Une tour de refroidissement de la centrale nucléaire du Bugey / Image : Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA).
Depuis 2015, la France a gravé dans sa loi un surprenant objectif : celui de réduire la part du nucléaire dans son mix électrique à 50 % maximum d’ici 2035. La question de son maintien semble aujourd’hui plus que jamais posée. Le Sénat vient en effet d’annoncer son souhait non seulement de faire tomber ce plafond, mais même de le transformer en plancher.
Porter la part du nucléaire dans la production d’électricité à 50 % dès 2025. C’est l’un des objectifs que fixe la Loi de transition énergétique pour la croissance verte de 2015. Un objectif affiché comme devant permettre à notre pays de diversifier sa production et d’accroître son indépendance. Ce dernier point continue de faire débat. Alors qu’en réalité, l’objectif semble avoir surtout été dicté, sans réel fondement scientifique ni technique, par une négociation politique entre ceux qui visaient la sortie complète du nucléaire et ceux qui espéraient un maintien au niveau du moment. La loi énergie-climat de 2019 confirme cet objectif. Même si la date butoir pour l’atteindre a, entre temps, été repoussée à 2035.
Rappelons qu’en 2023 encore, les centrales nucléaires françaises sont théoriquement en mesure de fournir environ 75 % de notre électricité. Dans les faits, c’est plutôt 60 % aujourd’hui, compte tenu des arrêts pour maintenance et autres difficultés techniques. Impossible donc, on le comprend bien, d’atteindre ce fameux objectif de 50 % sans fermer quelques centrales. Un total de 12 réacteurs, pour être exact.
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De nombreuses fermetures de réacteurs nucléaires en vue et, en même temps, un président de la République, Emmanuel Macron, qui en écarte l’idée dans un discours il y a presque un an déjà. Et désormais sur la table, un projet de loi d’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles centrales nucléaires. Il y a quelques jours, le Sénat notait là une incohérence. Un calendrier qui pose des textes de mise en œuvre d’une politique avant même que ses objectifs aient été discutés. Cela devrait être le cas d’ici cet été, à l’occasion du débat parlementaire sur le projet de loi de programmation énergétique.
Résultat, une proposition du Sénat, exprimée dans un amendement, de supprimer le fameux objectif jugé « obsolète » de réduction de la part du nucléaire dans le mix électrique de notre pays. La demande, au contraire, de maintenir une production nucléaire à plus de 50 % à l’horizon 2050. Et de faire tomber aussi le très contraignant plafond des 63,2 GW de puissance nucléaire installée autorisée, inscrit dans le code de l’énergie. Une manière d’ouvrir la porte à la construction de nouveaux réacteurs sans avoir à en fermer au préalable. Le Sénat évoque le chiffre de 14 nouveaux EPR.
Prolonger nos réacteurs jusqu’à 80 ans ?
Le tout alors même que deux concertations publiques sont en cours. L’une porte sur la construction de nouveaux EPR, justement. L’autre, plus largement, sur le mix énergétique futur de notre pays. Les organisateurs, d’ailleurs, ont alerté. Ils déplorent l’amendement proposé par le Sénat qui, selon eux, « revient à considérer comme sans intérêt pour définir la stratégie énergétique, les interrogations, les remarques et les propositions faites lors du débat public en cours » et « anticipe de plusieurs mois le débat parlementaire relevant du projet de loi de programmation énergétique ».
Agnès Pannier-Runacher, notre ministre de la Transition énergétique, quant à elle, a souhaité réaffirmer que l’objectif des politiques énergétiques de notre pays doit rester de « diversifier notre mix électrique en visant un meilleur équilibre entre le nucléaire et les énergies renouvelables. » Et que c’est bien à la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) de définir les parts des uns et des autres.
