« D’ici à quelques années nous voulons avoir, en France, une gigafactory de production d’hydrogène qui sera la plus importante au monde » aurait déclaré Bruno Le Maire lors d’une récente séance au Sénat. Ce projet devrait s’inscrire dans la « Stratégie nationale pour le développement de l’hydrogène décarboné en France» présenté par le gouvernement le 8 septembre. De son côté, le Conseil des ministres européens présidé par l’Allemagne prépare un document qui vise à exclure l’électricité nucléaire pour la production d’hydrogène « propre ».
Après l’Allemagne et l’Europe, la France affiche donc des objectifs ambitieux d’investissements dans l’hydrogène. Doté d’un budget de 7,2 milliards d’euros sur 10 ans, son plan vise notamment à le produire par électrolyse de l’eau. « Un procédé qui apparaît comme le plus prometteur, et pour lequel la France dispose déjà d’industriels à fort potentiel » estime le gouvernement.
Beaucoup plus coûteuse que le vaporeformage de combustibles fossiles utilisé actuellement pour produire plus de 95% de l’hydrogène consommé dans le monde, le développement d’une filière compétitive d’électrolyse nécessitera donc de passer à l’échelle industrielle en construisant de grandes unités de production.
A l’instar des immenses usines de fabrication de cellules pour batteries qui poussent comme des champignons en Asie mais aussi en Europe, Bruno Le Maire appelle donc de ses vœux une « gigafactory » française de production d’hydrogène. « Giga », c’est en effet 1000 fois plus grand que « méga ». Dans la « stratégie » française, le gouvernement s’est fixé un objectif de 6,5 GW (gigawatts) d’électrolyseurs installés en 2030.
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Hydrogène « décarboné » ou « renouvelable » ?
Pour les alimenter il faudra aussi disposer de beaucoup d’électricité à bas coût. C’est sans doute la raison pour laquelle la France, championne mondiale de l’énergie atomique, évoque, dans son plan, le développement d’hydrogène « décarboné ». Un terme qui permet d’envisager l’utilisation de l’électricité produite par les 56 réacteurs nucléaires en activité dans l’Hexagone. C’est ce qu’on appelle de l’hydrogène « jaune ». Il est décarboné, certes, mais le « combustible » utilisé – l’uranium – n’est pas renouvelable. En outre, il s’accompagne de la production de déchets radioactifs et ne peut pas vraiment être qualifié de « propre ».
Les ambitions du gouvernement pourraient toutefois être contrariées par l’Europe. Un document que se sont procurés nos confrères de contexte.com dévoile en effet un projet de résolution du Conseil des ministres présenté par la présidence allemande. «La priorité doit être donnée à l’hydrogène renouvelable, seule solution durable à long terme» » y est-il écrit. Il s’agit donc d’hydrogène « vert », produit exclusivement à partir d’énergies d’origine renouvelable comme l’éolien, le solaire ou l’hydroélectricité. Cette formulation exclut d’office le recours à l’électricité d’origine nucléaire et la production d’hydrogène jaune.
Les experts des différents Etats membres débattront du projet de résolution lors d’une réunion de travail qui se tiendra le 27 octobre. Les échanges entre les partisans de l’hydrogène vert et les supporters de l’hydrogène jaune, représentés principalement par la France et quelques pays d’Europe de l’Est, risquent d’y être vifs.
Le vote final devrait intervenir au cours de la réunion du Conseil des ministres de l’Energie qui est prévu le 14 décembre.
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Commentaires
Qu'est-ce qui est censé être vert ? Les dispositifs pour capter l'énergie renouvelable ? On en est encore là ?
Pour le Maire, il a l'air d'aimer le giga. Pour produire de manière très concentrée un H2 difficilement transportable il y a peut-être d'autres approches possibles, fussent-elles moins spectaculaires et dussent-elles donc moins nourrir sa soif de grandeur.
Enfin, j'espère que la France défendra sa position avec ses autres partenaires avant de discuter avec la sacro sainte Allemagne, très forte pour défendre ses intérêts industriels et de court terme. Les exigences de l'Allemagne comportent du charbon jusqu'en 2038 (officiellement), s'ils sont ceux qui imposent leur vision à la France et l'Europe, notre avenir climatique à tous est bien mal engagé.
Vous critiquez à tort l’Allemagne, qui progresse à pas de géant dans les renouvelables, tandis que la France reste empêtrée dans le nucléaire, ses coûts et ses déchets. La production électrique brute outre-Rhin a été assurée à 46% par les énergies renouvelables pour les trois premiers trimestres de cette année, contre 25% pour le charbon. Angela Merkel soutient la proposition de la Commission européenne de réduction des gaz à effet de serre de 55% d’ici 2030, contre l’objectif actuel de 40%.
Bel exemple de sortie du nucléaire
Communiquer sur des objectifs de long terme de réduction des GES c'est bien. Mais c'est mieux d'essayer de mettre les actes en cohérence avec les paroles. Ce n'est pas en soutenant les mines de lignite et les tanks électriques que l'Allemagne atteindra l'objectif. Quant à ses résultats dans le renouvelable, on l'a félicitera quand elle entrera dans les 10 pays les moins émetteurs d'Europe pour son électricité, ce qui ne serait pourtant pas en soi un exploit.
