouter au sujet, en se basant sur une longue expérience personnelle en Algérie ou une grande partie des oueds sont à secs une grande partie de l'année (donc une Biodiversité faible !), il faut aussi prendre en compte l'impact positif de certains barrages dans le maintien des étiages des fleuves et de beaucoup de rivières durant l'été...
En France on va tendre vers un climat méditerranéen marqué, donc le risque d'avoir moultes rivières et fleuves quasi à sec certains étés (on y est déjà dans certains coins !). Des barrages avec des réserves d'eau maintenues pour des étiages minimums en été sont une solution à envisager et pour de petits cours d'eau de petits barrages maintiennent des "zones humides" certes anthropisées (sorte de refuge) si les étiages s'effondrent... (on a supprimé tant de zones humides en France qu'en remettre va devenir une nécessité pour la biodiversité ! Et certains barrages y contribuent... mais ont d'autres défauts par ailleurs...)
Un vaste programme de petites à moyennes STEP partout en France, pourrait faire du bien (mais aussi du mal sur certains aspects - il ne faut pas être manichéen !) à certains cours d'eau avec des ajouts de "zones humides" donc de biodiversité... C'est un choix mais ne rien faire ne changera PAS rien tant les évolutions à venir vont être importantes (et le sont déjà !!!)...
Avec le changement climatique en cours, nos environnements vont changer "à jamais"...
De plus ils ont toujours changé par le passé... Il y a quelques milliers d'années l'environnement de la France "géographique" était extrêmement différent en période glaciaire... Et depuis des milliers d'années les hommes le modifient abondamment (déboisement notamment...).
L'environnement est en évolution permanente... Pour Revenir à un environnement initial !??? Il faut se fixer des référentiels (mais ceux-ci bougent et vont bouger de plus en plus...).
Que l'on protège un maximum de biodiversité a du sens. Qu'on se fixe des mythes "locaux" sur la biodiversité n'en a pas... Le "CO2" va faire des perturbations colossales sur nos environnements et cela se voit de plus en plus...
Par contre sans eau douce, il y a peu de vies terrestres et peu de biodiversité !!! (Par contre on sait de plus en plus réintroduire de la biodiversité de toutes tailles dans certaines zones... Certains bassins de vieux barrages et des anciens canaux sont devenus des réservoirs de biodiversité !!!)