Cet immeuble stocke de l’électricité en inondant sa toiture


Cet immeuble stocke de l’électricité en inondant sa toiture

Le toit-réservoir de la résidence Goudemand à Arras / Image : Pas-de-Calais Habitat.

En reproduisant le principe de fonctionnement de certaines centrales hydroélectriques, un complexe HLM du Pas-de-Calais a rendu ses parties communes autonomes en énergie. Une curieuse installation qui permet d’explorer une alternative aux batteries pour le stockage résidentiel d’électricité.

Si le toit de la résidence Goudemand à Arras (Pas-de-Calais) est complètement inondé, ce n’est pas parce que les gouttières sont obstruées. Les 30 centimètres d’eau qui recouvrent l’un des trois bâtiments du complexe HLM servent à stocker de l’électricité renouvelable.

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Rien de magique ici : le concept est identique à celui des STEP (stations de transfert d’énergie par pompage-turbinage), ces centrales hydroélectriques qui déplacent l’eau de réservoirs situés à différentes altitudes pour accumuler ou produire du courant.

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10 000 litres d’eau pour stocker quelques kilowattheures

Sur la résidence Goudemand, le principe est appliqué à toute petite échelle. L’immeuble de 10 étages pour une trentaine de mètres de haut remplace la montagne. Son toit fait office de réservoir supérieur : il accumule jusqu’à 60 m³ d’eau sur 200 m² et 30 cm de profondeur. Le réservoir inférieur est constitué de 5 cuves en plastique placées en sous-sol et dont la capacité totalise 10 m³. Les deux réservoirs sont reliés par une pompe et une turbine.

Lorsqu’il faut « recharger » le dispositif, la première est mise en route. D’une puissance de 1,5 kW, cette pompe multicellulaire puise l’eau des cuves en sous-sols vers le bassin en toiture pour stocker de l’électricité sous forme d’énergie potentielle de pesanteur. À l’inverse, pour « décharger », l’eau du toit chute vers les cuves en traversant une petite turbine Pelton de 0,45 kW, ce qui génère de l’électricité.

À gauche : le toit de la résidence Goudemand / Image : Pas-de-Calais Habitat. À droite : ses réservoirs et sa turbine Pelton  / Image : Guilherme de Oliveira e Silva.

Un rendement médiocre comparé aux batteries

La pompe est alimentée par 2 mini éoliennes à axe vertical d’une puissance unitaire de 0,5 kW et un parc photovoltaïque de 2,2 kWc, eux aussi déployés sur la toiture. Leur production variable est d’abord stockée dans un petit parc de batteries plomb-acide de 24 kWh de capacité. La mini STEP ne prend le relais en pompant que lorsque les batteries sont pleinement chargées. Plus tard, une fois ces dernières déchargées, le dispositif hydroélectrique passe en mode turbinage pour les recharger.

Selon les recherches de l’ingénieur Guilherme de Oliveira e Silva, publiées dans Water Power Magazine, la capacité de stockage utile de la mini-STEP s’élève à seulement 3,5 kWh. Son rendement se situerait entre 25 et 35 %, ce qui est très mauvais au regard des 70 à 80 % revendiqués par les grandes STEP de montagne et les 90 % des batteries.

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L’ensemble batteries, mini STEP, éoliennes, panneaux solaires permet d’assurer l’alimentation en totale autonomie des parties communes du complexe HLM, à l’exception des ascenseurs. Il s’agit principalement de l’éclairage des couloirs et escaliers, composé d’ampoules LED particulièrement économes et piloté par des capteurs de présence, ainsi que des interphones. Rien de très gourmand en énergie, en somme.

Une expérience très coûteuse

Son coût, qui n’a pas été publiquement dévoilé, est estimé à 73 000 € selon Water Power Magazine. Un investissement qui parait bien trop élevé au regard du service rendu. À elle seule, la mini STEP aurait coûté 38 000 €. En utilisant uniquement des batteries au lithium, la facture aurait pu être considérablement abaissée, assure la publication.

Le projet n’a d’ailleurs pas été reproduit, contrairement à ce que laissait imaginer Pas-de-Calais Habitat, le bailleur social et commanditaire de l’opération, lors de l’inauguration fin 2012. Il annonçait pourtant un modèle réplicable sur 30 % de son parc (12 000 logements), selon un article du Moniteur. L’opération devait faire économiser 50 € par an et par logement aux 240 locataires de cet HLM.

Dix ans plus tard, qu’est-il advenu du système ? Les estimations étaient-elles justes ? La mini STEP a-t-elle permis d’économiser sur la facture d’électricité ? Malgré nos innombrables prises de contact et relances et à notre grand regret, Pas-de-Calais Habitat n’a jamais donné suite à nos demandes d’informations. En mars 2022, les éoliennes en toiture étaient toujours visibles depuis la rue, d’après les images de Google Streetview.

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