Illustration : Révolution Énergétique, Image : Jean-Christophe André - Pixabay.
Le projet Katabata consistant à installer plus de 10 000 éoliennes terrestres au Groenland vient de franchir une étape importante : les trois stations météo installées au sud de l’île en 2020 démontrent la faisabilité de produire annuellement 220 TWh d’énergie éolienne.
Il y a deux ans, dans notre article « Le Groenland sera-t-il l’eldorado de l’Europe ? », nous vous présentions le projet un peu fou de trois scientifiques belges. Damien Ernst, Xavier Fettweis et Michaël Fonder, de l’Université de Liège, envisageaient d’implanter 10 000 éoliennes sur la pointe sud du Groenland.
Si le projet, dénommé Katabata, paraissait utopique de premier abord, il vient toutefois d’être validé par les relevés de données scientifiques réalisés sur place. « Il existe là-bas un phénomène météo particulier qui en fait un des endroits les plus venteux du monde », affirmait Damien Ernst, professeur et spécialiste en électricité à l’ULiège.
Il y a en effet deux courants de vents importants : le synoptique, lié à l’anticyclone souvent centré sur l’Islande, et le catabatique, qui a donné son nom au projet « Katabata », venant du Pôle Nord et glissant jusqu’à la pointe sud du Groenland.
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La calotte glaciaire culmine à 3 000 mètres d’altitude. Les masses d’air refroidies prennent de la vitesse et créent les vents catabatiques. Les deux types de vents s’additionnent et soufflent en moyenne à 60 km/h, avec des rafales variant entre 100 et 200 km/h, depuis le centre du pays jusqu’aux rivages méridionaux de l’île.
Le météorologue Xavier Fettweis, qui a étudié la fonte des neiges au Groenland, avait déjà élaboré un modèle mathématique du phénomène des vents sur place. Il ne restait plus qu’à vérifier si les données du modèle numérique étaient correctes en effectuant des relevés sur place.
C’est pourquoi le doctorant Michaël Fonder est parti pour le sud-est de l’île à bord du voilier Uno Mundo en été 2020 afin d’y installer trois stations météo équipées d’anémomètres.
Le projet validé scientifiquement à 90 %
Deux ans plus tard, les premières données enregistrées livrent leurs résultats et valident à plus de 90% les théories des trois scientifiques : les vents soufflent en permanence à plus de 60 km/h, ce qui représente un potentiel éolien par unité de surface trois plus élevé qu’en Mer du Nord, et six fois plus élevé que celui des éoliennes terrestres installées en Wallonie par exemple.
Certes, la plupart des éoliennes sont mises à l’arrêt lorsque les vents frisent les 100 km/h, mais Damien Ernst reste confiant, et est persuadé que nous pouvons concevoir des éoliennes qui continueront à tourner avec des vents de 130 km/h.
L’étude se poursuivra pendant trois ans. Si les données mathématiques sont bien confirmées, c’est un véritable hub énergétique de plusieurs dizaines de milliers d’éoliennes qui pourrait voir le jour et alimenter le continent européen.
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Dans une contrée aussi inhospitalière, les défis techniques à relever et les obstacles à surmonter pour réaliser un tel projet seront considérables.
À commencer par l’installation de milliers d’éoliennes dans un environnement hostile, constamment balayé par des vents froids et violents.
Mais le jeu semble en valoir la chandelle. Et ce n’est pas la récente explosion des prix de l’électricité qui démontrera le contraire.
Il a en effet été calculé que 10 000 éoliennes installées sur l’île pourraient produire jusqu’à 220 térawattheures (TWh) d’électricité par an. C’est l’équivalent de près de la moitié de la consommation annuelle d’électricité en France (468 TWh en 2021), ou encore de tout le gaz naturel brûlé chaque année en Belgique.
La rentabilité du projet est vite démontrée, d’autant que, même en revenant aux prix du gaz d’avant la crise ukrainienne, il resterait profitable grâce à la taxe CO2 évitée.
