99,5 % du gaz méthane que nous consommons en France est d’origine fossile. Ce n’est pas une fatalité. Il est tout à fait possible de fabriquer du méthane moins impactant, à partir de ressources renouvelables et rejets industriels. Une alternative exploitée à Fos-sur-Mer près de Marseille, où une unité de production d’e-méthane vient d’entrer en service.
Un atome de carbone et quatre atomes d’hydrogène : voici la très simple liste des ingrédients du gaz méthane (CH4), qui chauffe nos habitations, fait bouillir l’eau des pâtes et brûle dans nos usines. Reste à trouver la recette. Il y a des millions d’années, la Terre a joué pour nous les chefs cuistots. Elle a enfoui, isolé hermétiquement et laissé fermenter une quantité astronomique de matières organiques sous nos pieds. L’humanité n’avait plus qu’à forer pour le récupérer.
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Le réchauffement climatique nous impose désormais de passer en cuisine. En effet, le méthane d’origine fossile ajoute de grandes quantités de CO2 dans l’atmosphère. Il faut donc le produire à partir de ressources renouvelables et/ou « fatales ». La méthanisation est la technique la plus employée aujourd’hui. Elle consiste à fermenter naturellement des déchets organiques issus de l’agriculture, de l’élevage, des eaux usées ou de nos ordures ménagères.
Un autre procédé plus complexe appelé « méthanation » ou « power-to-gaz » synthétise le méthane à partir de ‘pièces détachées’. En clair, son atome de carbone est récupéré dans les cheminées d’industries et ses quatre atomes d’hydrogène sont générés par électrolyse de l’eau, à partir d’électricité d’origine renouvelable.
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Cette méthode permet de valoriser le carbone habituellement rejeté directement dans l’atmosphère par certaines usines. C’est également un moyen de stocker l’électricité sous forme détournée, en la transformant en une autre énergie. Le courant est principalement consommé lorsqu’il est peu cher et produit abondamment, notamment par les filières solaires et éoliennes.
Sur le port de Marseille-Fos (Bouches-du-Rhône), un démonstrateur industriel baptisé « Jupiter 1000 » teste la solution depuis 2020. Si elle se contentait jusque-là de produire de l’hydrogène vert (jusqu’à 200 m3/h) et de l’injecter tel quel dans le réseau de gaz, l’installation vient de lancer la production de méthane de synthèse par méthanation.
Le site est composé de 2 électrolyseurs, l’un alcalin et l’autre à membrane PEM d’une puissance unitaire de 500 kW, d’un système de captage et stockage du CO2 et d’une unité de méthanation. Le carbone est récupéré dans les cheminées de l’aciérie Asco située à proximité, puis combiné à l’hydrogène vert avant d’intégrer le réseau de gaz.
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Le démonstrateur est bien évidemment relié aux réseaux publics de gaz (pour l’injection) et d’électricité (pour la consommation), achetée auprès de la Compagnie Nationale du Rhône (CNR), un producteur 100% renouvelable. L’unité est capable de produire jusqu’à 25 m3/h de méthane de synthèse, appelé « e-méthane ». Elle fonctionnera à plein régime dès septembre 2022.
Le projet Jupiter 1000 est le fruit de la collaboration de ténors du secteur : McPhy fournit les électrolyseurs, Leroux & Lotz le système de captage et stockage du CO2, le méthaneur a été développé par Khimod et le CEA, GRTGaz et Teréga assurent l’injection du gaz, RTE et la CNR le transport et la fourniture d’électricité.
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Donc, on capte (un peu) du CO2 d’une aciérie, on le combine avec de l’hydrogène produit avec de l’électricité (surement beaucoup d’hydro vu que c’est la CNR qui fournit). Au passage on perd plus de la moitié de l’énergie fournie par l’électricité, avant de bruler ce gaz et donc relarguer ce CO2 qu’on avait réussit à capter. A ce compte là, ne serait il pas plus efficace de chercher à séquestrer ce CO2 ? On obtiendrait alors le même résultat sans nécessiter l’énorme consommation électrique. Enfin, même si je comprend l’enjeux de recherche et développement, comment ne pas se dire… Lire plus »
Le e-methane est envisagé comme moyen de stockage long terme de l’énergie électrique. Il faudrait pouvoir fournir environ 15TWh par an dans le scénario de RTE 100% renouvelable.