Dans le même temps, EDF annonçait, par l’intermédiaire de son directeur chargé du parc thermique et nucléaire Cédric Lewandowksi, que la prolongation de la durée de vie de nos réacteurs nucléaires jusqu’à 80 ans « n’est pas un tabou » et « est sur la table ». « Aujourd’hui, le grand consensus scientifique, technique et économique est que notre parc est adapté pour aller à 60 ans […]. La question du passage de 60 à 80 ans exige un certain nombre de travaux d’études, et donc nous les engageons […] Six réacteurs aux États-Unis ont obtenu une licence d’exploitation jusqu’à 80 ans et il se trouve que nos technologies sont à peu près similaires » expliquait le cadre lors d’une audition de l’Assemblée nationale, le 18 janvier. Affaire à suivre.
Commentaires
Je lis depuis le début le site "Révolution énergétique" et j'ai la désagréable impression que ce site trouve de plus en plus le nucléaire "sympathique". Ce site à le droit de le penser. Mais dans ce cas, il ne doit plus s'appeler "Révolution énergétique" ! Car le nucléaire est tout sauf révolutionnaire ou nouveau. La technologie de la fission est utilisée dans toutes les centrales du monde depuis 60 ans. Dont l'EPR français. Du fait d'une absence d'émission de CO2, cette énergie ferait partie de la solution de la transition au même titre que le solaire et l'éolien ? Quelle blague ! Avec son cout énorme, sa rigidité de conduite et surtout ses dangers immenses (déchets nucléaires, accidents de Tchernobyl et Fukushima, et maintenant menaces russes sur la centrale Ukrainienne de Zaporijia), cette énergie doit être distinguée des ENR. Elle doit aussi l'être car c'est une énergie politique et étatique. Quelle entreprise totalement privée et indépendante (rappelons qu'EDF est bientôt 100 % propriété de l'Etat français) développe cette énergie ? Aucune. L'énergie nucléaire n'est pas révolutionnaire, sa présence dans quelques pays dans le monde n'est que le reste d'un lobbying étatique multidécennale.
Il est utile de rappeler que l'électricité n'est qu'une partie de l'énergie utilisée. La révolution ne consiste pas à installer des EnR, l'humanité de tout temps utilisé le soleil, le vent et la biomasse, des millénaires avant le nucléaire!
La vrais révolution consiste à supprimer complétement, rapidement et définitivement l'utilisation de combustibles fossiles. Ce qui est en général plutôt le thème de ces articles.
Vous souhaitez comparer le nucléaire à d'autres sources d'énergie, c'est obligatoire pour se faire une idée, et voici quelques pistes pour bien commencer :
- En premier il faut oublier ses apriori ou idées reçues
- Ensuite il faut lister toutes les caractéristiques (fabrication, consommation de matière, énergie produite, déchets, durée de vie...)
- Enfin, il faut comparer et pondérer entres elles chaque caractéristique de toutes les sources d'énergie. Par exemple, on ne peut pas dire que les déchets nucléaire soient un problèmes simplement car ils ont une longue durée de vie, il faut aussi prendre en compte la quantité (qui est faible), la prise en charge (qui est bonne), l'impact sur la biodiversité (qui est nul)
Retirer cette décroissance force du nucléaire alors qu'on manque de production électrique est une bonne chose. En effet ce 50/50 n'était pas de raison scientifique pour limiter le réchauffement climatique induit par l'homme mais n'était qu'une décision purement politique.
Maintenant il va falloir faire feu de tout bois : vraiment accélérer les EnR pour les 15 ans à venir (et pas avec les demi-mesures actuelles), et relancer le nucléaire pour 2040.
Mais qui va acheter du nucléaire aux heures creuses? En tout les cas pas les pays limitrophes qui se donnent d'autres moyens.
L'impression de prévoir une autoroute à 6 voies pour gérer 40mn de trafic intense. Jancovici doit se frotter les mains, sa BD va se vendre à 63 millions de français. Pourtant il élude volontairement presque tous les problèmes et conséquences du nucléaire...L'ex-premier ministre du Japon en poste au moment de la cata de Fukushima mettait pourtant en garde:"- Ne jouez pas avec le nucléaire, vous allez perdre"...C'est bien parti.