Le navire ou Seabound a mené son expérience-pilote / image : Seabound, modifié par : RE
La startup anglaise Seabound vient d’annoncer avoir réussi à capturer jusqu’à 78 % du CO2 émis par un vieux porte conteneur lors d’une expérimentation de deux mois, et espère ainsi participer à la décarbonation du secteur maritime. Mais, derrière ce chiffre se cache un fonctionnement qui interroge.
La startup londonienne Seabound vient d’annoncer avoir réussi une expérimentation de 2 mois, pendant laquelle elle est parvenue à réduire de près de 78 % les émissions de CO2 d’un navire porte-conteneur de la société de transport Lomar. Pour y parvenir, la startup a créé une installation qui s’installe sur un navire sous la forme d’un retrofit. Composée de plusieurs conteneurs, l’installation se branche directement sur le système d’échappement des machines diesel du navire.
Lorsque le navire est en fonctionnement, les gaz d’échappement circulent, à température ambiante, à travers des galets d’oxyde de calcium, plus connus sous le nom de chaux vive. Cette chaux vive réagit au contact du CO2, et capture ce dernier pour former du carbonate de calcium, autrement dit du calcaire pur. Selon la startup, ce système multiplie les avantages, puisque la chaux vive nécessaire au fonctionnement de cette solution est bon marché, et le calcaire obtenu peut être utilisé dans de nombreux secteurs comme la construction ou l’agriculture. Il peut ainsi être revendu une fois le navire à quai.
Déplacer les émissions de CO2, plutôt que les supprimer
La solution de Seabound repose sur la réaction chimique selon laquelle du dioxyde de carbone et de l’oxyde de calcium réagissent pour donner du carbonate de calcium : CaO + CO2 -> CaCO3.
Or, l’oxyde de calcium, autrement dit la chaux vive, est très rare à l’état naturel. Pour en produire, il est nécessaire d’utiliser… du carbonate de calcium ! Des minéraux calcaires sont chauffés dans des fours à haute température. Lorsque la température dépasse les 900 °C, le carbonate de calcium présent dans ces minéraux se transforme en oxyde de calcium moyennant un dégagement de dioxyde de carbone : CaCO3 -> CaO + CO2. C’est ce qu’on appelle la calcination du calcaire.
En d’autres termes, la solution proposée par Seabound ne permet pas de décarboner. Elle ne semble être, au mieux, qu’un déplacement de l’endroit d’où sont générées les émissions de CO2. Celles-ci n’ont plus lieu au niveau du navire, mais en amont, au niveau de l’usine de production d’oxyde de calcium. Dans le pire des cas, si le site de production de chaux vive n’a pas de mix énergétique décarboné, cette solution entraîne même des émissions supplémentaires de CO2 du fait de l’énergie nécessaire pour générer la réaction de calcination. Si la société ne le précise pas, on peut imaginer que cette solution ait l’intérêt de concentrer les émissions de CO2 en des lieux précis, à terre, ce qui permettrait de mieux les valoriser pour produire, par exemple, des carburants de synthèse.
Cette solution présente également l’avantage de capturer les sulfures, un gaz à effet de serre moins connu que le CO2, mais tout aussi néfaste. Sur ce point, la startup annonce avoir réussi à en capturer 90 % durant cette expérimentation.
Un intérêt financier ?
L’intérêt de cette solution pourrait par ailleurs être d’ordre financier pour les entreprises de transport maritime. En effet, le prix de la chaux vive s’échangeait, fin 2023, à 164 dollars la tonne en Europe. Le carbonate de calcium, en fonction de sa pureté, coûte plus cher. En Belgique, lors du dernier trimestre de 2023, il coûtait aux alentours de 340 dollars par tonne. Ainsi, la revente du matériau obtenu grâce au système mis au point par Seabound pourrait compenser le prix de l’installation et de la maintenance du système, voire même générer un bénéfice.
Commentaires
Décarboner à la chaux vive!
"...les sulfures, un gaz à effet de serre moins connu que le CO2, mais tout aussi néfaste."
Êtes-vous certain de votre affirmation ?
J'avais plutôt dans l'esprit que les sulfures avaient un effet refroidissant sur le climat, à l'image des dégagement de souffre des volcans qui sont connus pour leur effet de refroidissement de l'atmosphère.
Pouvez-vous vérifier vos sources, voire nous les communiquer ? SVP
Votre remarque semble tout-à-fait fondée. Le GIEC distingue deux aspects dans le réchauffement climatique. L’un, positif, provoqué par l’augmentation des GES et dont on estime l’impact aujourd’hui à 1,5°C, et l’autre, négatif, provoqué par les aérosols et dont l’impact est de -0,4°C, d’où le consensus actuel autour de +1,1°C. Et parmi les contributeurs au refroidissement, le dioxyde de soufre (SO2) (source GIEC AR6). Le SO3 est lié aux émissions de particules fines, notamment dans le transport maritime, et c’est la raison pour laquelle des directives ont été prises pour réduire la teneur en soufre dans les fuels lourds des navires.
Les oxydes de soufre ne contribuent donc pas au RCC, mais ils possèdent suffisamment de défauts pour ne pas les considérer comme une solution.