Du combustible utilisé par la centrale à biomasse de Landesbergen en Allemagne / Image : Statkraft.
La biomasse pourrait avoir un rôle majeur dans notre transition énergétique. Mais de quoi s’agit-il au juste ? Comment fonctionnent les centrales à biomasse et que brûlent-elles réellement ? La biomasse va-t-elle raser nos forêts ? Voici quelques réponses.
Il y a environ 400 000 ans, quelques-uns de nos ancêtres, abrités dans une caverne de Menez Dregan, dans le Finistère, utilisaient un silex et un nodule ferreux pour allumer un feu afin de se réchauffer. Sans le savoir, ils faisaient alors partie des premiers êtres humains à utiliser la biomasse. Ce principe qui consiste à utiliser la matière organique, végétale ou animale, pour produire de l’énergie est toujours au cœur de notre quotidien. Néanmoins, les moyens de production et les usages ont bien changé.
La biomasse représente aujourd’hui 5,7 % du mix énergétique primaire de la France, ce qui en fait la première source d’énergie renouvelable devant l’hydraulique (2,4 %) et l’éolien (1,6 %). Elle a d’ailleurs pour avantage non négligeable d’être entièrement pilotable et facilement stockable, contrairement au solaire et à l’éolien. Si elle reste très loin du pétrole (28,1 %) et du nucléaire (40 %), elle pourrait devenir un élément crucial de notre transition énergétique, mais comporte malgré tout des limites.
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Si la production d’énergie à partir de biomasse peut prendre des formes bien différentes (du barbecue à la puissance centrale électrique en passant par le poêle domestique), nous allons ici nous intéresser aux moyens de production d’énergie à l’échelle d’une industrie ou d’une collectivité. Les centrales à biomasse fonctionnent toujours sur le même principe : brûler de la matière organique pour générer de la chaleur, ensuite utilisée pour chauffer de l’eau. Celle-ci est exploitée pour :
- Alimenter un réseau d’eau chaude pour chauffer des bâtiments (réseau de chaleur urbain) ou un site industriel.
- Faire tourner une turbine (grâce à la génération de vapeur), elle-même reliée à un alternateur pour produire de l’électricité.
Certaines centrales biomasse peuvent faire les deux simultanément. C’est ce que l’on appelle la cogénération.
Il existe plusieurs types de centrales à biomasse, en fonction du type de matière première utilisée. La biomasse « solide » est la plus répandue, représentant en France 132 TWh de production d’énergie annuelle. Elle consiste à réaliser une combustion directe à partir du bois issu de la filière sylvicole qui n’a pas pu être valorisé en bois d’œuvre. Des déchets industriels composés de bois peuvent également être utilisés dans ce type d’installation, ils sont appelés « combustibles solides de récupération » (CSR). Son fonctionnement est simple : le bois est apporté sur site, puis finement broyé et stocké dans un silo dédié. Il est ensuite acheminé jusqu’à la chambre de combustion en fonction des besoins. L’immense majorité des centrales biomasse solides sont utilisées pour la production de chaleur. Sur les 132 TWh de production annuelle, seuls 11 TWh sont utilisés pour produire de l’électricité.
À lire aussi Les 3 centrales à biomasse les plus puissantes du mondeLa biomasse « humide » consiste, elle, à utiliser des matières issues de l’agriculture et des déchets ménagers. Comme elles ne peuvent pas être directement brûlées, elles sont stockées dans un grand local hermétique à une température d’environ 40 °C : le biodigesteur. Pendant plusieurs dizaines de jours, elles vont y fermenter. Des bactéries vont procéder à leur décomposition, produisant ainsi du méthane et du CO₂. Ce méthane est récupéré et peut être utilisé de différentes manières : soit il est utilisé comme combustible pour faire fonctionner une centrale, et ainsi produire de la chaleur et/ou de l’électricité, soit il peut être utilisé comme biocarburant. Enfin, il peut également être directement injecté au réseau de gaz de ville.
Depuis le milieu des années 2010, cette dernière solution connaît un succès croissant et représentait, en 2021, 36 % de l’énergie produite à partir de cette technique. À l’issue du processus de méthanisation, le digestat, composé de toutes les matières qui n’ont pas pu être transformées en gaz, dont l’azote et la potasse, est utilisé par les agriculteurs pour fertiliser les sols.
Enfin, la pyrogazéification est la troisième méthode permettant la valorisation des déchets organiques. Elle consiste à faire fortement monter en température (entre 800 °C et 1 500 °C) de la biomasse solide en l’absence quasi-totale d’oxygène. Suite à ce processus, on obtient du syngas (pour gaz de synthèse) pouvant être réinjecté dans le réseau gaz, ou utilisé en tant que carburant.
