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Au cœur des causses du Quercy, près de Figeac dans le Lot, la coopérative citoyenne CéléWatt construit son 2e parc solaire. Originalité : les panneaux sont fixés sur une structure en bois brut. Remplacer les supports en acier galvanisé par des troncs de chênes provenant des forêts environnantes permet de réduire significativement l’énergie « grise » consommée pour la construction du parc et d’éviter des émissions de CO2, mais aussi de soutenir l’emploi local.
Après avoir inauguré en 2018 une première installation photovoltaïque au sol de 250 kWc dans le village de Brengues, Céléwatt projetait une 2e réalisation à Carayac lorsque Bertrand Delpeuch, son président, voit dans un magazine belge la photo d’ombrières solaires sur poteaux de bois. Au même moment il entend parler des troncs de chênes prélevés dans les forêts proches de chez lui et qui sont transportés dans les élevages de moules en Charente-Maritime.
« Pourquoi ne pas utiliser ces jeunes arbres pour construire les structures portantes de nos futures installations photovoltaïques » se dit-il ? Bertrand Delpeuch fait part de son idée à l’entreprise d’ingénierie Mécojit qui a installé le premier parc de la coopérative et lui demande de faire un test avec ces bois pour une rangée de panneaux du projet de Carayac. Enthousiastes, les responsables de Mécojit acceptent mais proposent de construire de cette façon les « tables » supportant tous les 746 panneaux du parc !
Si l’idée est simple, sa réalisation a nécessité de nombreuses heures de mise au point et d’essais. « Les bois bruts n’étant pas usinés en scierie, il faut prendre en compte leurs différentes sections et leurs imperfections. Ensuite il faut monter la structure sur un sol qui n’est pas plat » explique Olivier Saintignan, l’ingénieur de projet de Mécojit.
À lire aussi Inauguration de la toute première centrale solaire citoyenne et autogérée de FranceQuelques centaines de troncs prélevés dans une forêt de 100.000 arbres
Les troncs de chênes ont été coupés hors saison de montée de sève dans la forêt de Cabrerets, à 30 km du chantier. Comme ils ont poussé très lentement sur le sol pauvre du causse, leur cœur ( le duramen) est très dense. La coupe a été menée avec particulièrement d’attention pour garantir une gestion forestière durable. Quelques centaines de grumes seulement ont été prélevées dans une forêt de 100.000 arbres et le débardage a été fait à l’épaule pour éviter le tassement de sol par les machines et l’ouverture de chemins. La parcelle sera maintenant laissée au repos. Dans quelque temps, les jeunes pousses, en attente de développement depuis plusieurs années, auront pris la place dans la course à la lumière. L’impact du prélèvement aura disparu !
« Il s’agit d’une essence de bois très résistante et endogène, qui ne craindra pas les conditions météorologiques », précise Olivier Saintignan. « La structure est faite pour s’adapter aux déformations du bois ». Les poteaux sont assemblés par des tiges filetées boulonnées et les percements se font directement sur le terrain. Les panneaux sont fixés sur des supports qui ont une faculté de déformation pour amortir les mouvements naturels du bois. La stabilité de l’ensemble et la tenue des bois seront contrôlées visuellement tous les trois ans et une révision générale sera prévue lors de la maintenance décennale.
Pour Mécojit, ce qui était au départ un défi est devenu une innovation que l’entreprise compte proposer à d’autres développeurs photovoltaïques sous la marque «Mécowood».
« Mécojit a eu l’élégance de se lancer dans l’aventure à prix constant. Ils nous avaient déjà proposé un prix pour un deuxième parc au sol sur poteaux d’acier et nous ont confirmé le même coût pour le parc sur poteaux de bois brut » souligne Timothée Hervé, directrice générale bénévole de la coopérative.
Avec ce second parc, CéléWatt poursuit son objectif de privilégier l’emploi local. Une dizaine d’entreprises de la région auront participé au chantier.
