Pour faciliter l’industrialisation et le déploiement des centrales nucléaires, pourquoi ne pas les rendre flottantes, et ainsi pouvoir les tracter un peu partout dans le monde ? C’est, dans les grandes lignes, ce qu’essaient de mettre au point deux entreprises, anglaises et américaines. Si elle se concrétisait, cette solution pourrait notamment aider à résoudre le casse-tête de la décarbonation des territoires insulaires.  

Est-ce que le réacteur nucléaire « eVinci », conçu par Westinghouse, vous dit quelque chose ? Souvenez-vous, il y a quelques mois, on vous présentait les potentiels avantages de ce microréacteur à cœur solide. Celui-ci se distingue notamment par le recours à un caloduc, une technique qui permet de se passer de liquide de refroidissement grâce à l’utilisation de dispositifs de transport de chaleur passif, améliorant ainsi la sûreté de l’ensemble.

Conçu comme une batterie, ce réacteur de 5 MWe doit être capable de fonctionner à pleine puissance pendant 8 ans, avant d’être entièrement remplacé. Déjà, lors de sa présentation, le eVinci s’adressait à de nombreuses applications : réseaux de chaleur urbains, sites industriels, alimentation de raffinerie ou data center.

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Mais pour aller encore plus loin, Westinghouse s’est associé à Core Power, société spécialisée dans le nucléaire maritime. Ensemble, les deux entreprises travaillent à la mise au point d’une centrale nucléaire flottante (Nuclear Floating Power Plant), qui permettrait la décarbonation de régions spécifiques comme les ports, certaines industries ainsi que les territoires insulaires.

Les russes ont un temps d’avance

En matière de centrale nucléaire flottante, la Russie a une petite longueur d’avance. Depuis 2019, le pays compte une centrale nucléaire flottante de 70 MWe, portant le nom de Akademik Lomonosov. Ses deux réacteurs sont dérivés de ceux que l’on retrouve sur les brise-glaces nucléaires. Située à Pevyek, en Sibérie, elle alimente la ville ainsi que les activités industrielles locales, en particulier l’exploitation minière. Au total, la barge recevant la centrale mesure 144 mètres de long et pèse 21 000 tonnes.

Les centrales nucléaires flottantes : atout principal pour la décarbonation des zones insulaires ?

Et si ces centrales flottantes étaient la clé de la décarbonation des territoires maritimes ? Actuellement, la plupart des îles sont hautement dépendantes d’énergies fossiles comme le diesel et le fioul. Leur isolement géographique nécessite le recours à des équipements parfaitement pilotables, tout en maintenant des coûts d’investissements réduits. De plus, le manque de surface disponible freine le déploiement massif de moyens de production renouvelables comme l’éolien ou le photovoltaïque.

Côté français, EDF mise sur la biomasse liquide pour décarboner des îles comme La Réunion ou la Corse. Mais ce type d’infrastructure a ses limites. La centrale du Ricanto, en cours de construction en Corse, nécessitera 60 000 hectares de culture de colza par an pour fournir les 130 MW de la centrale.

De potentielles centrales nucléaires flottantes, sous réserve que leur niveau de sécurité soit suffisant, pourraient être un atout important pour la transformation de leur mix énergétique. D’ailleurs, cette piste est également creusée du côté de l’Indonésie, qui travaille avec la société danoise Seaborg pour installer des réacteurs SMR sur des barges. Le projet de Seaborg est, en revanche, nettement plus conséquent avec 2 à 8 réacteurs de 100 MWe chacun.