Que deviennent les panneaux photovoltaïques en fin de vie ? Ils ne sont ni mis en décharge, ni jetés à la poubelle ordinaire, mais plutôt recyclés dans des usines spécialisées. Nous avons visité un site de recyclage français, qui utilise une technologie unique au monde pour récupérer au mieux les matériaux contenus dans les panneaux.
Lorsqu’un panneau photovoltaïque est endommagé, totalement détruit ou simplement jugé trop vieux, il est systématiquement pris en charge dans une filière de traitement spécialisé. En dehors d’un acte malveillant, il n’y a pas de raison d’en trouver jetés en pleine nature.
L’enlèvement à domicile de panneaux photovoltaïques usés est en effet gratuit, que l’on soit particulier ou professionnel, à partir de 40 unités. En dessous, il est obligatoire de les déposer dans l’un des 230 points d’apport volontaire présents en France. La procédure est simple, il suffit de contacter « Soren », qui est l’unique organisme chargé de coordonner, organiser et financer le traitement des panneaux solaires dans l’hexagone.
Le délaminage en alternative au broyage
Mais, une fois démontés, que deviennent-ils ? Les modules sont expédiés dans un des cinq sites de traitement sur le territoire national. Parmi eux, l’usine Envie2E Aquitaine, qui a lancé son activité très récemment, en septembre 2022. Le site est le seul au monde à démanteler les panneaux par « délaminage », une technique qui permet de séparer les composants plus proprement qu’avec le traditionnel broyage.
Nous avons visité l’usine, située à Saint-Loubès (Gironde), dans la banlieue nord de Bordeaux. Un emplacement idéal, la région étant de loin la mieux pourvue en installations photovoltaïques. Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, le site ne reçoit pas seulement des panneaux solaires réellement usés.
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Dans la zone de réception, rares sont les très vieux modèles âgés de 20 à 30 ans. La plupart des panneaux mis au rebut semblent assez récents, mais ont visiblement subi un sinistre. Pour des raisons pas toujours très claires, il arrive aussi que des panneaux parfaitement fonctionnels parviennent dans les filières de fin de vie. C’est la raison pour laquelle l’usine Envie2E Aquitaine a développé une ligne de « seconde vie », en parallèle du démantèlement.
Frustré à l’idée de démembrer des panneaux en état de marche, Frédéric Seguin, directeur du site et guide de notre visite, préfère les remettre en circulation après une batterie de tests. Mais, comment diriger chaque panneau vers le mode de traitement le plus vertueux et le mieux adapté à son état ?
Le traitement des panneaux cassés
D’abord, le panneau est inspecté visuellement. S’il est entièrement cassé, il est dirigé vers une « décadreuse », une machine qui décolle simplement le cadre en aluminium des panneaux. L’aluminium est revendu à des recycleurs par Envie2E, à un prix variable selon la présence ou non d’autres matériaux. Une vis en acier ou une trace de silicone suffit à dévaloriser le lot, explique Frédéric Seguin, quoi doit parfois affecter un salarié au retrait manuel de ces intrus.
Le reste est expédié tel quel dans d’autres usines, où il est broyé. Les matériaux (verre, silicium, métaux, plastiques) contenus dans la poudre sont ensuite séparés pour être recyclés, mais avec plus de pertes qu’avec la technique du délaminage, spécialité de la maison.
Réception des panneaux solaires en fin de vie. Benne contenant les cadres en aluminium des panneaux avant expédition vers un recycleur spécialisé. / Images : RE-HL.
Le traitement par délaminage
L’usine Envie2E s’est équipé d’une machine unique au monde, un prototype de « délamineuse » spécialement conçue pour traiter des panneaux photovoltaïques. Acheté 2 millions d’euros, l’engin conçu et fabriqué au Japon a été déployé à Saint-Loubès en raison du volume de panneaux traités. Il n’y aurait pas suffisamment de modules usés au Japon pour terminer les réglages de la machine, assure Frédéric Seguin.
Son usine doit donc parfois essuyer les plâtres. Il faut dire que la délamineuse opère avec une précision de l’ordre du dixième de millimètre. Elle réalise une tâche particulièrement délicate : scalper les panneaux afin de séparer le verre (70 % du poids d’un panneau) de la couche de polymères qui contient les cellules en argent et silicium.