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Le projet Katabata a pour objectif de fournir à l’Europe d’énormes quantités d’électricité ultra-bas carbone. Mais il reste à définir la solution pour exporter le puissant courant sur les milliers de kilomètres qui séparent l’extrême sud du Groenland au continent. À vol d’oiseau, Paris est à 3 150 km, Hambourg (Allemagne) à 3 140 km et Belfast (Irlande-du-Nord), grande ville la plus proche, est à 2 300 km.
Pour ce faire, plusieurs solutions existent : l’une, la plus couramment utilisée, consiste à acheminer l’électricité en courant continu grâce à des câbles haute tension (CCHT, ou HVDC en anglais). La deuxième solution consiste à transformer l’énergie produite sur place en méthane (CH4), et à la convoyer ensuite par bateau jusqu’en Europe.
Mais Damien Ernst va plus loin et imagine une troisième alternative : produire de l’e-fuel grâce aux éoliennes. La solution consiste à générer de l’hydrogène à partir de l’électrolyse de l’eau. Ensuite, en ajoutant à l’hydrogène du CO2 déjà présent dans l’atmosphère, on peut produire tous les hydrocarbures que l’on souhaite.
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À l’heure de la sobriété énergétique, une telle idée est-elle écologique ? Le scientifique rassure : « Ici, nous ne produisons pas du nouveau CO2, nous réutilisons un CO2 déjà présent dans l’atmosphère que nous brûlons. Donc, c’est une forme de circuit fermé ».
Si le projet obtient tous les feux verts, il restera alors à trouver les investisseurs pour le réaliser. Mais, avec un facteur de charge [1] estimé à 80%, soit le double de celui de nos éoliennes offshore, les candidats pour l’exploitation des éoliennes ne devraient pas manquer.
[1] Le facteur de charge d’une éolienne est le rapport entre l’énergie effectivement produite sur une période donnée et l’énergie qu’elle aurait produite si elle avait fonctionné à sa puissance maximale durant la même période.
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Commentaires
Je reprends car dans la précipitation, je pense avoir oublié le facteur temps, c'est à dire la production d'une éolienne au cours de l'année par rapport aux réacteurs nucléaires dont la production affichée est elle aussi annuelle et j'ai confondu WATTS & KILOWATTS ! Donc méa culpa ! Dites moi si je me trompe ou pas dans le calcul, j'suis pas très fort en calcul, En 2017, les réacteurs nucléaires ont produit dans l'année 379 terawatts/heure (379.000.000.000. KW/h) - Au mieux du temps et du vent, une éolienne produit 99,53 KW/h quotidiennement. Dans l'année de 365 jours, à supposer qu'elle tourne en permanence, une éolienne produit donc 99,53 KW/h X 365 jours = 36328,45 KW/h. Faites la division entre 379 000.000.000 KW/h et 36328,45 KW/h = 10 432 594,83 d'éoliennes -
Ybor, encore un mercenaire du lobby nucleaire qui s entremele les pinceaux pour tenter de justifier l injusticable. Tu me fais pitie. Bonne chance. Peut etre, vas tu trouver des cerveaux a un neurone qui suivent ton raisonnement.
Si Ybor fait parti du lobby nucléaire, alors Michel fait parti du lobby ENR, ce qui est strictement la même chose puisque, pour rappel, un lobby est "un groupe de pression sur les personnes détenant le pouvoir dans le but de favoriser leurs propres intérêts" (définition plus précise dans n'importe quel dictionnaire ou Wikipédia).
Maintenant, si les lobbys des ENR et du nucléaire s'affrontent, cela montre bien une chose, c'est que aucun des 2 (sous-entendu Ybor et Michel) n'ont rien compris à la situation.
En réalité, tout le monde devrait se lier contre les lobbys des énergies fossiles.
Beaucoup de confusion entre puissance et énergie. La puissance, c'est une valeur instantanée et l'énergie, c'est la puissance sur une unité de temps (par exemple 1kW est une puissance. 1kW produit pendant une heure correspond à 1kWh).
