Malgré d’importants gisements d’énergies renouvelables, l’île de La Réunion est très dépendante du charbon et du gasoil pour sa production d’électricité. Mais les choses changent progressivement. La plus puissante centrale électrique de l’île, qui fonctionnait jusque-là au diesel, vient d’être convertie à la biomasse liquide.
Sur l’île de la Réunion, la population est majoritairement alimentée par de l’électricité issue de trois grandes centrales thermiques. Deux hybrides, qui fonctionnaient principalement au charbon, remplacé par la biomasse durant les quelques mois de récolte de la canne à sucre. Et une, la plus puissante, qui fonctionnait au diesel. Pour un mix électrique fortement carboné, malgré la présence de centrales hydroélectriques, d’un important parc photovoltaïque et de quelques éoliennes.
Mais les choses ont changé. Les deux centrales à charbon gérées par Albioma, celle de Bois-Rouge (108 MW) et celle du Gol (122 MW), ont entamé, il y a plusieurs mois déjà, une conversion au 100 % biomasse. Avec pour objectif de mobiliser surtout des résidus de canne à sucre (la bagasse) et d’autres déchets végétaux ramassés localement. Même si, de l’aveu même d’Albioma, cela ne suffira pas. Des plaquettes forestières seront donc importées par bateau, notamment… des États-Unis, après un voyage de près de 17 000 km.
Du gasoil à l’huile de colza
Du côté de la centrale de Port-Est (210 MW) qui fonctionnait au diesel, EDF avait commencé la conversion d’un premier moteur — parmi les douze — en juin 2023, après de longs mois de préparation technique et réglementaire. En ce début décembre, c’est la fin de l’opération qui a enfin été annoncée. La centrale produit désormais de l’électricité à partir d’une biomasse liquide, essentiellement de l’huile de colza. De quoi, selon EDF, éviter l’émission de quelque 500 000 tonnes de CO2 chaque année. Et améliorer aussi la qualité de l’air pour les habitants de la Réunion, sans perte de production. Même si la Commission de régulation de l’énergie (CRE) mettait en garde il y a un an sur des surcoûts estimés à pas moins d’un milliard d’euros.
Il faut souligner que pendant les six mois qu’ont duré les travaux, la centrale a continué à fonctionner sans arrêt. « Une prouesse technique », annonce EDF. Les équipes ont en effet réussi à intégrer au calendrier de conversion des moteurs, quelques travaux de maintenance et la modification du système de pilotage de la centrale indispensable pour l’utilisation du nouveau combustible.
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À ceux qui s’inquiètent de la durabilité de la biomasse utilisée, EDF assure que le colza à la base de la production — et dont la culture n’est pas neutre en carbone — est d’abord planté pour fabriquer du tourteau à destination du bétail. L’huile nécessaire au fonctionnement de la centrale de bioénergie de Port-Est constitue ainsi un co-produit d’une culture utile. Toutefois, il n’y a aucune production de colza sur l’île de la Réunion. L’huile y sera donc transportée par bateau depuis l’Europe. Ainsi, même si elle sera produite selon les critères de la directive RED sur les énergies renouvelables, son bilan carbone, donc, sera finalement assez loin d’être neutre.
L’objectif fixé est d’atteindre l’autonomie énergétique d’ici 2040. Et donc de trouver, d’ici là, des sources d’alimentation pour les centrales à bioénergie en local. En attendant, la Réunion devrait tout de même, dès 2024, pouvoir se targuer de devenir le premier territoire français à atteindre les 100 % d’électricité renouvelable.
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