Les miroirs solaires, parmi le processus de production de la bière Hélie / Image : Hélie, montage RE.
Prix de l’énergie, menace sur l’environnement, souveraineté, nombreuses sont les raisons qui poussent à chercher des alternatives pour la production d’énergie. Et ceci dans tous les secteurs de l’économie, dont bien sûr la fabrication de la bière. Venez découvrir avec nous la brasserie Hélie, qui fait la part belle au soleil.
« En France, nous n’avons pas de pétrole, mais nous avons des idées », le slogan date de 1976. Il avait pour contexte les chocs pétroliers, mais il s’applique à merveille à Romain Zamboni. Ingénieur de formation, il est convaincu de la nécessité d’un changement dans notre mode de production et de consommation de l’énergie.
Mais il n’en reste pas au simple constat, et met en pratique ses convictions. Il est impliqué depuis de nombreuses années dans le low-tech, cette approche de la technologie visant la simplicité et l’efficience. Depuis 2021, il construit Hélie, une microbrasserie placée sous le signe de l’inventivité énergétique. Cet été, il a lancé ses premiers produits et a inauguré son commerce les 16 et 17 septembre derniers.
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Nous n’y songeons pas vraiment lorsque nous la dégustons, mais le procédé de fabrication de la bière consomme de l’énergie. Pour fournir cette énergie, Romain s’est basé sur le soleil. Après tout, les céréales utilisées pour la production de bière font appel au soleil par la photosynthèse, pourquoi pas pour la suite du procédé ? Ce dernier a été optimisé autant que possible à chaque étape pour en tirer le meilleur parti. Nous allons voir comment.
Nous commençons par le brassage, au cours duquel le malt concassé est mélangé dans une cuve avec de l’eau chaude. Lors de cette étape, les enzymes issus du malt vont convertir les amidons en sucres fermentescibles. Cette étape dure plusieurs heures, et nécessite une température constante, de l’ordre de 66 °C, et dont la valeur exacte est dépendante de la recette choisie.
Pour fournir cette chaleur, ce sont trois panneaux solaires thermiques classiques qui ont été disposés dans la cour, face au sud, et qui par le biais d’un circuit fermé, réchauffent un réservoir isolé contenant l’eau destinée au brassage. Le mélange avec de l’eau froide permet de calibrer la température souhaitée.
Les panneaux solaires thermiques fournissent la chaleur pour le brassage / Image : Romain Zamboni.
Du solaire à concentration pour atteindre l’ébullition
Lors de l’étape suivante, le mélange est filtré de façon à récupérer un jus riche en sucres, appelé « moût ». Le moût va alors être porté à ébullition. Pour ce faire, il faut une puissance thermique importante, et les panneaux solaires thermiques utilisés précédemment ne suffisent pas à obtenir une température suffisante.
Romain a opté pour un système solaire thermique à concentration de la société finlandaise Lytefire, qui propose un guide de construction pour répliquer son modèle. Les miroirs concentrent la lumière du soleil sur la cuve où se trouve le moût. Pour suivre le trajet du soleil dans le ciel, le système est placé sur roulettes, et oblige à de fréquents ajustements. Romain songe à un système mécanique pour automatiser cette rotation.
Le concentrateur solaire utilisé pour l’ébullition / Images : Romain Zamboni.
Fermentation et mise en bouteille
Lorsque le moût arrive à ébullition, on y introduit ensuite le houblon, responsable notamment de l’amertume de la bière. Le mélange bouilli est ensuite refroidi rapidement jusqu’à 25 °C. Le refroidissement est assuré par de l’eau froide du réseau. Une fois cette eau réchauffée, elle est récupérée dans la première cuve, celle chauffée par les panneaux solaires. Cela constitue un intéressant cas de recyclage thermique au sein d’un procédé.
Après le refroidissement, vient l’étape de fermentation, pouvant durer de quelques jours à plusieurs semaines, selon la recette. Des levures sont insérées dans le mélange. Elles serviront à transformer en alcool les sucres extraits du malt. La fermentation produit de la chaleur, et, pour assurer une température stable, il est nécessaire de recourir à des groupes froids, alimentés en électricité ; sur ce point, il faut faire appel au réseau. Pour augmenter encore son taux d’utilisation de l’énergie solaire, Romain envisage de s’équiper de panneaux photovoltaïques pour produire cette électricité, ainsi que d’un système pour stocker le froid, sous forme d’eau glacée par exemple.
Après fermentation, la bière est mise en bouteille, étiquetée puis stockée, avant sa mise en vente. Point notable : les bouteilles sont consignées, et l’organisation de la filière de réemploi au niveau local est assurée par la société J’aime Mes Bouteilles. Au passage, notons que Romain se fournit en malt labellisé bio.
Une délicate recherche d’équilibre
L’ensemble de ces opérations est bien sûr dépendant des rythmes du soleil, et de la météo, notamment l’ennuagement et la pluie. Ainsi, après une bonne saison de production cet été, l’activité de brassage a été nettement réduite pendant ce mois de novembre très nuageux et pluvieux. Même en été, pour s’assurer de ne pas manquer une production en cas de soleil trop timide, Romain doit parfois compter sur une résistance électrique pour apporter un appoint au chauffage de l’eau destinée au brassage.
Mais il serait faux d’affirmer que l’histoire s’arrête là. Romain réfléchit en permanence à son procédé, et aux moyens de l’améliorer. Notamment les questions d’organisation, cruciales, le rythme de travail entre activités de production et activités commerciales. Cette réflexion ne va pas de soi dans un environnement industriel conventionnel, mais, après tout, elle est bien celle que doivent mener ces nombreuses professions dépendantes des cycles naturels, ne serait-ce que l’agriculture ou la fabrication du vin. Par ailleurs, des méthodes sont en train d’émerger pour adapter la production industrielle aux approvisionnements en énergie intermittents ; citons la méthode TELED.
Romain réfléchit également sur le développement de son procédé, qu’il voit aujourd’hui comme une installation pilote. Il cherche en particulier à développer un concentrateur plus adapté à ses besoins, qui impliquerait de la production de vapeur, et cherche activement des investisseurs pour le suivre dans ce projet, avec une approche open-source. Il est certain qu’il s’agit d’une aventure qui sera en constante évolution, riche en idées, une émulsion. Pour vous l’illustrer, lorsque nous avons discuté avec Romain des moyens de stockage de l’énergie thermique, il a répondu : « Le meilleur stockage, c’est dans le produit ! ». C’est tout à fait vrai, surtout lorsque le produit est bon !
Pour retrouver Hélie : 4 rue de Fesches, 25490 Dampierre-Les-Bois.