Avec le développement de l’éolien en mer, les infrastructures portuaires françaises se retrouvent en première ligne de la transition énergétique et entament une métamorphose en profondeur. Indispensable, cette transformation devrait permettre à la France d’atteindre l’objectif de 40 GW d’éolien offshore installé d’ici 2050.
Pour atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050, l’Europe compte énormément sur l’éolien offshore avec un objectif de 300 GW installés, pour répondre à 25 % des besoins en électricité du continent. Si la France a pris du retard et ne dispose aujourd’hui que de 480 MW de puissance installée avec le parc offshore de Saint-Nazaire, elle compte rattraper son retard à vitesse grand V. Le président de la République a ainsi annoncé vouloir atteindre les 40 GW de capacité en service en 2050. Au-delà des annonces, le développement massif de l’éolien en mer nécessite une transformation profonde des installations portuaires du pays.
À lire aussi Pourquoi les fondations d’éoliennes flottantes sont-elles gigantesques ?Pour encadrer et encourager la métamorphose des ports dans le cadre du développement des énergies marines renouvelables (EMR), l’ADEME a lancé un vaste appel à manifestation d’intérêt (AMI) intitulé « Port de France 2030 ». Après réception des dossiers à la fin de l’année 2022, l’ADEME a annoncé en avril dernier les 8 ports lauréats de cet AMI :
- Cherbourg
- Axe Seine
- La Rochelle
- Bordeaux
- Bayonne
- Charente-Atlantique (Rochefort)
- Nantes-Saint-Nazaire
- Marseille-Fos
- Sète
- Port-La-Nouvelle
- Brest-Lorient
Ces ports bénéficieront de l’expertise de l’ADEME pour permettre l’adaptation des infrastructures existantes et la création de nouvelles installations. L’objectif est simple : capter une grande part de la chaîne de valeur de l’éolien flottant, de la fabrication des composants à l’assemblage et la mise à l’eau des flotteurs, en passant par le montage des turbines. Outre la phase de fabrication, cet appel à projet concerne également les installations nécessaires à la maintenance des parcs ainsi qu’à leur démantèlement de fin de vie.
À lire aussi Éolien en mer : la carte des parcs et projets en FranceDes contraintes colossales
Adapter les infrastructures portuaires à la filière de l’éolien flottant ne s’improvise pas. Les éoliennes offshore flottantes sont, en effet, sans commune mesure avec leurs homologues terrestres. Si ces dernières disposent d’une puissance moyenne de 3,5 MWc, les turbines du projet Provence Grand Large (PGL), premier parc éolien flottant de France, est équipé de turbines de 8,4 MWc. Et ce chiffre ne devrait qu’augmenter dans les années à venir. On assiste à une véritable course à la puissance entre les différents fabricants de turbines. La ferme de Morray West, en Écosse, devrait inaugurer les éoliennes en service les plus puissantes au monde (14,7 MW) pendant que des prototypes continuent à battre des records comme un récent modèle de General Electric disposant de 18 MW. Certains imaginent même des turbines en mer de… 30 MW.
Cette course à la puissance entraîne une hausse considérable du poids des éléments, nécessitant ainsi des équipements particuliers, et surtout une adaptation des quais et des terre-pleins. À titre d’exemple, la turbine SG-14-222 DD (14 MW) de chez Siemens Gamesa pèse près de 500 tonnes.
À lire aussi Voici la première éolienne flottante commerciale de FrancePour pouvoir supporter de telles pièces, certains ports ont déjà entamé leur transformation, à l’image de Brest qui a construit un polder de 50 hectares dédié aux EMR, ou encore celui de Cherbourg qui a renforcé quais et terre-plein en vue du développement de parcs éoliens flottants. Le quai principal de ce dernier a notamment été renforcé pour atteindre une capacité de 15 tonnes par mètre carré, contre 5 t/m² auparavant. Certaines zones peuvent même supporter jusqu’à 50 t/m².
Fabrication, installation et exploitation
Pour répondre au défi de l’éolien flottant, la coopération sera indispensable entre les différents ports, permettant à chacun de se spécialiser. Pendant que certains ports cherchent à développer au maximum la fabrication des éléments et leur assemblage comme Brest, Cherbourg ou encore Saint-Nazaire, d’autres ports pourraient devenir des bases avancées indispensables à la maintenance des parcs. C’est notamment l’objectif fixé pour le parc de Lorient qui se trouvera au plus proche des futurs parcs éoliens de Bretagne-Sud, ou le port de Sète qui pourrait devenir une sorte de base arrière de Port-La-Nouvelle. Pour l’heure, on compte 6 parcs en chantier, et près de 9 projets en développement, dont 5 parcs flottants.