Pour te répondre, j'ai fait la comparaison entre un EPR d'une puissance de 1630MW et une SG6.6 (éolienne terrestre de 6.6MW). Il faut 860 éoliennes par réacteur pour avoir la même production d'énergie (attention, ce n'est pas valable pour la puissance instantanée fournie au réseau, c'est intermittent après tout).
En terme de coût (hors frais de mise en réseau), on est assez similaire: dans les 200 million € par an et par équivalent réacteur sur 60 ans (donc en comptant un changement d'éoliennes à 30 ans de durée de vie).
Reste à gérer le problème de l'intermittence. Les écolos ont tendance à mettre en avant le foisonnement (si on a des éoliennes dans toutes les régions, il y a forcément du vent quelque part pour faire tourner des éoliennes). Malgré le fait que ce soit assez simpliste et que ça passe sous silence de nombreux points (les interconnexions entre les régions à booster par exemple), la théorie se tient. J'ai vu une simulation de production en fonction des données météo de la décennie passée et le plan se tient. Après, avec le déréglement climatique, est-ce pertinent et est-ce que ça prend en compte les évènements météo aberrant ? Je ne saurais le dire, je n'ai pas totalement étudié la simulation (par manque de temps plus que d'envie).
Après, on parle quand même de quelques 30 000 éoliennes. Ça peut paraître beaucoup mais celles qu'on a sont regroupés globalement dans 3 régions sur 22, on devrait trouver la place sans bousiller des parcs naturels.
Éoliennes ou nucléaire, peut importe. Il faut produire plus. La finalité est la même.
Je suis d'accord avec Mishra, et j'ajouterais qu'il n'y a pas vraiment d’intérêt à ce genre de calcul comme cela sans contexte et sans expliquer ce que l'on cherche à démontrer.
Quand on fait une soupe, on ne dit pas que 2 poireaux = 3 patates, on a besoin de tout dans les bonnes proportions pour avoir un bon gout, une bonne texture...
Ici c'est la même chose, ces 2 moyens de production sont complémentaires.
L'endroit est très intéressant, peux être un des seuls de la planète où installer des éoliennes est profitable...Mais, parce qu'il y a un mais, transporter de l'électricité sur de très très longues distance en continu est une idée caduque , quel que soit la tension ( et oui, en alternatifs ça va vachement plus loins ), mais du coup, comptez vous la conversion électrique continu/alternatif ? Pareil, en terme de rendement, l'hydrogène par électrolyse n'est vraiment pas terrible , ni du fait que l'on doit le compresser (1watt sur deux)pour ne pas devoir surdimensionner ses conteneurs...sans compter que l'on ne sais pas le stoker sans "fuites" dûe à la nature même de ce gaz. Ce gaz est un gaz à effet de serre terriblement plus efficace que le CO2 qui vous gêne tant...(alors que le CO2 représente que 0.04% des gaz à effet de serre, et qu'un plus grande concentration accélére le développement des plantes)
Enfin, le projet va avoir un coût démesuré, on va mettre des tonnes de bétons dans une des rares endroits où l'homme ne s'est pas vraiment installé...un peu comme si tu allais en amazone couper l'équivalent de la Belgique pour mettre des panneaux solaire et ce sentir écolo...
Tres bonne analyse
Pour transporter de l energie sur des tres longues distances, il faut demander aux chinois; ils le font deja avec de nombreux parcs solaires et eoliens installes a la peripherie du desert de Gobi et les regions industrielles de l est ( ligne ultra-haute tension en courant continu de 1 100 kV, la Chine a établi un record. Les résultats parlent d'eux-mêmes : la construction chinoise est désormais capable de transmettre 12 GW sur plus de 3 000 kilomètres entre le nord-ouest et l'est du pays.)