Autofinancement
Comme pour son premier parc installé à Brengues depuis 2018, CéléWatt vise l’autofinancement de ce projet collectif, le budget de 300.000 euros étant « raisonnable ». « Ce sont des projets utiles, rapides à mettre en œuvre nécessitant seulement une autorisation de travaux » précise Timothée Hervé. « Nous comptons aujourd’hui 470 coopérateurs dont les deux tiers sont des gens d’ici », ajoute le président, Bernard Delpeuch qui explique les avantages d’une entreprise « à taille humaine ». La parcelle choisie pour son intégration dans le paysage est louée à la commune.
À lire aussi Parcs solaires participatifs : quand les citoyens s’associent pour produire leur énergieLes deux parcs de CéléWatt ont chacun une puissance de 250 kWc pour une production d’électricité annuelle correspondant à la consommation d’environ 250 personnes, soit la population d’un village. En produisant ainsi localement l’équivalent de leur consommation électrique, les habitants sont incités à réfléchir à leur mode de vie et à rechercher comment faire des économies d’énergie.
La coopérative vend l’énergie produite à Enercoop, le fournisseur coopératif d’électricité verte. « De gré à gré, hors soutien public donc avec zéro subvention » précise-t-elle.
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Commentaires
Il ne faut en effet pas négliger toute l'énergie dépenser pour construire les cadres métalliques notamment si c'est de l'aluminium et indépendamment de l'usinage nécessaire pour transformer une simple masse métallique en profilés emboitables, vissables, crochetables..... bref destinés à être assemblés.
Sans oublier le transport : je ne l'ai pas dit dans l'article car il ne faut pas être trop long (sinon les lecteurs décrochent), mais les supports métalliques du 1er parc étaient fabriqués au Portugal.
C'est très bien, mais j'ai du mal à croire que l'énergie grise consommée pour une structure d'acier pèse beaucoup par rapport à l'énergie utilisée pour fabriquer les PV qui sont posés dessus.
Et je dirais aussi que du bois mort non traité et avec son écorce, c'est le paradis des insectes. Très bien pour la bio diversité, mais il risque de ne pas durer longtemps, ce n'est pas grave, ça pousse tout seul. Un jeune arbre qui pousse stocke le CO2, le tuer et le laisser se décomposer, c'est émettre du CO2... Mais je sais que je pousse un peu, là.
C'est vraiment une excellente idée.
On passe d'un poste qui coute en énergie (et CO2), les supports, à un poste qui ne coûte pas et pourrait même être vu comme une forme de stockage de CO2.
La question relative à la % de l'acier des panneaux eux-mêmes n'en est pas une, ce sont 2 postes différents. De plus il ne s'agit pas de croire, mais de mesurer (ou de poser des questions).
Ca va être super pour les insectes dans l'écorce, mais le centre est bon pour 25 ans au moins vu la situation "hors sol". En se décomposant, le bois constitue majoritairement de la matière organique dans le sol, avant de, au bout du bout, éventuellement être totalement relâché en CO2.
S'il s'agit de bois d'éclaircie (ce que la photo suggère) ils ont simplement échappé à l'incinération.
Bref, c'est une vrai bonne idée. Peut-être pas économiquement rentable, mais sur le plan des matériaux et d'une dynamique circulaire locale, c'est un vrai bon pas en avant.
-Bravo à cette initiative (et merci pour l'article).
Sans oublier l'ennemi n°1 du bois: les champignons, ils digèrent la lignine et rendent le bois friable et poreux. La maintenance décennale sera plutôt un remplacement total des supports en bois.
Je ne l'ai pas écris dans l'article pour ne pas être trop long (sinon les lecteurs décrochent), mais il a été tenu compte du risque de colonisation des pièces de bois par les champignons. Par contre je n'ai pas d'info sur les mesures prises pour éliminer ce risque (raison pour laquelle je n'en ai pas parlé).