Les électrolyseurs permettent d'extraire l'hydrogène de l'eau. Photo : McPhy
Dans la course à l’hydrogène vert, le groupe belge John Cockerill a pris une longueur d’avance. Pour répondre au marché des électrolyseurs qui s’envole, l’industriel investit 100 millions d’euros dans deux usines de fabrication, l’une à Seraing dans la banlieue liégeoise, l’autre sur son site d’Aspach en Alsace. Celle-ci devrait commencer à produire d’ici la fin de l’année. La première gigafactory française d’électrolyseurs sera sans doute belge.
L’hydrogène sera-t-il la recette miracle qui sauvera notre climat ? Rien n’est moins sûr, mais l’Europe et dans son sillage plusieurs gouvernements, semblent y croire. L’un après l’autre, ils ont élaboré des plans agrémentés de plantureux subsides pour développer la filière. En septembre dernier, la France présentait le sien, financé à hauteur de 7 milliards d’euros, afin de soutenir la production d’hydrogène vert, pour décarboniser l’industrie et les transports.
Une opportunité que de nombreux industriels comptent bien saisir en investissant notamment dans des capacités de production d’électrolyseurs, ces installations qui permettent de décomposer l’eau pour produire de l’hydrogène.
La Commission européenne prévoit en effet de porter la capacité de production des électrolyseurs de l’Union, de 1 gigawatt (GW) actuellement à 6 GW d’ici 2024. Ce projet nécessitera 20 à 40 milliards d’euros d’investissements, en plus des centaines de milliards nécessaires pour renforcer la production d’énergie verte.
Pour 2030, le secteur pense pouvoir atteindre 40 GW d’électrolyseurs sur le sol européen et autant dans les pays limitrophes. Il ne faudra donc pas attendre longtemps avant de voir la concurrence s’intensifier. D’autant que les pétroliers qui cherchent à se diversifier, s’intéressent aussi à la filière.
Une longueur d’avance pour John Cockerill
Si dans cette course, le français McPhy semble bien placé, le groupe belge d’ingénierie John Cockerill a la chance de posséder une longueur d’avance. Actif notamment dans les équipements pour la sidérurgie, il maîtrise déjà depuis tout un temps la technologie de fabrication de l’hydrogène par électrolyse. Grâce à cette expertise, l’industriel liégeois est un des rares acteurs mondiaux capables de fabriquer des électrolyseurs de 5 MW. Il compte présenter prochainement sur le marché des unités de 7,5 MW et bientôt de 10 MW pour arriver à 20 MW d’ici 2024-2025.
Basé à Seraing dans la banlieue liégeoise depuis sa fondation en 1817 par le britannique John Cockerill, l’entreprise a de tout temps développé des activités de construction mécanique. Si, à ses débuts, elle s’est fait la main en fabricant des machines à vapeur, des canons et des métiers à tisser, elle s’est diversifiée aujourd’hui dans la sidérurgie, l’énergie, l’environnement, les transports et les infrastructures. Affichant en 2019 un chiffre d’affaire de 1,26 milliards d’euros, le groupe emploie près de 6 000 salariés dans 23 pays, dont 1 900 sur 34 sites en France. Pour accélérer son développement dans l’hydrogène, il a pris en 2019 une participation majoritaire de 56 % dans CJH (Cockerill Jingli Hydrogen), principal fabricant chinois d’électrolyseurs.
Une gigafactory d’électrolyseurs en Alsace
Interrogé par la journal économique et financier La Tribune, Jean-Luc Maurange, le PDG de John Cockerill, n’a pas caché que la France représentait l’un des trois marchés prioritaires du groupe, avec la Belgique et l’Allemagne.
Sur les 100 millions que John Cockerill projette d’investir sur 4 ans dans l’hydrogène vert, 38 millions seront consacrés au site d’Aspach dans le Haut-Rhin pour y installer une usine d’électrolyseurs alcalins de grande puissance, l’objectif étant d’atteindre une capacité de 1 GW en 2025. Ce sera donc bel et bien une « gigafactory ».
Les premiers démonstrateurs devraient être prêts d’ici la fin d’année 2021 pour une montée en charge en 2022. Ce plan correspond à la création de 150 emplois à répartir entre la France et la Belgique, puisqu’une autre unité de fabrication d’électrolyseurs sera également installée au siège de Seraing.
McPhy s’installera probablement à Belfort
Dans la course à l’hydrogène vert, l’industriel français McPhy est également sur les rangs. Implanté dans la Drôme, il s’est spécialisé lui aussi dans la fabrication d’électrolyseurs et a levé cet automne 180 millions d’euros pour poursuivre son développement. Au cours des 4 prochaines années, McPhy veut notamment investir dans « les dépenses de recherche et d’innovation, en mettant l’accent sur le développement d’électrolyseurs de très grande capacité pour cibler les projets de grande envergure », précise l’entreprise qui n’a pas encore annoncé l’endroit où sera installée son usine.
Le secteur de Belfort-Montbéliard dans le nord Franche-Comté a toutefois des chances de l’emporter. S’il s’y installe, l’industriel français est en effet assuré de recevoir une aide de 100 millions du fonds Maugis. Celui-ci est chargé de gérer la pénalité imposée à General Electric pour le non-respect des créations d’emploi auxquels le géant américain s’était engagé lors du rachat de la branche énergie d’Alstom.
Commentaires
Tant mieux si on peut développer une vraie filière d'hydrogène d'origine renouvelable, c'est nécessaire pour certaines industries, en particulier la sidérurgie si on doit se passer de charbon, la production d’ammoniac (ont peut espérer voir sa consommation agricole baisser, mais certains le voient comme un remplaçant du fioul pour les bateaux), et tous ces autres usages actuels...
Aujourd'hui 2% des émissions mondiales qui sont directement liées à la production d'hydrogène.
Pour ce qui est des transports, en particuliers les transports routiers, le vecteur hydrogène représente un énorme gâchis énergétique, en nécessitant plus de deux fois l'électricité utilisée par un véhicule équivalent à batteries.
Donc, OK pour l'hydrogène vert, même si on doit en subventionner le lancement, mais de grâce arrêtons avec tous ces prototypes de bus / voitures / camions et stations à hydrogène qui nous coutent des centaines de millions en nous distrayant des vraies solutions.
Tout à fait! Ceci dit, électrolyse n'est pas synonyme d'hydrogène vert. L'électricité nécessaire peut très bien être nucléaire voire charbonnière. Alors certes, on voit bien les électrolyseurs tourner à fond lorsque le tarif électrique devient négatif tellement le vent souffle partout dans les turbines, mais ce n'est qu'une petite partie du temps. On ne laissera pas des installations industrielles lourdes non utilisées pendant le reste du temps.
Je réfute la "petite partie du temps"
Si nous nous dirigeons vers les 100% renouvelable il faudra que que ces renouvelables, donc en grande partie des éoliennes assurent le "socle minimum" du besoin quasiment en permanence c'est à dire une production comprise probablement (à la louche) entre 50 et 55 GW par vent assez moyen le reste étant assuré en journée par le Solaire et les autres moyens hydro, bio, géothermie, puis plus tard hydroliennes, houliennes,.... Cela implique que dès que le vent sera supérieur à cet "assez moyen" il deviendra disponible pour la production H2, c'est à dire tres tres souvent assez faiblement, souvent de façon intéressante, et assez souvent de façon très productive, et exceptionnellement tres tres productive...... Loin de votre emploi marginal de l'éolien pour le H2, car cela signifierait que sa part dans la fourniture du mixe électrique est elle-même marginale.