Cet usage n’est donc pas complètement idiot.
RTE chiffre bien à 15TWh/an en 2050 mais, à la figure 11.6, cite les difficultés d’approvisionnement en électricité bas carbone et aussi en CO2. Est aussi affiché un rendement total du cycle de seulement 20% (TAC) à 30% (CCG); c’est tout bonnement calamiteux, et un bon moyen de relancer le nucléaire, car les électrolyseurs ne vont quand même pas s’arrêter de produire la nuit et pendant les périodes sans vent. La ficelle est grosse. A la figure 9.3, la boucle power-to-gas-to-power est censée être opérationnelle à compter de l’horizon 2040. Quand on voit les problèmes et les retards de construction… Lire plus »
Bonjour, Concernant les STEP, j’avoue ne pas avoir les chiffres me permettant de comparer (l’article que vous donnez en lien ne le permet pas). A priori, les infrastructures nécessaires pour pouvoir couvrir une dizaine de jour de consommation sans soleil ni vent seraient démesurées et je vois mal comment les faire accepter. Mais je veux bien être détrompé. Concernant le rendement et le nucléaire, j’avoue que je ne comprends pas bien. Vous dites qu’il est calamiteux, (alors qu’une partie de l’énergie dissipée peut-être valorisée dans des réseaux de chaleur) et que ce serait « un bon moyen de relancer le… Lire plus »
STEP: dans l’article, il y a un lien vers l’étude du JRC, qui est le service scientifique interne de la Commission européenne. Qui pourrait douter de ses conclusions de la possibilité de multiplier jusqu’à 22 fois notre capacité de stockage, contraintes environnementales incluses?
La boucle power-to-gas-to-power a bien un rendement calamiteux, et qui voudrait une installation industrielle de ce type à proximité de chez soi pour se chauffer?
Pour être rentable, le nucléaire doit fonctionner en permanence et à pleine charge, pour les électrolyseurs c’est pareil.
Le lien donné dans l’article ne fonctionne plus. J’avais déjà parcouru cette étude et je serais très content que l’on ait plus de STEP, mais il ne me semble pas qu’il y ait dedans une étude de l’acceptabilité sociale, je me trompe ? Par ailleurs, dans l’article que vous citez, il est question de 4TWh, ce qui ne couvrira pas une semaine d’hiver sans vent. Il est aussi fait référence à une étude de l’ADEME qui a elle, été très sévèrement critiquée. Si je ne m’abuse, elle partait du principe que l’on pouvait effacer des très importantes parts de la… Lire plus »
Ce lien a été remplacé, voilà le bon: https://s.42l.fr/JRC2013.
Concernant l’étude de l’ADEME, elle souligne qu’il faudrait 36GW de stockage pour arriver à 100% renouvelables. Evidemment que d’autres études, avec des choix différents peuvent arriver à d’autres conclusions, mais pourquoi auraient-elles davantage de valeur?
Selon la banque Lazard, le nouveau nucléaire est entre 131 et 204 $/MWh. L’éolien et le photovoltaïque sont à moins de 40 $/MWh, auquel il convient d’ajouter 50 $/MWh pour le stockage en STEP, c’est donc moins cher. Est-il « rentable » d’aider le nouveau nucléaire?
Merci pour e lien. C’est bien l’étude que j’avais parcouru et à moins que cela m’ait échappé, elle ne contient aucune information sur l’acceptabilité sociale. Concernant l’étude d el’ADEME, je ne sais pas si vous le faites exprès, mais vous répondez totalement à côté. Ce n’est pas une question de puissance (d’ailleurs si mon souvenir est bon, l’ADEME comptait énormément sur les batteries), mais d’énergie. Une fois que vos STEP et batteries sont vides et que le vent ne souffle toujours pas, que faites-vous ? Ensuite, vous repartez sur une question de prix et de nucléaire et je ne vois… Lire plus »
L’acceptabilité sociale pour réunir deux barrages avec une conduite forcée, voire à ajouter une retenue de quelques dizaines d’hectares restera à constater.
