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Pour la première fois, un fournisseur d’énergie a été sanctionné par l’organisme de règlement des différends du gendarme de l’énergie. Ohm Énergie se voit infliger une sanction de 6 millions d’euros pour avoir abusé du système permettant d’obtenir d’EDF de l’électricité à bas coût issue des centrales nucléaires. Explications.
Rappelons brièvement le contexte. Dans le cadre de l’ouverture du marché de l’énergie à la concurrence, le fournisseur historique EDF, qui gère le parc de centrales nucléaires, doit se soumettre à une obligation. Il s’agit de respecter le mécanisme de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH) qui prévoit de revendre à ses concurrents fournisseurs d’énergie, de l’électricité issue des centrales, dans une proportion et un coût (faible) prévus par les textes.
Une sanction de 6 millions d’euros pour abus d’ARENH
Ce mécanisme, qui prendra fin au 31 décembre 2025, permet de respecter le jeu de la concurrence en accordant à chaque fournisseur la possibilité de tirer parti de l’électricité produite par les centrales. Toutefois, cette pratique s’exerce dans un cadre précis et les fournisseurs doivent acheter à EDF une quantité d’électricité qui n’excède pas les besoins de leurs clients. Or, avec la crise de l’énergie et la flambée des prix de l’électricité sur les marchés de gros, une pratique illégale a vu le jour : acheter un maximum d’électricité à bas coût auprès d’EDF en remplissant son portefeuille de clients pour justifier cet achat. Puis, résilier un maximum de contrats en augmentant fortement ses prix, pour revendre son électricité excédentaire sur le marché de gros. Et empocher une importante plus-value au passage.
Cette pratique a été révélée au grand public par une émission de Complément d’enquête diffusée en mars dernier. Pour beaucoup, cela a été une découverte. Mais pas pour le gendarme de l’énergie. En effet, la commission de régulation de l’énergie (CRE) avait ouvert une procédure depuis septembre 2022 à l’encontre du fournisseur Ohm Énergie pour abus d’ARENH.
Le comité de règlement des différends et des sanctions (CoRDIS) de la CRE vient de rendre sa copie, près de deux ans après sa saisine. L’abus d’ARENH est bien caractérisé et Ohm Énergie écope d’une sanction record de 6 millions d’euros. C’est la première fois que le CoRDIS applique une sanction d’un tel montant. Mais c’est en réalité une goutte d’eau au vu des 44,3 millions que le fournisseur aurait empochés grâce à ce système, selon l’émission Complément d’enquête. Reste que l’image du fournisseur va être sérieusement écornée auprès du grand public.
Commentaires
Au lieu de sanctionner, le gouvernement ferait mieux de reformer son système complètement bancal politico-technico-administratif de fixation des prix. Ensuite il ne faut pas s'étonner qu'on essaye de contourner un système qui incite les acteurs à le contourner. Si un système est si facilement contournable, c'est que les règles qui gèrent ce marché ne sont pas correctement définies par le régulateur.
En France, c'est une dérégulation à l'envers: dans la plupart des pays, lorsqu'on essaye d'aller vers plus de concurrence dans un marché qui est à l'origine un monopole (comme par exemple le cas d'école de la procédure antitrust contre l'empire Rockefeller) on essaye de progressivement limiter la position de dominance de l'acteur historique en protégeant les nouveau venus.
La question est pour un "service" comme l'électricité, peut-il réellement y avoir de la concurrence !?
Aux USA, les producteurs d'électricité ont tout un tas de rémunération : production, mais aussi service système, diverses garanties de production, etc...
Pour qu'un opérateur soit capable de produire en 24/7 sur un territoire, il lui faut une armada d'équipements... Donc une sacrée taille critique et des revenus pour ses divers équipements (même en stand-by !)...
Que de petits opérateurs produisent de manière variable et injectent (ce qui est le cas pour l'hydraulique depuis des décennies est logique !) c'est logique... Que des vendeurs prennent les bénéfices d'un gros sans quasi investir dans la production, c'est Bof !!!
Nota : Le pétrole (énergie de Stock et aussi à la base de la chimie moderne) se stocke donc peut se vendre en décalé (avec même des influences sur le Marché...). La concurrence a donc son importance...