À lire aussi Des chercheurs allemands ont développé un procédé de recyclage du silicium des modules solaires usagésPour cela, la délamineuse plaque les panneaux contre une lame de rasoir géante chauffée à 300 °C par une résistance électrique. Il en sort un rouleau totalement souple de polymères et cellules d’un côté et une plaque de verre parfaitement propre de l’autre.
Le verre est expédié chez un verrier, aujourd’hui Saint-Gobain, afin de réaliser du « verre plat ». Il ne pourra pas être réutilisé pour fabrique du verre alimentaire, car il contient de l’antimoine, un minéral toxique utilisé pour ajuster l’opacité du panneau.
Le rouleau de polymères est quant à lui envoyé chez un recycleur spécialisé : RoSi Solar (Return of silicon). Basée à Grenoble, la société récupère ensuite les éléments contenus dans le mille-feuille, comme le silicium, l’argent et le cuivre, entre autres. Enfin, le boitier de jonction préalablement retiré est pris en charge par d’autres recycleurs de métaux.
À gauche : un rouleau de polymères contenant les cellules. À droite : détail d’une cellule. En bas : un panneau à moitié scalpé. / Images : RE-HL.
La revente de panneaux de « seconde vie »
Lorsqu’un panneau est d’apparence intacte, il est testé afin de connaître ses performances résiduelles. Car, même usé, un module photovoltaïque peut parfois continuer à produire de l’électricité. Envie2E procède donc à une vérification thermographique puis électroluminescente du panneau, afin de détecter d’éventuelles fissures ou défauts d’isolation invisibles à l’œil nu.
Un flash simulant le soleil permet ensuite de mesurer la puissance maximale du panneau. Puis, une série de tests électriques déterminent notamment sa résistance et l’intégrité de son circuit.
2 à 3 fois moins cher que le neuf
S’il réussit l’épreuve, le panneau de « seconde vie » est immédiatement mis en vente. Particuliers, professionnels et collectivités peuvent acheter les panneaux d’occasion à l’unité ou en lot directement à l’usine, à un prix particulièrement bas de 0,25 €/Wc. Un panneau de 200 Wc est ainsi vendu 50 €, contre 150 à 250 € pour un modèle neuf de puissance équivalente. De quoi réduire le prix des installations solaires tout en évitant la mise au rebut de panneaux fonctionnels.
Selon Frédéric Seguin, la présence de panneaux en très bon état, voire neufs, parmi les modèles réellement usés serait dû à plusieurs causes, sans qu’elles puissent être formellement identifiées. Par exemple, un assureur peut décider de remplacer entièrement une installation suite à un sinistre (souvent dû à la grêle), même si tous les panneaux n’ont pas été endommagés. Un opérateur peut aussi choisir de renouveler une centrale solaire avec des panneaux plus puissants, même si les précédents fonctionnent encore.
Le petit stock de panneaux de seconde vie. Note : les panneaux de marque « Scheuten » ont finalement été retirés de la vente. / Images : RE-HL.
Des panneaux maltraités
Hélas, les panneaux ne sont pas toujours manipulés et transportés avec précaution, regrette le dirigeant. De nombreux modules sont brisés dans les empilements mal réalisés, ou subissent des chocs violents. Une ressource gâchée, alors que la demande en panneaux de seconde vie est importante, selon Frédéric Seguin.
Son petit stock serait déjà en grande partie réservé et une commune girondine souhaiterait même déployer des centrales photovoltaïques d’occasion sur ses bâtiments publics. Envie2E prévoit également d’alimenter son usine à partir de panneaux de seconde vie érigés sur ses parkings.
La commercialisation de ces modules de deuxième main reste pour l’instant une source de financement anecdotique pour l’entreprise, qui se rémunère surtout par la vente des matériaux recyclables et les versements de l’écoparticipation par Soren. L’organisme de collecte prélève quelques dizaines de centimes sur chaque panneau solaire neuf afin de financer leur traitement en fin de vie.
Très intéressant, infos faciles à trouver, et bien expliqué ! Merci.
Bravo, vraiment un joli boulot didactique, avec un interview sympa en toute décontraction, c’est appréciable. Voilà qui musèlera les mauvais coucheurs.
Merci pour ce reportage sur cette usine de retraitement des PV rebutés. Mais j’aimerais bien voir la suite, le recyclage du silicium et la production de nouveaux PV en France.
Merci.
Bravo article complet, bien illustré et tres bien construit !!
Petite typo : prix particulièrement bas de 0,25 €/kWc => 0,25 €/Wc non ?