L'Allemagne est cohérente. Relisez donc par exemple l'article de Révolution énergétique :
https://www.revolution-energetique.com/lallemagne-lance-son-premier-appel-doffre-pour-la-sortie-du-charbon/#:~:text=%C2%AB%20La%20production%20d'%C3%A9lectricit%C3%A9%20au,l'arr%C3%AAt%20recevront%20des%20compensations.
Une Gigafactory H2 implique une Gigafactory d'électricité à côté... nucléaire ? Pas vraiment vert... L'avenir, c'est la production d'électricité decentralisée, au plus proche des consommateurs, nos gouvernants n'ont toujours pas compris !
Certainement qu'il vaut mieux que l'hydrogène soit produit par le renouvelable, mais arrêtons la bêtise, il ne faut pas se tirer une balle dans le pied en empêchant quelle le soit à partir du nucléaire. Les pays hors Europe ne vont pas se priver et prendront de l'avance sur nous.
En l an 2000 j ai effectué un travail d étudiant ingénieur sur les voitures à hydrogène, vues comme très prometteuses à l époque. 20 ans après, les voitures électriques ont largement prouvé leur supériorité en termes d efficacité sur la chaîne de transformation de l énergie. Et les camions ? Ils passeront aussi à l énergie électrique sur batteries ou via des caténaires sur autoroute.
Si l hydrogène doit devenir un vecteur de stockage d énergie verte, cela n a de sens qu avec des productions locales qui permettraient d utiliser la chaleur perdue lors de l électrolyse. Une gigafactory ne bénéficiera pas vraiment d économies d échelles car les électrolyseurs standards auront une taille normalisée. De plus il faudrait de grosses infrastructures pour convoyer l électricité et le gaz produit.
Enfin, commençons par appliquer une taxe carbone si on veut réellement encourager la production d hydrogène vert.
Ah ce bel hydrogène vert... Qui ne restitue qu'un tiers de l'énergie qui a été consommée pour le produire.
On critique la voiture électrique en prétendant qu'on n'aura jamais assez de production électrique et à côté de ça on plébiscite l'hydrogène...
Le seul moment où la production d'hydrogène est intéressante, c'est quand la production d'électricité à partir de renouvelables est excédentaire.
Dans tous les autres cas, c'est du gaspillage énergétique et surtout ça fait qu'on va devoir tirer plus d'énergie sur les non-renouvelables !
Pour utiliser des chiffres :
- avec l'hydrogène, on va consommer 60kWh d'énergie pour produire et compresser 1kg de gaz, qui va permettre de faire 100km
- avec un VE à batterie, on va consommer 14 à 20kWh, selon le véhicule, pour parcourir ces mêmes 100km
Donc pour parcourir 100 avec l'hydrogène on va consommer au moins 40kWh en plus qui pourraient se retrouver sur le réseau, mais comme ils n'y sont pas, on va devoir aller les consommer sur du non-renouvelable...
Si les véhicules à hydrogène se développent réellement, ce sera simplement pour permettre aux groupes pétroliers de perdurer avec une reconversion pseudo-verte des hydrocarbures, la production "propre" restera encore bien longtemps minoritaire.
Le véhicule électrique ne rapporte pas grand chose ni à l'État (surtout quand on a soi-même une installation photovoltaïque par exemple) ni aux groupes pétroliers qui ne se diversifient pas. Il faut donc tenter de le remplacer par quelque chose de plus facilement taxable pour ce qui est de l'État et par quelque chose qui peut être produit à partir d'hydrocarbures pour les pétroliers.
Il ne faut pas oublier que moins importer d'hydrocarbures permet de rééquilibrer la balance commerciale. De plus des panneaux solaires ne se montent pas tout seuls et produisent donc du travail local (donc des impôts aussi). Cela reste certes encore trop insuffisant mais les petroliers commencent à se diversifier (voir par exemple les nouvelles aquisitions et investitions de Total dans les batteries et renouvellables).
L'argumentation devellopée ici est vrai aujourd'hui (le fait qu'il n'y a pour l'instant pas assez de renouvellable en excès pour pouvoir produire de l'hydrogène vert) mais il ne faut pas oublier un point: dans quelques années, les excès ne seront plus des épisodes rares mais au contraire très courant. Il suffit d'extrapoler le graphique suivant pour estimer la situation dans 10 ans en Allemagne:
https://energy-charts.info/charts/renewable_share/chart.htm?l=en&c=DE&interval=month&year=-1
"qui ne restitue qu'un tiers de l'énergie qui a été consommée pour le produire" : idem pour le nucléaire, mais que vous ne critiquez sans doute pas. Mieux vaut produire à partir du solaire, de l'éolien qu'à partir de l'uranium. Et il est nécessaire de stocker, notamment via l'hydrogène.