En matière de transition énergétique, la Suède est une des bonnes élèves de la classe européenne. Toutefois, à la faveur d’un changement de gouvernement en octobre 2022, sa politique en matière de nucléaire est en train de changer du tout au tout. Et ce n’est pas la première fois. Quel impact cela va-t-il avoir sur son mix énergétique ?
Le mix électrique suédois est dominé par l’hydroélectricité et le nucléaire. Depuis plusieurs années, la Suède mise également sur l’énergie éolienne pour poursuivre son objectif : atteindre un mix 100 % renouvelable d’ici 2040. S’agissant du nucléaire, la Suède est dotée de 6 réacteurs en fonctionnement, installés au sein de 3 centrales. Elle en comptait davantage autrefois, mais certains ont été arrêtés à partir de 1999, à la suite d’un referendum qui s’est déroulé en 1980. La population s’était alors exprimée majoritairement en faveur de l’abandon progressif du nucléaire.
Mais en 2010, premier revirement. La coalition de centre-droite qui arrive au pouvoir permet d’envisager de nouveaux projets en matière de nucléaire. Les conditions sont toutefois très strictes puisque les nouvelles installations ne peuvent être envisagées que sur les sites abritant déjà une centrale et aucune subvention publique ne peut être allouée aux projets. Cela a forcément limité les possibilités et aucun projet n’a alors émergé. Puis, à la faveur d’un nouveau changement de gouvernement en 2014, la sortie du nucléaire est redevenue l’option privilégiée.
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Retournement de situation en 2023. Le gouvernement suédois vient d’annoncer la reprise de son programme nucléaire avec la nécessité de construire 10 nouveaux réacteurs d’ici 2045. En réalité, ce revirement date de 2022, à l’occasion du dernier changement de gouvernement. La nouvelle coalition de centre-droit a annoncé dans l’accord de Tidö que l’ambition du pays était d’atteindre un mix énergétique 100 % sans énergie fossile et non plus 100 % renouvelable. Le nucléaire y trouve alors toute sa place.
En septembre 2023, le gouvernement a décidé de soumettre au Parlement une proposition de loi visant à modifier plusieurs règles en matière de nucléaire. Il s’agirait de revenir sur la limite existante de 10 réacteurs nucléaires maximum en exploitation et d’autoriser la construction de nouveaux réacteurs sur d’autres sites que ceux existants.
Une feuille de route pour l’énergie nucléaire
Le gouvernement a également présenté une feuille de route pour l’avenir de la filière nucléaire en Suède. Ce document prévoit de désigner un coordinateur de l’énergie nucléaire dont la charge serait notamment de faciliter le développement du secteur. En outre, le gouvernement propose que l’État partage les risques en la matière. Cela pourra passer par l’octroi de prêts par exemple. Enfin, concernant le nombre exact de réacteurs à construire, le chiffre reste provisoire et dépendra des besoins dans le pays. Selon Ebba Busch, vice-premier ministre et ministre de l’Énergie, « la Suède jette les bases pour redevenir un pays leader en matière d’énergie nucléaire ».
À lire aussi Le nucléaire reconnu « technologie verte » par le Parlement européen, ça change quoi ?Cette décision fait suite à l’électrification massive des usages qui devrait conduire à doubler le niveau de demande électrique actuelle pour atteindre 300 TWh en 2045. Pour répondre à la demande, le pays scandinave entend donc s’appuyer sur l’atome.
Par ailleurs, le pays a été épinglé par sa Cour des comptes le mois dernier. L’instance a analysé la politique énergétique suédoise depuis 22 ans en soulignant que les gouvernements avaient manqué d’anticipation et avaient fragilisé l’approvisionnement énergétique du pays à cause d’une fiscalité inadaptée. La décision du gouvernement suédois de relancer la filière du nucléaire constitue donc une réponse à ce rapport.
Division au sein de l’Union européenne sur la question du nucléaire
Rappelons que sur la scène européenne, la Suède n’est pas le seul pays à miser sur l’atome pour atteindre ses objectifs climatiques. La France a également annoncé la construction de 6 nouveaux EPR d’ici 2050 et une loi d’accélération du nucléaire a été promulguée le 22 juin 2023. La Finlande, la Slovaquie ou encore la Hongrie envisagent également de s’appuyer sur le nucléaire dans les années à venir. Et la Belgique a décidé de prolonger l’activité de deux réacteurs pour une durée de 10 ans alors que leur arrêt était programmé pour 2025. À l’inverse, l’Allemagne a fermé ses trois derniers réacteurs au printemps 2023.
ce revirement ne serait-il pas lie a la baisse de consommation du gaz russe ? dans un contexte scandinave de forte dependance au gaz russe.