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L’énergie obtenue à partir de la biomasse peut être utilisée de différentes manières, mais c’est la production de chaleur qui permet d’avoir la plus grande efficacité. C’est pourquoi, le développement des réseaux de chaleur urbains est un atout considérable pour optimiser cette chaleur. Un réseau de chaleur est une installation centralisée distribuant de l’eau chaude produite par une chaufferie à plusieurs utilisateurs. L’eau est distribuée au moyen d’un vaste réseau enterré et isolé. En France, on compte 480 réseaux de chaleur pour un total de 3 800 km de canalisations.
À Nantes, par exemple, le réseau de chaleur Centre-Loire, géré par l’entreprise Erena, fait 85 km de long et alimente près de 20 000 logements et 190 équipements publics. Il est alimenté par deux chaufferies utilisant à la fois la biomasse (bois naturel), le gaz fossile et l’incinération de déchets non valorisables. D’autres réseaux, comme celui de Narbonne, allient une chaudière biomasse à une centrale solaire thermique.
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Dans le cadre d’une utilisation raisonnée, la biomasse, même si elle entraîne des émissions de CO₂ dans l’air, est une énergie renouvelable. En effet, la libération de CO₂ qui a lieu lors de la combustion fait partie d’un cycle court : durant sa vie, la matière végétale absorbe du CO₂ présent dans l’air. Lors de la combustion, ce CO₂ retourne simplement dans l’atmosphère, d’où il a été puisé. Cette méthode a néanmoins une limite : tout le CO₂ émis pour l’entretien, la récolte et le transport de cette matière organique n’entre pas dans ce cycle. Et celui-ci est majoritairement d’origine fossile.
De plus, il est primordial de veiller à un parfait équilibre entre production et combustion des végétaux. Si la biomasse est brûlée plus rapidement que celle qui est régénérée, ou que les végétaux replantés n’ont pas la même vitesse de croissance ni la même capacité d’absorption de CO₂, la filière n’est plus vertueuse : elle ajoute davantage de CO₂ qu’il y en avait auparavant.
La biomasse est particulièrement adaptée pour traiter les déchets organiques issus de la sylviculture ou de l’agriculture. Il peut s’agir de grumes de bois inaptes à la transformation en bois d’œuvre, de paille de blé, de résidus de betteraves à sucre ou encore de paille d’orge. Mais elle peut vite devenir néfaste pour l’environnement. Si, par exemple, des parcelles de forêts dédiées à la biomasse ne sont pas correctement proportionnées, la matière végétale n’aura pas le temps de se renouveler, conduisant à une déforestation catastrophique pour la biodiversité. L’utilisation des terres agricoles pour la biomasse peut également poser un problème si celle-ci se fait au détriment de l’agriculture destinée à l’alimentation.
Pour finir, la biomasse solide génère des particules fines potentiellement dangereuses pour la santé. Mais la majorité de ces émissions proviennent des appareils de chauffage domestiques tels que les cheminées et poêles d’ancienne génération. Grâce à des filtres au niveau de l’évacuation des fumées et d’une optimisation de la combustion, les émissions des centrales biomasse récentes restent en dessous des seuils réglementaires en vigueur. Selon l’ADEME, dans un rapport de 2013, seul 2 % des émissions de particules fines (PM 2,5) ont été générées par des chaudières biomasse collectives et industrielles.
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Aujourd’hui, la cogénération est le meilleur moyen d’optimiser la production d’énergie issue de la biomasse. Elle consiste le plus généralement à produire de la chaleur pour alimenter un réseau de chauffage ou d’eau chaude sanitaire, mais aussi de l’électricité. Certaines entreprises ont décidé d’aller plus loin et de produire du froid à partir de cette biomasse !
C’est notamment le cas de la centrale trigénération de Port Marianne, dans la ville de Montpellier. Celle-ci fonctionne comme une centrale biomasse cogénération classique produisant de la chaleur et de l’électricité. Mais la différence se situe au niveau du réseau de chaleur qui lui est associé. En effet, quelques-uns des bâtiments desservis ont été équipés d’absorbeurs de chaleur, des appareils au fonctionnement similaire à celui d’une pompe à chaleur, qui sont capables de créer du froid à partir de la chaleur du réseau. Une solution qui pourrait bien se développer pour pallier une météo de plus en plus chaude d’une manière vertueuse.
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Commentaire
Merci pour cet article! En effet la neutralité carbone de cette solution n'est atteignable que dans des conditions bien spécifiques, et on voit bien que cette ambiguïté peut être exploitée par des énergéticiens peu scrupuleux comme l'a montré le scandale de Drax au Royaume-Uni (voir https://www.bbc.com/news/av/science-environment-63123774). Découper une forêt primaire au Canada pour en faire des pellets, et les transporter jusqu'au Royaume-Uni pour les brûler pour produire de l'électricité (je n'ai pas fait le calcul mais le retour sur investissement énergétique doit être extrêmement négatif), l'exercice étant rendu rentable par les subventions dédiées aux énergies renouvelables, on est dans une situation ubuesque.
Y'a-t-il des solutions réglementaires en France pour éviter ce genre d'abus?