Concernant le transport, c'est l'inverse. Le transport en DC est bien meilleur que l'AC sur de longues distances (moins de cuivre, tours plus légères et moins hautes sur terre, câble sous-marin plus facile à ancrer et moins d'isolant). Pour info, en câble enterré pu sous-marin, la limite est de 100km pour du AC (pas de limite pour le DC mais les pertes augmentent avec la distance).
On parle de 3% de perte par effet joule sur 1000km, donc dans les 10% pour relier l'Europe.
Concernant la conversion AC/DC (et inversement à l'arrivée), avec des convertisseurs multi-niveau, le rendement est bon (1% de perte par station). Si la technologie SiC remplace les IGBT de façon fiable, ça va même baisser.
Dans le cas qui nous occupe et en prenant le prix de l'électricité avant COVID (depuis, c'est devenu n'importe quoi), on est de l'ordre de 5 ans de production pour rentabiliser l'investissement (maintenance pour 25 ans comprise). Pour des machines avec une durée de vie de 25 ans, c'est pas si déconnant.
La théorie se tient plutôt bien, même sans passer par un réacteur Sabatier pour produire du méthane (pour les réseaux de gaz) ou Haber-Boch pour l'ammoniac (très utile pour le transport maritime).
Dans la pratique, il faudrait multiplier le nombres de mines par 4 pour le cuivre, par 6 pour l'aluminium et augmenter les capacités de traitement des métaux ou du silicium. Et c'est sans compter sur les oppositions à tout va qui transforme n'importe quel projet en guerre d'usure.
Un projet qui se tient mais qui n'a aucune chance de voir le jour.
De meme cela decapite le peu de nature vierge restante
Grâce à ses 58 réacteurs répartis sur 19 centrales, le parc nucléaire français est aujourd'hui le plus grand d'Europe. En 2017, il a permis de produire près de 379 TerraWatts-heure (1 terra watt c'est mille milliards de watts) - Une éolienne en calculant au mieux de son rendement, produit 99.53 kW-h (1 kilo watt c'est mille watts) - Calculez : 379.000.000.000.000 watts-h divisé par 99,53 watt-h = 3807.897.116.447,302 éoliennes à construire pour une électricité verte à la moitié de l'Europe... Conclusion, des forêts d'éoliennes à travers l’Europe !!!
https://www.lefigaro.fr/conjoncture/2018/05/05/20002-20180505ARTFIG00009-la-moitie-de-l-energie-electrique-produite-par-le-nucleaire-en-europe-vient-de-france.php
https://energieplus-lesite.be/theories/eolien8/rendement-des-eoliennes/
https://www.convertir-unites.info/convertisseur-d-unites.php?type=energie
vos calculs sont faux, bases sur des donnees de ......2008
Faites un effort, actualisez vous. En 2022, en Normandie, nous avons des usines qui produisent des eoliennes offshores de 14MW , vendues a travers le monde entier (USA, GB, Allemagne). 100 eoliennes offshores de 14 MW equivalent a un EPR (si l EPR fonctionne). Les autres pays l ont comprs et investissent massivement dans les parcs offshores...
Quand les éoliennes tournent toutes à 100% pendant 10 ans. Un peu de sérieux l'éolien peut avoir du sens pour défiscaliser, pas pour remplacer une centrale et peu importe le type.
PS : j'ai oublié le coût certain du transport de l'électricité, car que ce soient les éoliennes ou bien les réacteurs atomiques, il faut des câbles cuivre ou bien aluminium, avec isolant, de différents diamètres selon l'intensité qui les parcourt, des transformateurs, des pylônes des tranchées ; des milliers, voire même millions de km de câbles électriques et le coût aussi de l'implantation de ces engins, des tonnes et des tonnes de béton armé pour le socle de chaque machine ! On va en dépenser de l'énergie, du pognon avant qu'elles soient rentables ces éoliennes, si elles le sont un jour pour alimenter l'Europe, ce qui m'étonnerait !!! A force de voir de l'écologie, en on oublie le bon sens et la réalité !
A force de ne pas voir les changements climatiques et leurs conséquences, on oublie le bon sens et la réalité