La Suisse envisage de relancer le nucléaire, sept ans après la décision de sortir progressivement de cette source d’énergie.

En 2017, les Suisses avaient voté à 58 % en faveur de cette transition, influencés par la catastrophe de Fukushima. Mais aujourd’hui, selon le ministre suisse de l’Énergie, Albert Rösti, la situation a « radicalement changé », en raison des tensions géopolitiques et de la crise énergétique. En août 2024, le Conseil fédéral suisse a donc proposé d’ouvrir de nouveau le débat sur le nucléaire, souhaitant faire preuve de « pragmatisme énergétique » dans un contexte de demande croissante en électricité.

Pour les partisans de ce retour, la démarche suisse témoigne d’un nécessaire pragmatisme. Selon le journal centre-gauche suisse Le Temps, rouvrir la porte au nucléaire est « une bonne décision de principe », qui pourrait permettre au pays de renforcer son indépendance énergétique. La même source insiste néanmoins sur le fait qu’il ne s’agit pas de revenir à une dépendance excessive envers le nucléaire, mais plutôt de maintenir cette énergie en tant qu’« option de repli. » La Neue Zürcher Zeitung souligne que ce pragmatisme s’explique par des circonstances « inimaginables il y a peu », avec des défis énergétiques exacerbés par le conflit ukrainien.

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Une opposition remontée

Si l’argument de l’indépendance énergétique trouve écho, la question nucléaire reste fortement controversée en Suisse. Le débat est décrit comme « émotionnel et clivant » par Romain Clivaz, éditorialiste au Temps. Ce dernier reconnaît le « courage politique » du gouvernement de réengager cette discussion. Cependant, les opposants estiment que cela constitue un retour en arrière dangereux. Mario Stäuble, du Tages-Anzeiger, parle même de « gâchis d’énergie politique », affirmant que les efforts du gouvernement seraient mieux employés dans le développement des énergies renouvelables, qui bénéficient d’un soutien populaire plus large.

Une option temporaire ou un tournant durable ?

Albert Rösti, qui défend cette révision législative, insiste sur la nécessité d’anticiper un avenir incertain : « on ne dit pas qu’il y aura une nouvelle centrale dans dix ans, mais il faut laisser la porte ouverte », déclarait-il en août dernier, rappelant que la dépendance au gaz, un temps envisagée pour pallier l’intermittence du renouvelable, est devenue « impensable » pour atteindre la neutralité carbone. Pour rappel, la moitié de l’électricité helvète provient des barrages et le tiers des trois centrales nucléaires (vieilles de plus de 50 ans).

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Les doutes sur la faisabilité

Malgré ces arguments, les obstacles restent nombreux. D’une part, construire une nouvelle centrale exigerait de lourds investissements, souvent risqués. De plus, les entreprises suisses se montrent réticentes à financer ces projets coûteux. Comme le rapporte la SRF, « aucun producteur d’électricité suisse n’envisage sérieusement de construire une nouvelle centrale ». L’énergie atomique ne représente pas une solution immédiate aux tensions actuelles sur le marché, alors que les besoins en énergie augmentent, portés par une population en croissance.

De surcroît, la question de la gestion des déchets radioactifs et de la sécurité des installations inquiète. « Il suffirait d’un accident ailleurs dans le monde pour relancer les oppositions au nucléaire », met en garde le Tages-Anzeiger.