Bizarre d'ailleurs qu'en France on ait laissé Total bouffé Elf il n'y a pas si longtemps !? (soi-disant pour des économies d'échelle et pour faire face à la concurrence des majors... US..., mais pas pour la concurrence en France...)
Il faut faire la différence entre le réseau et la production. Les réseaux ont tendance à constituer naturellement un monopole. Mais certains pays ont tous de même une séparation au niveau transport haute tensions qui sont régionaux et des régies d'électricité non pas au niveau du pays mais des agglomérations.
Pour la production, la tendance au monopole naturel existe lorsque la production provient principalement de grosses centrales centralisée mais c'est de moins en moins vrai aujourd'hui. La production solaire est par exemple dans la plupart des pays principalement décentralisé, meme chose pour l'eolien. Il n'y a pas obligatoirement un monopole naturel et les acteurs peuvent agir en concurrence sur le marché spot intraday et le Day-Ahead. Pour ce qui est des opérateurs en France qui ne savent faire rien d'autre que faire des factures sans produire eux même, c'est plutôt un simulacre de libéralisation de l'électricité. Pour les pays qui veulent vraiment atteindre une haute part de production décentralisée, une séparation entre producteur et opérateur distincts qui vends l'électricité fait par contre tout à fait sens: l'opérateur n'est plus juste un fournisseur d'électricité mais un prestataire de solution pour aider par exemple le consommateur-producteur à produire lui même, l'aider à installer sa wallbox où encore profiter de la capacité de sa voiture électrique pour agir en tant que batteries virtuelle, etc.. Un producteur lui n'a aucun intérêt à ce que le consommateur produise lui même, donc il y a un conflit d'intérêt et cela va à l'encontre d'une libéralisation de la production. c'est plus où moins ce qu'on observe en France d'ailleurs !
@Perlybird,
Si la concurrence amenait un foisonnement de production, l'équilibre économique serait plus adéquat... Malheureusement les productions des ENRi sont faiblement foisonnantes à certaines périodes... D'où des surproductions et des prix négatifs qui vont couter très chers aux consommateurs de manière directe via l'ACCISE ou indirecte quand c'est l'état qui paye...
La France a toujours eu des petits producteurs indépendants (par ex la SNCF avait des barrages il y a peu !).
Les Théories libérales sur l'électricité ont échoué et sont néfastes pour avoir des prix compétitifs pour les particuliers et/ou les entreprises... Seul les acteurs de Marché profitent de la situation actuelle...
La libéralisation de la production est possible depuis fort longtemps, mais les outils de production (hors hydraulique) n'ont longtemps pas été rentables (et vu les subventions et autres mécanismes d'aide ne le sont pas encore...).
Perso, je connais un producteur de micro-hydraulique qui est installé depuis les années 90... Ca ne dérange pas EDF car en bout de ligne cela injecte et évite des pertes... De même que dans les années 2000, le début du développement éolien a fait beaucoup de bien au réseau RTE... (Aujourd'hui avec la production en montagnes russes et très peu de pilotage des consommations qu'aurait pourtant du offrir les "dealeurs" d'Elec, cela pose problème, heureusement que nous avons de grosses interconnexions pas franchement locales...).
Un réseau robuste est souvent synonyme de grand réseau...
Je ne parlais pas seulement des ENR mais de tout type de production.
Pour pouvoir dire que les théories libérales ont échouées, il faudrait déjà essayer...
Comme je l'ai déjà dit, ce qui existe en France n'est qu'une pseudo-libéralisation qui n'existe que pour remplir à minima les demandes de Bruxelles mais cela n'a absolument rien à voir avec un vrai marché dérégulé et libéral: cela reste un monopole étatique avec quelques sociétés naines qui sont tout au plus tolérées. Et même si EDF à été précédemment coté à la bourse, la part de free floating était d'environs 10%... donc à 90% propriété de l'Etat français.
