Stocker l’électricité dans un liquide, c’est possible ? Tout à fait, et c’est ce que permet la technologie des batteries à flux rédox. Des développements sont lancés dans toutes les régions du monde, des batteries géantes sont d’ores et déjà construites. Plongeons-nous dans leur fonctionnement.

Les batteries à flux rédox reposent sur le même principe de stockage de l’électricité que les batteries plus courantes, comme les batteries Lithium-ion, qui équipent nos téléphones ou les véhicules électriques : l’énergie est en effet stockée sous forme électrochimique, c’est-à-dire que l’énergie se retrouve dans les liaisons chimiques de molécules qui la composent.

Toutefois, dans le cas des batteries à flux, la conception diffère radicalement, puisque la totalité de l’énergie est stockée dans l’électrolyte, plutôt que dans les électrodes comme par exemple pour les batteries Li-ion. C’est pour cela qu’on parle de « stockage liquide » d’électricité. Cette caractéristique présente un avantage significatif : l’électrolyte peut être stocké à part du lieu où se produit la réaction, ce qui permet de moduler la capacité de stockage avec une grande liberté, et cette modularité est réalisable, en principe, avec un faible coût. Comment ces batteries fonctionnent-elles ?

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Deux électrolytes mis en circulation entre deux réservoirs

Au cœur d’un accumulateur redox se trouve un réacteur. Ce dernier est divisé en deux compartiments, contenant chacun une électrode plongée dans une électrolyte. Les deux compartiments sont séparés par une membrane dite « échangeuse de protons », qui va permettre, comme son nom l’indique, aux protons H+ de passer d’un compartiment à l’autre. Les deux électrolytes, quant à eux, vont être mis en circulation par des pompes et passer par des réservoirs séparés, lesquels peuvent être en théorie arbitrairement grands.

Les espèces chimiques dans les électrolytes peuvent être de différentes nature, et basés sur une grande variété d’espèces et de composés chimiques : vanadium, plomb, fer ou encore des composés organiques, voire même l’uranium ! Le choix de ces espèces est bien entendu crucial pour ses performances et son bon fonctionnement. Nous allons présenter ici le fonctionnement de l’accumulateur à flux le plus connu, basé sur l’élément vanadium.

Dans ce dernier concept, le compartiment dit « positif » contient un électrolyte où sont dissous des ions d’oxyde de vanadium VO2+ et VO22+ tandis que le compartiment dit “négatif” contient un autre électrolyte où sont dissous des ions de vanadium à l’état métallique V2+ et V3+. Le niveau d’oxydation de ces espèces est différent, à savoir +2 pour le V2+, +3 pour le V3+, +4 pour le VO2+ et +5 pour le VO2+. Ces composés du vanadium sont dissous dans un composé chimique très acide, typiquement une solution aqueuse d’acide sulfurique H2SO4, dont les composants se dissocient dans l’eau pour former des ions hydronium H+ et des ion sulfate SO42+.

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Des réactions symétriques dans chaque compartiment

Principe de fonctionnement d’une batterie à flux Vanadium / Image : Révolution Énergétique

Au cours de la décharge, l’accumulateur produit de l’énergie, les réactions sont donc spontanées, et peuvent se produire dès lors que l’électrode positive et l’électrode négative sont reliées par un circuit électrique externe, qui est celui-là même où se trouvent les appareils à alimenter en électricité. Dans le compartiment négatif, l’ion V2+ est oxydé en ion V3+ et cède un électron. Cet électron circule par le circuit externe jusqu’à l’électrode positive, où il va être absorbé par le VO2+, qui va être réduit en VO2+. L’oxygène libéré par cette réaction se combine ensuite avec les ions H+ de l’électrolyte pour former de l’eau. La circulation du proton H+ au travers de la membrane permet de fermer le circuit électrique et au courant de circuler.

Au cours de la charge, dans le compartiment positif, des électrons sont extraits du VO2+, qui va être oxydé en VO2+. Ce faisant, l’eau est dissociée et forme des ions H+. Les électrons vont circuler au travers du circuit externe jusqu’au compartiment négatif, où ils vont servir à réduire le V3+ en V2+. La circulation du proton H+ au travers de la membrane assure la circulation du courant à l’intérieur de la batterie, fermant ainsi le circuit électrique.

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Des premières réalisations concrètes à l’échelle industrielle

L’invention des batteries à flux remonte à 1930, mais ses développement sont très récents, notamment du fait de l’effort de recherche de Maria Skyllas-Kazacos et ses collaborateurs à l’université de Nouvelle-Galles du Sud, en Australie, qui ont déposé un brevet en 1989.

Vue aérienne de la batterie de Dalian / Image : Académie des Sciences de Chine

Plus récemment, la batterie de Dalian a été mise en service en octobre 2022. Elle est située dans la principale cité portuaire de la province du Lianing dans le Nord de la Chine et frontière historique avec la Mandchourie. Son nom complet est la Dalian Flow Battery Energy Storage Peak Shaving Power Station, que l’on pourrait traduire par « station de lissage des pics par stockage de l’énergie avec une batterie à flux rédox ». Son nom est certes un peu long, mais il est explicite quant à sa fonction : lisser les pics de consommation, ce qui permet en particulier notamment de faciliter l’intégration dans le réseau de sources d’énergie renouvelables intermittentes, comme les énergies solaires ou éoliennes.

La puissance de la batterie est de 100 MW et sa capacité de 400 MWh, soit 4 h de stockage d’énergie. Ces caractéristiques sont celles lors du démarrage de l’installation, mais elles sont extensibles à une puissance de 200 MW et une capacité de 800 MWh.

En France, nous pouvons citer la start-up Kemiwatt, qui a fait fonctionner la première batterie à flux redox organique mondiale, en 2016, et mise en service un démonstrateur industriel de 20 kW en 2017.

Démonstrateur de 20 kW de la société Kemiwatt / Image : Kemiwatt