Suite au nouvel épisode caniculaire, des dérogations accordées au compte-goutte autorisent les centrales nucléaires à dépasser les seuils réglementaires de rejets d’eau chaude. Mais de quoi s’agit-il ? Ces rejets sont-ils vraiment mauvais pour l’environnement ?
Le 17 juillet 2022, un nouvel arrêté autorise la centrale nucléaire de Bugey (Ain), à rejeter de l’eau chaude dans les cours d’eau pour continuer à fonctionner. C’est la quatrième centrale à bénéficier de cette dérogation cette année, après celles de Golfech (Tarn-et-Garonne), du Blayais (Gironde) et de Saint-Alban (Isère).
Rappelons brièvement le principe de fonctionnement d’une centrale nucléaire. Ces dernières puisent de l’eau en amont d’un cours d’eau ou dans la mer afin de refroidir ses réacteurs, parfois aidées de tours aéroréfrigérantes. Après l’opération, l’eau est rejetée en aval. Cette eau, indispensable au bon fonctionnement des centrales, justifie d’ailleurs l’installation des sites nucléaires à proximité de fleuves et rivières.
L’eau ainsi rejetée est évidemment plus chaude qu’à l’origine, puisqu’elle a été utilisée pour refroidir les réacteurs. Pour respecter la faune et la flore aquatiques, la réglementation a donc prévu un seuil de température à respecter pour les rejets. Il est spécifique à chaque centrale, mais en général, il est de 28 °C en été.
À lire aussi Multiplication des canicules : le nucléaire peut-il encore assurer un approvisionnement énergétique sûr ?Une réglementation problématique lors des canicules
En cas de fortes chaleurs, la température des fleuves est naturellement plus chaude. Son utilisation par les centrales l’augmente davantage. Selon certaines associations, ce réchauffement de l’eau des fleuves conduirait à la disparition de certaines espèces de poissons. Car, lorsqu’elle est plus chaude, l’eau contient moins d’oxygène.
Les températures élevées favorisent également le développement d’algues très consommatrices d’oxygène au détriment d’autres organismes, qui finissent par mourir d’asphyxie. En outre, le risque est aussi sanitaire puisque le réchauffement de l’eau par les centrales pourrait conduire au développement de bactéries (telles que des espèces de légionelles par exemple), source de contamination des fleuves.
Les dangers pour la santé et pour l’environnement sont donc avérés et font d’ailleurs l’objet d’une surveillance de la part de l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN). D’ailleurs, EDF vient de communiquer sur des analyses réalisées au sein de la centrale nucléaire de Belleville. Dans les circuits de refroidissement, un taux de 330 000 UFC/litre en légionelles a été relevé en juin 2022.
Or, la limite réglementaire est de 100 000 UFC/litre. EDF affirme pourtant que cela n’aurait « aucun impact réel sanitaire ou environnemental ». Le résultat de l’analyse a été transmis à l’ASN en tant qu’événement significatif pour l’environnement (ESE). Nous ignorons la suite qui sera donnée à cette alerte à ce jour.
À lire aussi Comment les fortes chaleurs font disjoncter le réseau électrique ?Les dérogations ne sont pas inédites
Des dérogations ont déjà été accordées par le passé, en 2003 et 2006, selon l’ASN. À chaque fois, les ONG s’inquiètent de ces dérogations en raison des répercussions sur l’environnement. Mais par le passé, EDF avait également envisagé et parfois réalisé des arrêts provisoires de ses centrales. Aujourd’hui, la situation est plus complexe. Alors même que plus de la moitié des réacteurs nucléaires (29 sur 56) sont indisponibles, EDF ne dispose pas d’une grande amplitude lui permettant d’arrêter de nouvelles centrales en raison de la chaleur.
En effet, cela poserait un problème pour la production électrique nationale. C’est la raison pour laquelle une dérogation a été demandée afin de permettre aux centrales de continuer à fonctionner en dépassant ponctuellement le seuil de rejet maximal des températures dans les cours d’eau. Les sites de Blayais, Golfech et Saint-Alban ont déjà bénéficié de cette dérogation.
C’est au tour de celui de Bugey de l’obtenir. Pour maintenir la disponibilité du réseau électrique, l’ASN a ainsi autorisé cette centrale à dépasser les seuils de rejets thermiques jusqu’au 24 juillet 2022. Concrètement, elle pourra « continuer à pratiquer ces rejets tant que l’échauffement après mélange des effluents dans le Rhône […] ne dépasse pas 3 °C en valeur moyenne journalière », explique l’ASN. Cette autorisation est assortie de mesures en matière de surveillance de l’environnement aquatique.
