Éoliennes et métaux rares : rumeurs et réalités


Éoliennes et métaux rares : rumeurs et réalités

Dans certains médias et sur les réseaux sociaux, l’empreinte écologique des énergies renouvelables est parfois montrée du doigt. Les éoliennes, notamment, sont régulièrement accusées d’utiliser des « terres rares », lesquelles seraient produites en Chine par des procédés très polluants pour le sol et l’eau. Ces rumeurs sont-elles fondées ? Qu’en est-il en réalité ?

La publication par Guillaume Pitron du livre « La guerre des métaux rares » a été à l’origine d’une polémique largement médiatisée reprochant aux technologies vertes, utilisées pour la production d’énergies renouvelables ou de véhicules électriques, de consommer de grandes quantités de ressources stratégiques extraites par des procédés polluants. Dans un article publié sur le site automobile-propre.com j’avais déjà démontré que le procès fait aux véhicules électriques, accusés pour leur emploi de terres rares, était complètement déraisonnable. En résumé, les « terres rares » sont le nom scientifique d’une famille de métaux qui ne sont pas rares du tout : les réserves mondiales sont importantes, bien réparties dans les 5 continents et aucune pénurie n’est à craindre avant plusieurs centaines d’années. Si la Chine détient une part majoritaire de la production mondiale, c’est uniquement parce qu’elle pratique un dumping des prix. Mais la croissance de la demande a amorcé un renversement de la tendance et de nombreuses nouvelles mines s’ouvrent aux 4 coins de la planète. Dans ce même article, j’ai pu rétablir une autre vérité : les batteries des véhicules électriques actuellement sur le marché ne recèlent pas de terres rares. Certains modèles en contiennent dans leurs moteurs électriques mais ce n’est pas une nécessité, ils pourraient très bien s’en passer. En d’autres termes, l’avenir et le développement de la mobilité électrique ne dépend nullement de l’exploitation de terres rares.

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Et dans les éoliennes ?

Qu’en est-il alors des éoliennes régulièrement incriminées, elles aussi, pour leur emploi de terres rares ?

Il est exact que quelques constructeurs de turbines en utilisent (le néodyme en particulier) pour la fabrication des aimants permanents qui équipent certains modèles de génératrices. Mais d’autres constructeurs comme par exemple Enercon – le 3e au monde en termes de part de marché – Senvion ou Nordex – deux des plus importants fabricants d’éoliennes en Europe – n’utilisent pas d’aimants permanents et donc pas de terres rares. Selon le Syndicat des Énergies Renouvelables (SER), la technologie des génératrices à aimants permanents qui fait appel aux terres rares n’est présente que dans moins de 10 % du parc éolien français. Même constat en Belgique ou l’Association pour la promotion des énergies renouvelables (APERe) a également répertorié moins de 10 % d’éoliennes contenant des aimants permanents dans lesquels sont incorporées des terres rares.

En fait, c’est surtout dans l’éolien offshore que des aimants permanents sont utilisés, essentiellement pour des raisons de poids réduit et de compacité des génératrices mais aussi d’efficacité et de facilité des entretiens. Toutefois il est clair et certain qu’il est tout-à-fait possible de concevoir des éoliennes sans terres rares, il s’agit uniquement d’une question de choix technologique du constructeur. Accuser les éoliennes et plus généralement les technologies vertes de dépendance aux métaux rares, de pillage des ressources ou de pollution des sols et des nappes aquifères en Chine, est dès lors tout aussi absurde que d’accuser les chemins de fer français d’être responsables de la production de déchets radioactifs parce qu’ils seraient majoritairement alimentés en électricité par des centrales nucléaires.

Recherche et développement

Par ailleurs, l’industrie éolienne consacre d’importants efforts de recherche et de développement en vue de mettre au point des technologies de génératrices pour éoliennes qui rendraient inutiles l’utilisation de terres rares dans les aimants permanents. En Europe comme en Amérique, des développements misent sur l’utilisation de matériaux supraconducteurs à haute température critique (comme les cuprates) pour produire des champs magnétiques puissants sans aimants permanents, ce qui permet de gagner en compacité. L’entreprise britannique GreenSpur Renewables annonce avoir substitué les terres rares par de la ferrite dans les aimants permanents qui équipent les génératrices d’éoliennes de 3 et 6 MW. Et aux Etats-Unis, des projets portés par ABB et WEG Energy Corporation bénéficient de subsides alloués par le Département de l’Energie (DOE) pour mettre au point des génératrices pour éoliennes puissantes plus légères et compactes, sans terres rares. Tout ceci nous permet de comprendre que, comme pour la mobilité électrique, l’avenir de l’énergie éolienne ne dépend nullement de l’exploitation de terres rares. D’éventuelles pénuries de certaines ressources ne compromettront pas son développement.

Bilan carbone très bénéfique

Alors, polluantes les éoliennes ? En 2015, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) a calculé les émissions de gaz à effet de serre des éoliennes, sur l’ensemble de leur cycle de vie (depuis l’extraction des matières premières jusqu’à leur fin de vie). Un kilowattheure produit par une éolienne terrestre émet 12,7 grammes de CO2eq. Cela correspond à l’estimation faite par le GIEC qui est de 11 g/kWh. Pour une éolienne offshore, c’est 14,8 grammes. Par rapport aux émissions du mix électrique français, largement nucléarisé, estimées à 79 g CO2eq/kWh, c’est très peu. Une éolienne terrestre produit en un an assez d’énergie pour compenser celle qui a été nécessaire à sa fabrication. Une éolienne offshore le fait en 14 mois. Pour rappel, la durée de vie d’une éolienne actuelle est d’environ 30 ans. Ensuite elles sont démantelées et plus de 90 % des matériaux qui les constituent sont recyclés, comme expliqué dans cet article.

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