Concernant l’étude de l’Ademe, qui est en puissance, dans plusieurs pays européens, 1 GW en STEP produit annuellement environ 1TWh. Comme notre consommation hebdomadaire est en hiver d’environ 10TWh (chiffre de 2007), ça permet de voir venir.
Pour vous la rentabilité ne semblait pas un problème pour les électrolyseurs, pour le nucléaire, c’est pareil, c’est l’État qui paye?
C’est de moins en moins compréhensible pour moi. Vous nous proposez 4TWh de STEP (sans considération pour les travaux nécessaires, le temps et l’acceptabilité sociale dans un contexte où au contraire on supprimes des retenues d’eau) en expliquant que la consommation hebdomadaire est de 10TWh et estimez qu’on peut « voir venir » ?
Quant à la rentabilité financière, oui, c’est un peu le cadet de mes soucis. Que ce soit l’État ou le consommateur, ce ne sont que des façons de répartir l’effort des citoyens. Ça se négocie. Les ressources naturelles, non.
Où est le problème? C’est le JRC qui affiche 4TWh, et c’est RTE qui affiche environ 10TWh de consommation maximum par semaine en hiver?
Le problème est que cela fait moins d’une demi-semaine et que vous estimez qu’on peut voir venir.
A mon avis, concernant Futurs Énergétiques, la trajectoire de référence pour la consommation privilégie beaucoup trop l’électricité.
Pour le chauffage de locaux, si les PAC sont une bonne possibilité, pourquoi avoir bien peu utilisé le solaire thermique?
Il n’a été multiplié qu’environ par 3, alors qu’en Autriche il y en a actuellement 17 fois plus de surface de capteur par habitant que chez-nous, et le stockage saisonnier de chaleur solaire thermique, n’est pas abordé.
Toujours pour le chauffage, pourquoi avoir totalement oublié le stockage de chaleur provenant des excédents d’éolien et de photovoltaïque?
À ce que je sache, la trajectoire de référence a été tout simplement reprise de la SNBC.
Effectivement, et la trajectoire de référence est basée comme d’habitude sur la croissance de la consommation.
Ce sont ces mêmes ingénieurs qui dans les années 70 avaient prévu 200 réacteurs en 2000…
Etes vous d’accord que le solaire thermique et le stockage de chaleur provenant des excédents permettaient de baisser cette trajectoire de référence?
Là, vous me posez des questions sur des sujets que je ne connais pas vraiment.
D’abord, je doute fort que les ingénieurs impliqués dans l’établissement de la SNBC aient déjà exercé dans les années 70.
Et concernant le stockage thermique, je ne connais que des prototypes qui en Allemagne sont là pour restituer de l’électricité sur une période de l’ordre de la semaine au maximum, donc rien qui vienne concurrencer le stockage type e-methane.
Je ne me suis pas penché sur les marges que l’on aurait en thermique solaire par rapport à ce qui est prévu dans la SNBC.
A propos du deuxième paragraphe : la méthanation pourrait se produire d’elle même dans un gisement épuisé comme celui de Lacq
S’il est séduisant sur le papier, il faut bien comprendre que le processus de méthanation n’est pas une technologie « verte ». Après combustion de l’e-méthane, le carbone puisé dans les fumées se retrouve in fine dans l’atmosphère quand même. Et l’hydrogène « vert » qui a servi à fabriquer cet e-méthane, lequel sera injecté dans les réseaux pour être généralement utilisé pour le chauffage des bâtiments, pourrait être beaucoup mieux utilisé en remplacement de l’hydrogène gris encore massivement utilisé dans l’industrie. Pour le chauffage, ce sont les pompes à chaleur qu’il faut privilégier, plus le gaz. En clair, dans le monde neutre en… Lire plus »
Ce n’est pas l’avis de RTE qui le cite dans son rapport.
Par ailleurs, pourquoi le CO2 rejeté par la combustion du e-methane ne pourrait pas être récupéré comme celui des cheminées de cette aciérie ?