À lire aussi Nucléaire : extrêmement vulnérable au réchauffement climatiqueL’avenir énergétique en question
On voit bien ici ce qui est en jeu : d’un côté, les épisodes de canicule vont vraisemblablement se multiplier dans les années à venir, ce qui posera des problèmes de température des cours d’eau. D’un autre côté, le parc nucléaire relativement vieillissant n’est pas à l’abri de problèmes de maintenance provoquant l’arrêt inopiné de certains réacteurs, comme cela a déjà eu lieu en 2021.
Il faudra donc parvenir à un équilibre entre la sécurité de l’approvisionnement (qui conduirait au dépassement des seuils de rejets thermiques) et le respect de l’environnement (qui pousserait à arrêter provisoirement les centrales). Les associations protectrices de l’environnement craignent que les centrales soient maintenues en fonctionnement malgré les effets néfastes pour la faune aquatique.
Derrière cet événement, il y a évidemment le futur de notre mix énergétique qui va se jouer. Si les centrales nucléaires ont des difficultés à fonctionner lorsqu’il fait trop chaud, cela risque de poser de sérieux problèmes. C’est un élément à prendre en compte dans la réflexion autour de notre avenir énergétique.
À lire aussi L’électricité nucléaire française serait incroyablement bas-carbone selon EDF
Les centrales nucléaires qui sont censées lutter contre le réchauffement climatique réchauffent les fleuves et l’air , ce n’est pas l’idéal.
Améliorer le rendement de ces centrales nucléaires thermique serait souhaitable mais c’est évidemment très difficile, pour l’instant les 2 tiers de l’énergie produite est perdue dans l’atmosphère.
Je crois que dans les tours de refroidissement, on utilise le ruissellement de l’eau puisée dans les rivières le long des circuits à refroidir (en l’amenant en haut des tours avec ruissellement gravitaire), pour le forçage de son évaporation, et utiliser la transformation d’état pour prendre l’énergie au support (2500 Joules au gramme). L’eau résiduelle est récupérée dans des bacs, et remise en jeu pour un nouveau cycle de ruissellement. Il y a bien puisage permanent dans le milieu (pour compenser la masse évaporée), mais j’ai cru comprendre qu’il n’y avait pas de rejet. En revanche, les problèmes de légionellose… Lire plus »
A partir du moment ou une centrale est équipé de tours de refroidissement, elle est refroidit par l’air. La tour est un immense échangeur eau-air dans lequel l’eau est pulvérisé à travers une grille pour maximiser les surfaces d’échanges et il y peut y avoir éventuellement une turbine qui force le passage de l’air à travers la tour. Une partie de l’eau passe en phase vapeur, ce qui prélève de la chaleur et aide à refroidir. La vapeur (et l’air) qui s’échappe emporte avec elle les joules qui ont été prélevées à l’eau, donc il faut refaire l’appoint en eau.… Lire plus »
Réchauffer l’eau notamment comme on le fait avec le nucléaire, n’est pas sans impact sur la production de vapeur d’eau qui rappelons le, est le principal gaz à effet de serre. Plus de chaleur dans l’eau, veut dire plus d’émission de vapeur. Et plus d’émission de vapeur plus de chaleur dans l’air. Sachant qu’à chaque degré supplémentaire, l’air peut contenir 7 % de vapeur d’eau en plus ! Combien faudra-t-il de catastrophes pour qu’enfin le GIEC se préoccupe du problème des émissions de chaleur plutôt que de ramener constamment le sujet sur le co2, qui sans chaleur ne réchaufferait rien… Lire plus »
Dans la chronologie, c’est bien le CO2 qui est l’acteur principal du réchauffement. Tant que la température atmosphérique ne change pas, ajouter de la vapeur d’eau n’influe pas sur le système (arrivé à saturation, il y a transformation en eau et retour par précipitation, dans un cycle à l’échelle hebdomadaire). En revanche, une fois le processus de réchauffement enclenché, la loi de Clausius-Clapeyron que vous invoquez va modifier sensiblement le régime d’effet de serre naturel (évaporation accrue des océans, et effet de serre augmenté par la masse de vapeur d’eau). Même si les fenêtres d’absorption de la vapeur d’eau sont… Lire plus »
