Les réseaux de chaleur urbains desservent l’équivalent de 2,4 millions de logements en France. Et si l’on utilisait de petits réacteurs nucléaires pour alimenter ces réseaux en chaleur ? L’idée fait son chemin. Découvrez Calogena, un projet français parmi les plus sérieux en la matière.
Le réseau de chauffage urbain est une idée ancienne, et le premier réseau de chaleur en France date du XIVᵉ siècle. Le village de Chaudes-Aigues, dans le Massif Central, abrite la source du Par, une source géothermique des plus intéressantes : avec un débit moyen de 17 m3/h et une température de l’ordre de 80 °C, il s’agit de la source la plus chaude d’Europe.
Les habitants du village ont construit un réseau de canalisation en bois pour conduire l’eau chaude de la source jusqu’aux habitations, dans l’objectif de les chauffer pendant l’hiver. Il n’y avait pas alors besoin de pompes, puisque les sources étaient situées en hauteur et la seule gravité permettait l’écoulement. Aujourd’hui, c’est une technologie plus avancée qui se propose de fournir en chaleur un réseau interconnecté d’habitations et de bâtiments tertiaires. Le groupe Gorgé développe en effet le projet Calogena, un petit réacteur nucléaire non pas destiné à produire de l’électricité, mais uniquement de la chaleur pour un réseau de chauffage urbain.
Un SMR pour chauffer les villes
Il s’agit d’un projet de réacteur de très faible puissance. Sa puissance thermique est en effet de 30 MWth, soit moins de 1 % de la puissance thermique de l’EPR, qui s’élève à 4 850 MWth. En conséquence, le réacteur est de très petite taille : le cœur mesure moins d’un mètre-cube. Il suffirait à alimenter en énergie de chauffage l’équivalent de 12 000 foyers.
Le réacteur est conçu sur la base de la simplicité. Il fonctionne à basse pression (5 bars) et à basse température (100 °C), ce qui permet une conception technique plus simple que les réacteurs à eau pressurisée classiques (155 bars et 300 °C). L’utilisation directe de la chaleur permet en outre de se passer d’un complexe circuit de conversion de puissance. Du fait de cette simplicité, le groupe Gorgé revendique une plus grande sûreté, comparativement aux systèmes concurrents.
L’efficacité au cœur du concept
Rappelons que le modèle actuellement mis en œuvre pour l’énergie nucléaire civile est celui basé sur la production électrique, alimentant ensuite notamment des systèmes de chauffage électrique. Pour y parvenir, il faut générer de la chaleur, qui, par l’entremise d’un circuit thermodynamique, permet de générer de l’électricité. Cette conversion n’est pas gratuite énergétiquement, elle conduit à des pertes thermiques très importantes. Par exemple, dans le cas de l’EPR, seuls 1 660 MW d’électricité seront produits à partir des 4 850 MW de chaleur.
Cette chaleur est ensuite gaspillée dans l’environnement : un cours d’eau, la mer et/ou l’atmosphère, selon le type de refroidissement choisi. Si des projets de cogénération nucléaire, permettant de récupérer une partie de cette chaleur, ont été régulièrement envisagés en France, ils n’ont pas abouti à ce jour. Le principal obstacle réside notamment dans le coût d’investissement dans le très long conduit de chaleur à prévoir entre les villes et les centrales, éloignées de ces dernières. Cet investissement est d’autant plus important qu’il faut soigneusement isoler le conduit pour limiter les pertes thermiques.
La solution du projet Colgena permet d’utiliser directement la chaleur pour le chauffage, et donc de multiplier par trois environ l’énergie directement utilisable. L’efficacité est donc au rendez-vous. L’écueil de la distance aux réseaux de chauffage urbain persiste toutefois, et l’on peut supposer que les réacteurs seront construits près des villes. On imagine que l’acceptabilité locale ne sera pas acquise sans de solides garanties concernant leur sûreté.
Le projet est soutenu par l’État français, comme l’indique le communiqué de presse du 28 novembre 2023 du groupe Gorgé. Il a reçu en effet une subvention de 5,2 millions d’euros dans le cadre de l’appel à projet France 2030. Soutenu par de grands noms de l’industrie nucléaire française, L’ETI familiale estime être en mesure de déployer sa solution en 2030.
Un des grands dangers face à l’urgence climatique, c’est de céder à la panique et de faire n’importe quoi !
« Le principal obstacle réside notamment dans le coût d’investissement dans le très long conduit de chaleur à prévoir entre les villes et les centrales, éloignées de ces dernières. Cet investissement est d’autant plus important qu’il faut soigneusement isoler le conduit pour limiter les pertes thermiques. » Pour moi, ce motif est bidon. Le réseau de gaz naturel en France fait à lui seul plus de 32000 km de tuyau. Et je ne parle même pas des couts de raccordement des parc éolien en mer qui se chiffre en milliards. Les raisons qui font qu’on n’a pas developpé la cogénération nucléaire en France… Lire plus »
Vous avez raison : https://www.iaea.org/fr/newscenter/news/au-dela-de-la-production-delectricite-lelectronucleaire-au-service-des-applications-non-electriques
Non en fait le pb vient de la faible utilisation du chauffage collectif en France en plus de l’éloignement des centrales. En gros pas assez de clients pour un investissement important. Idéalement il faudrait une centrale proche de Paris ou de Lyon et là ça devient compliqué.