Si on regarde comment la libéralisation s'est formé dans d'autres domaines comme les télécoms par exemple, il y a toujours au début une pléthore d'acteurs, qui au début ne font que du recelling (donc sans réseau propre) mais dans une deuxième phase il y a une phase de consolidation avec 3 ou 4 acteurs qui ont émergé avec leur propre réseaux. Pour l’électricité, beaucoup de pays européens se trouvent dans la deuxième phase. En France, on est jamais sorti de la première phase et on n'en sortira probablement jamais... parce que c'est voulu par l'Etat même si il ne faut pas le dire trop fort pour ne pas bruisser Bruxelles.
Dans mon argumentation, je ne parlai pas du réseau électrique mais uniquement de la production d'électricité.
La libéralisation des marchés de l'électricité a été un fiasco en Californie pour le "consommateur moyen", elle l'est aussi en Europe à nouveau pour le consommateur "moyen". Je crois de moins en moins à la libéralisation de certains secteurs de notre vie courante... Pour l'électricité, bien élémentaire de base très capitalistique, que des "fenêtres" soient réservées à des opérateurs privés, je suis d'accord (et cela a toujours été le cas du reste).
La libéralisation en cours du système de Santé n'est guère efficace ni optimale... et impacte la vie de nombreux français mais pas de tous...
Que penseriez-vous de libéraliser l'armée !? Les USA ont essayé (surtout en Irak) et cela leur a couté une fortune au final et sans de réels résultats (sauf pour certaines boites privées et leurs employés, mis à part ceux qui y ont laissé leur vie...).
Je pense (Avis perso) que nous avons besoin de commun dans certains secteurs, et l'électricité en fait partie (Re-Avis perso).
Je ne suis aucunement contre le principe le principe du service public et encore moins un adepte du libertarianisme. Au contraire je suis pour un Etat fort qui replisse pleinement ses missions régaliennes. Dans le cas de la Californie, c'est en effet un bon exemple de libéralisation ratée. Lorsqu'on passe d'un marché en situation de monopole à une libéralisation, il y a une phase de transition où le régulateur doit faire en sorte que les nouveaux acteurs puissent entrer sur ce marché mais sans que l'ancien acteur ne fasse faillite ou mettre en danger la sécurité d’approvisionnement du pays. Si le régulateur dérégule trop vite où laisse simplement faire sans réagir, ca peut mener à la catastrophe. Mais ce n'est pas la libéralisation en elle-même qui est responsable, c'est le régulateur qui n'a pas joué son rôle et à faillit. En France, c'est d'ailleurs aussi ce qui est en train de se passer mais dans l'autre sens: la libéralisation de l'électricité est dans l'impasse faute de volonté politique de vraiment vouloir déréguler le marché, donc les opérateur alternatifs restent des lilliputiens sans production propre. Pour ce qui est de l'électricité en tant que bien commun, à l'époque où la production était uniquement produite dans quelques grosses centrales, le fait d'avoir un opérateur centralisé pouvait avoir des avantages. Mais ce temps est en passe être révolu et aujourd'hui n'importe qui peut produire son l'électricité sur son propre toit et toutes les projections indiquent que les renouvelables décentralisés vont devenir la source principale d'électricité dans le monde d'ici quelques années. Lorsqu'un bien peut être produit par tout un chacun, il n'y a aucune raison d'en faire un bien commun. Donc la raison d'être et la mission des opérateurs classiques est en train de se modifier complètement: il ne s'agira plus dans le futur d'être un "simple" fournisseur d'électricité mais un fournisseur de service qui aide le client à produire sa propre électricité et tout au plus joue le rôle du dernier ressort lorsqu'il n'y a pas de soleil, de vent ou lorsque sa batterie est vide. Ca ne va bien sur pas se passer du jour au lendemain, il s'agit de plusieurs décennies mais la direction est claire.
Le marché de l'électricité européen est une arnaque depuis le début, une autre obsession libérale de concurrence inutile. Il serait intéressant de savoir pourquoi ils ne paient que 6 d'amende en ayant empoché plus de 40.
Et combien ont-ils gagné à ce petit jeu ?
C'est marqué dans l'article: 44,3 millions d'€uros.
Si on compare ce chiffre de 44 millions avec le EBITDA d'EDF de 40 milliards en 2023... ça fait 0,1%. Peanuts donc.