« Dans la chronologie, c’est bien le CO2 qui est l’acteur principal du réchauffement. » Bah non ! Le co2 est le produit de la combustion des gaz. Donc à chaque fois qu’on fait tourner un moteur thermique, c’est la combustion des gaz issus du charbon, pétrole ,gaz, bois, etc .qui produit la chaleur. Et c’est de la désintégration du produit concerné que s’échappe le co2. « Les émissions de vapeur d’eau d’origine humaine sont insignifiantes au regard de la masse de vapeur contenue dans l’atmosphère C’est pas parce qu’elles sont insignifiantes qu’elles seraient sans effet sur le réchauffement, qui à mon avis… Lire plus »
Effectivement, si on fait la chronologie c’est : « Utilisation de combustibles fossiles » >> « Émission de CO2 » >> « Augmentation du forçage radiatif » >> « Augmentation de l’effet de serre » >> « Augmentation de la température ». A aucun moment l’évaporation (naturelle + humaine) ou le réchauffement de l’air par les activités humaines (vapeur, chaudière, barbecue) n’entre dans l’équation. Toutes ces informations sont faciles à trouver (bonpote.com / fresque du climat…). Quelques points restent à clarifier : Oui la vapeur d’eau provoque l’effet de serre mais le total dépendra toujours de la température, s’il y a de l’évaporation humaine localement, il y aura un peu moins d’évaporation… Lire plus »
« Non les lacs artificiels ne sont pas la cause du problème. Si l’eau chauffe et dérègle localement le climat, c’est simplement à cause de la température générale qui augmente ». La température augmente d’autant plus que les zones froides, (surface de neige et de glace ) se réduisent. Et elles se réduisent d’autant plus que l’énergie calorique emmagasinée dans l’eau pendant les étés, va restituer progressivement cette chaleur sous forme de vapeur qui suivant l’amplitude thermique et le vent atteindra plus ou moins rapidement les sommets enneigés les faisant fondre sur une plus grande période de temps. Ou retardera les chûtes… Lire plus »
A propos de la dernière phrase : avec l’ utilisation massive de l’hydrogène cela reste-t-il toujours le cas ? (calculs faits pour la substitution du relargage du CO2 par celui de l’eau ?)
La solution est donc de fermer les centrales nucléaires ? On peut remplacer par de l’éolien ou du solaire, mais ces 2 solutions sont également impactées par les fortes chaleurs : En 2022, l’éolien a produit plus en moyenne journalière de janvier à mars que d’avril à juillet. Il y a donc moins de production quand il fait chaud. Le solaire produit plus en été lorsque les jours s’allongent mais la température fait baisser le rendement, et donc la production (entre -10% et -20% lors de fortes chaleurs). Évitons de tomber dans le sophisme de la solution parfaite, il faut juste bien… Lire plus »
Evidemment que solaire et l’éolien subissent la chaleur produites par les autres modes de production énergétique. Qui s’ajoute à celle du soleil pour réchauffer l’atmosphère ! Et qui avec le vent, impacte des régions situées bien au delà des limites convenues de l’implantations des usines. Mais elles au moins n’en ont pas besoin pour fonctionner !. Ce qui est étonnant dans votre réponse c’est qu’enfin vous abordez le problème de la chaleur ? Alors que le GIEC nous rabâche depuis des années que c’est la faute du co2 ? Sans que jamais personne n’évoque le problème de la chaleur- qui… Lire plus »
Et que dire si les cours d’eau sont plus bas année après année ?
Iront-ils puiser dans la nappe phréatique ?
« Le nucléaire » ne veut rien dire en soi. De futures centrales déjà HS et très chères comme les EPR ne sont pas la même chose que d’autres solutions nucléaires fiables, efficaces et moins chères au prix du kWh produit sur la durée de vie. Moi je dis oui aux secondes mais non aux 1res, suis-je anti ou pro nucléaire ? Et les anti, qui sont toujours les seuls à rédiger sur ce site, proposent quoi pour équilibrer offre et demande 24/365 avec une conso électrique qui augmentera de 30 % d’ici 2050 ?
Facile, du charbon !
Et en plus, ça consommera…encore plus d’eau 🙂
Les centrales sont fiables jusqu’au jour où il y a un accident avec des conséquences dramatiques, le risque zéro n’existe pas donc multiplier les centrales va aboutir statistiquement à des problème .
Ce qui se passe en Ukraine actuellement avec la guerre est problématique.
Sans compter le faible rendement des centrales.
C’est une solution à moyen terme c’est tout, à long terme personne ne sait vraiment comment faire.