En récupérant la chaleur fatale de ses réacteurs, la centrale nucléaire de Haiyang (Chine) va couvrir les besoins en chauffage et eau chaude d’une ville d’un million d’habitants. Une technique étonnamment peu utilisée en France, pourtant efficace sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
De l’incroyable puissance thermique dégagée par un réacteur nucléaire, un tiers seulement est valorisé en électricité. La majeure partie de l’énergie est dilapidée dans la mer, un cours d’eau ou l’atmosphère via des tours aéroréfrigérantes. Seuls 74 des 444 réacteurs nucléaires de la planète récupèrent cette énergie dite « fatale », pour l’exploiter dans un « réseau de chaleur », qui fournit par définition de la chaleur à des serres agricoles, élevages, logements, bureaux, voire industries.
Concrètement, le système récupère les calories dans l’eau des circuits secondaire ou tertiaire, qui n’est pas radioactive. L’eau chaude circule ensuite dans des canalisations dédiées jusqu’aux points de consommation. De la chaleur ultra bas-carbone, remplaçant celle qui aurait été produite autrement par des radiateurs et chaudières traditionnelles, notamment les plus polluantes au gaz, bois, fioul et charbon.
À lire aussi Ce système peut récupérer et stocker de la chaleur fatale jusqu’à 1 000 °CÉviter la combustion de 900 000 tonnes de charbon
En Chine, ou l’atome est en plein essor, cette ressource et un moyen relativement facile de décarboner. Dans la centrale de Haiyang, au nord-est du pays, les deux réacteurs de 1 000 MWe fournissent déjà de la chaleur nucléaire « de récup’ » à 460 000 m² de logements situés à proximité. Mais pour valoriser davantage de chaleur fatale, l’énergéticien local (SPIC) a débuté la construction d’un caloduc long de 23 km. Une distance particulièrement élevée pour une canalisation de transport de chaleur.
L’objectif est, à terme, de réaliser un réseau de chaleur régional desservant plusieurs villes autour de la centrale. À sa mise en service prévue fin 2023, il sera capable de couvrir les besoins d’un million d’habitants d’après l’opérateur. Il pourra délivrer 9,7 millions de gigajoules (2,7 TWh) d’énergie très bas-carbone en évitant la combustion de 900 000 tonnes de charbon.
À lire aussi La botte secrète des hôpitaux contre les coupures d’électricitéPourquoi pas en France ?
Si le charbon est désormais anecdotique en France, nos centrales nucléaires pourraient se substituer aux chaudières à gaz, plébiscitées par 40 % des particuliers, mais aussi au fioul (13 %) et au bois (27 %), dont les émissions soulèvent autant une question sur le plan sanitaire que climatique. Valoriser la chaleur perdue des réacteurs nucléaire permettrait également d’économiser de l’électricité.
Étrangement, la cogénération nucléaire n’est pas à proprement parler exploitée en France. Seules 7 des 18 centrales de l’hexagone redistribuent une petite partie de leur chaleur fatale à quelques bâtiments publics, piscines, zoo ou horticulteurs. Mais il ne s’agit pas de réseaux de grande ampleur, où l’eau doit circuler à une température située entre 60 et 180 °C pour alimenter efficacement les radiateurs et cumulus. Nos réacteurs valorisent seulement de l’eau à une quarantaine de degrés issue du circuit tertiaire.
À lire aussi Comment cette cuve stocke de la chaleur renouvelable sur plusieurs mois ?L’adaptation des centrales nucléaires françaises à la cogénération était jugée peu rentable et trop complexe au regard de leur relatif éloignement des grandes villes. Les évolutions techniques permettent désormais d’acheminer de l’eau chaude sur de grandes distances sans trop de pertes. Toutefois, cet énorme gisement de chaleur « propre » et bon marché ne semble toujours pas capter l’intérêt des pouvoirs publics. Faudra-t-il une crise énergétique plus rude que l’actuelle pour mettre en lumière ce potentiel inexploité ?
Cela résoud aussi en partie la problématique de la température de l’eau rejetée en rivière puisque les calories sont envoyées en priorité dans le resau de chaleur.
Je précise bien en partie parce que je vois venir le contre argument (justifié) : oui mais ce problème c’est en été, et en été on n’utilise pas le chauffage ! C’est vrais mais les usines ont besoin de chaleur même en été
Tiens, ce site qui était globalement antinucléaire commence a adoucir ses points de vue devant l’évidence. Comme quoi la guerre en ukraine à du bon Pourquoi ne le fait on pas en France : il faut savoir que pour maximiser le rendement électrique, il faut minimiser la température de la source froide (rendement de carnot = 1-(Tf/Tc) donc avoir de l’eau très chaude pour qu’elle soit suffisament chaude pour servir après transport diminue le rendement electrique. Apres c’est juste un équilibre a trouver pour la rémunération d’edf (qui doit quand même équilibrer son bilan) entre la production de chaleur et… Lire plus »
Notre ligne éditoriale n’a jamais été antinucléaire. Chaque auteur exprime sa position.
Site antinucléaire ? La victimisation des fanatiques de l’atome est vraiment une constante.
En France c’est peu voir pas utilisé car tous les psuedos ecolo vont nous dire qu’une partie de la radioactivé va passer dans les conduit et contaminer tout le monde…
Alors autant tout renvoyer en vapeur ça coûte moins cher que la com pour expliquer que ca sera pas le cas…
Bravo pour cet excellent article sur la cogénération nucléaire (génération simultanée de chaleur et d’électricité) ! L’AEPN (Association des Ecologistes Pour le Nucléaire) informe sur ce sujet et milite en sa faveur depuis plus de 20 ans, en ayant parfois l’impression de parler dans le désert et de ne pas être écoutée, pas même par la SFEN. La cogénération nucléaire a bien été envisagée et étudiée sérieusement en France, à la fin des années 1970 (juste après le 1er choc pétrolier en 1974). Il était prévu, entre autres, de chauffer la ville de Grenoble et une grande partie de la… Lire plus »
Merci pour ce très bon article. Quand on voit toutes les serres hollandaises chauffées au gaz, y a quand même moyen de faire un truc la non?
Oui, on pourrait rapatrier la production de fleurs dans le Sud de la France, là où il n’y a pas besoin de serres chauffées pour les faire pousser. Il y a plein de place dans l’Aude, dans l’Hérault ou dans le Var.
Après c’est une question de rentabilité. Entre un poivron cultivé 12 mois par an en Hollande et 7 mois par an dans le sud de la France, je pense savoir lequel sera le moins cher. La chaleur est de toute façon perdue, autant le valoriser