Face aux défis de la corrosion dans ses infrastructures hydroélectriques, EDF adopte une solution ancestrale et efficace : l’anode sacrificielle. Cette technologie, testée et validée sur ses conduites forcées, promet des gains considérables dans la protection contre la corrosion.

Sur un site hydroélectrique, la corrosion est un ennemi de taille. Les conduites forcées, ces imposantes canalisations en acier transportant de l’eau sous pression vers les turbines, subissent des contraintes constantes dues à l’humidité et aux mouvements. Au fil du temps, ces conditions extrêmes dégradent les structures, menaçant leur durabilité et la sécurité globale des installations. Jusqu’ici, EDF utilisait des films étanches pour protéger ses conduites contre l’eau et l’oxygène, mais cette méthode s’avérait insuffisante sur certains points critiques, comme les interfaces entre les conduites et leurs supports en béton, appelées pilettes. Des percements sont toujours observés et chaque année, cinquante des 10 000 têtes de pilettes sont à changer.

À lire aussi Tout savoir sur Montézic 2, le méga-chantier de stockage d’électricité qu’EDF veut lancer

Une anode sacrificielle pour protéger l’acier

EDF, avec sa Division Technique Générale (DTG) et des partenaires industriels, a développé une solution directement issue de l’industrie marine : l’anode sacrificielle. Cette innovation sur les conduites forcées repose sur une réaction électrochimique impliquant le zinc, matériau de l’anode et l’acier. L’anode, en contact direct avec l’acier, agit comme un bouclier : elle s’oxyde à la place de l’acier, offrant une protection contre la corrosion. Le principe est chimique : l’alliage sacrificiel a un potentiel électrochimique plus bas que celui de l’acier, donc l’acier devient la cathode, sous conditions aérobiques et d’humidité.

Julien Schwach, expert corrosion au Centre d’Ingénierie Hydraulique (CIH) d’EDF, détaille les résultats auprès du magazine du Centre d’ingénierie hydraulique : « Les deux matériaux fonctionnent un peu comme une pile, au sein de laquelle l’anode – le zinc – se consomme par dissolution, protégeant ainsi la surface de l’acier ». Sur le parc hydraulique, EDF estime à 40 ans la durabilité de la protection ainsi obtenue.

À lire aussi Les éoliennes en mer polluent-elles à cause des anodes sacrificielles ?

Un gain environnemental et économique

Cette solution, baptisée Cozi (« co » pour corrosion et « zi » pour zinc) par EDF, a déjà été testée sur le site de Fond-de-France, en Isère, où elle a prouvé son efficacité. Contrairement à la méthode traditionnelle, qui nécessitait le remplacement complet des supports corrodés, l’application des anodes sacrificielles réduit, selon EDF, le temps d’intervention de dix à trois jours, divise les coûts par un facteur de quatre à cinq et diminue drastiquement les émissions de CO2. En effet, les rotations d’hélicoptères, indispensables au transport des équipements dans les zones montagneuses, sont grandement réduites.

Un potentiel de déploiement considérable

L’innovation Cozi n’est pas seulement un progrès technique. Avec un bilan carbone treize fois inférieur à celui des méthodes classiques et un brevet déposé, EDF a déjà déployé cette technologie dans le Massif Central. Elle sera bientôt dans les Pyrénées, sur les conduites forcées servant au transit de l’eau du lac d’Oô vers les turbines de la centrale hydroélectrique de Luchon.

Hors des frontières françaises, EDF y voit un marché à conquérir. Selon ses projections, l’Europe compte 10 000 pilettes. Aussi, l’Amérique du Nord, l’Asie du Sud-Est et l’Océanie ont un parc d’ouvrages anciens âgés de 70 à 80 ans. EDF entend aussi valoriser cette innovation auprès d’autres acteurs de l’hydroélectricité. Julien Schwach conclut : « Cozi est une solution robuste, durable et respectueuse de l’environnement. Nous sommes fiers de démontrer que la lutte contre la corrosion peut être menée avec efficacité, tout en réduisant notre empreinte écologique. »